Alors, Lucestellare se retourne. Majestueuse, terrifiée, angoissée, maladroite, en larmes, pétrifiée, excitée, désespérée, apeurée, impatiente, crispée, bouillante, craintive, folle de joie, souffrante. Amoureuse.
Et ils se voient. C’est un boom pensif, c’est un bug visuel, un truc énorme, inqualifiable, inconcevable, un truc tellement impensable que l’Abstraction, à côté, ce n’est plus rien du tout qu’un petit logiciel de routine. La toile se tord, se plie, bouillonne autour d’eux, les ondes de panique ravie qu’ils émettent fusent de tous les côtés comme des missiles à tête chercheuse, et les toiliens sourient, les toiliens se marrent parce que c’est trop fort, trop beau. L’instant d’après, ils ne sourient plus, et ils se demandant ce qui a bien pu les faire rire comme ça, sans raison apparente. Les uns retournent à leurs pensées personnelles. Les autres continuent de suivre l’événement.
Et ce n’est pas un déclic qui se produit, pas exactement, mais quelque chose circule dans les esprits, quelque chose de neuf et d’inattendu, quelque chose qui remplirait d’espoir les chercheurs d’Abstraction s’ils y prêtaient attention.
Plus rien ne compte, puisque le créateur d’Abstraction et Lucestellare sont en train de se regarder, physiquement, dans la vraie vie, au-delà de toutes les barrières et les flouteries de la toile, sans aucune vitre entre eux, juste là, lui et elle, à se dévisager. Et ils réalisent qu’ils sont imparfaits, terriblement médiocres et insuffisants, scandaleusement humains.
Il remarque qu’elle a les cheveux gras, distingue entre ses lèvres les fameuses dents écartées. Elle constate qu’il a un bouton sur le front, et que l’envergure de ses narines est impressionnante. Ils sont tout deux en sueur et leurs respirations sont désagréablement bruyantes.
Et pourtant, le même large sourire éclot sur leurs deux figures imparfaites.
Leurs peaux luisantes, leurs points noirs, leurs haleines chargées, leurs mains moites sont autant de preuves sublimes de leur humanité, et plus encore, de leur réalité.
Plus question de chimères, plus question de voyages en fusées, de toile ou d’Abstraction, ils sont un homme face à une femme, les yeux de l’un mangeant les yeux de l’autre, le désir de s’étreindre pullulant en chacun d’eux comme une septicémie généralisée, et la timidité les empêchant de faire le premier pas, toujours cette timidité d’avant le geste, cette peur de l’imprévu, cet instant délicieux qui fait tout le bonheur du couple. Ils ne sont plus rien qu’une femme et un homme face à face, comme il y en a eu des milliards depuis que le monde est monde, ils ne sont pas différents des autres, ils rejoignent la grande famille des amoureux transis.
Ils sont amoureux, oui, tout bêtement, comme l’ont été les humains depuis la nuit des temps, ils sont amoureux et quelque chose les pousse l’un vers l’autre, quelque chose d’ardent et de jubilatoire, quelque chose d’un peu vague qui laisse la science perplexe et nourrit l’imaginaire.
Mais l’instant en suspension ne peut durer des siècles, ils ont quitté le rêve et l’instant prend fin.
Et alors, ils se prennent dans les bras l’un de l’autre, comme les premiers amants que la Terre a porté, comme les héritiers millénaires des amoureux de toute l’Histoire. Il frémit en caressant ses cheveux, et elle a un « impalpable rire tremblé » en frôlant sa peau. Et puis ils s’embrasent.
Ils sont là, merveilleusement là.
Et puis ils s’embrassent. C’est la chose la plus honteusement banale à faire en cet instant aux couleurs d’éternité, eux-mêmes sont scandalisés par la banalité de leur acte, délicieusement scandalisés, et ils en rient de ce scandale de pacotille, ils en rient parce qu’en cet instant plus rien ne compte que leurs lèvres, leurs dents qui s’entrechoquent et leurs corps qui se pressent l’un contre l’autre.
Comme il est bon d’être banal. Comme il est bon d’être amoureux, comme il est bon de ne plus être seuls. Or là, maintenant, ce qu’ils veulent, c’est précisément un peu de solitude. Un peu de solitude et une pincée d’Abstraction, ce serait l’idéal. Mais l’idéal n’existe pas dans la vraie vie. L’Abstraction n’est toujours pas construite. Ils devront s’en passer. Les toiliens se régaleront, se scandaliseront, s’étonneront de leurs ébats, mais ils s’en fichent, ils s’en fichent, il est l’heure de s’aimer.
Et l’Abstraction, ils pourront toujours la construire demain.
Ou après-demain.
Il y a juste un truc qui m'a démangée dans cette histoire : c'est que Lui s'est persuadé d'être muet à partir du moment où il n'a pas pu parler dans un rêve. Ça aurait pu n'être qu'une angoisse matérialisée par son subconscient, et ç'aurait été parfaitement logique vu qu'il savait que parler était important pour Elle. Du coup j'ai été un peu déçue qu'il ne tente pas de creuser l'affaire pendant qu'il était éveillé.
En tout cas je suis heureuse d'avoir découvert ta plume avec cette histoire Ery. Elle date, certes, mais tu y as déjà une patte bien à toi et très poétique. Je te relirai avec plaisir. ^^
Il y a de l'amour dans ce monde irréel... et il y en a aussi dans le nôtre ! Je suis contente que ça finisse sur ce message d'espoir.
Bon, j'ai du retard, ton histoire, je l'ai terminée il y a un peu moins d'un mois... Mais me revoilà quand même !<br /><br />Comment dire... Une véritable bouffée d'air frais ? Ouais. C'est la première chose qui me vient à l'esprit en pensant à ton histoire. J'ai dévoré tes chapitres, ils m'ont permis de m'évader, j'ai adoré. Ton écriture est agréable, fluide, et on ne doit pas s'y reprendre à trois fois pour comprendre une phrase. Et putain, qu'est-ce que ça fait du bien ! Tu réussis parfaitement ici à faire comprendre une intrigue à la base complexe dès tes premiers mots. Et je te tire mon chapeau !
Le monde, l'univers des toiliens, la recherche de l'abstraction, j'ai trouvé tout cela absolument passionnant. Quand j'ai commencé, j'avais du mal à décrocher mon regard de tes mots (et quand j'y étais obligée, t'imagines pas mon dégout).
Enfin bref. Il me semblait important de te dire à quel point j'ai apprécié la vie de Elle et Lui. De manière générale, quand on découvre un petit bijou comme le tien, je trouve bien de le dire à son auteur.
Donc voilà. BRAVO. J'ai réellement adoré.
En te souhaitant une très bonne continuation et une bonne journée !
Merci infiniment à toi d'avoir pris le temps de me donner ton avis, ça me fait super plaisir ! Ça me surprend, aussi, un peu, parce que comme je te l'avais dit, cette histoire a maintenant un peu plus de trois ans dans les pattes, et quand je la relis, je me dis toujours qu'il y a des tonnes de trucs qui pourraient être beaucoup mieux... J'ai même commencé une réécriture. Je l'ai interrompue après parce que je ne savais pas quelle direction donner à l'histoire, mais j'espère pouvoir la reprendre pour de vrai un jour ! Quoi qu'il en soit, évidemment, ça me remplit de joie qu'on puisse toujours apprécier autant cette version-ci, alors encore une fois merci :')
Bonne continuation à toi aussi, à bientôt !
Ery
J'avoue tu finis ton histoire un coup de maître. Je ne peux dire qu'une chose c'est magnifique.
Cette histoire est birllante et extraordinaire? Brao Ery.
Et quelle fin ! C'était aussi beau et explosif que ce qu'une telle rencontre peut être belle et explosive ! C'est drôle, de voir tes mots sur quelque chose qu'on a déjà ressenti dans sa vie, bien que dans ton histoire tout cela paraisse bien plus vif et plus dense. C'est ma toute petite partie fleur bleue qui va parler là, mais ce dernier chapitre me rappelle inévitablement ma rencontre avec mon copain :$ J'ai beaucoup aimé les références que tu as semées dans l'ensemble de cette histoire, et je trouve que c'était très bien trouvé de finir sur Baudelaire. L'Abstraction est peut-être mise un peu de côté dans cette jolie fin, il n'empêche que ces questionnements sur la beauté et la perfection sont terriblement bien amenés. Ils ne sont pas parfaits, ils le savent, et c'est même encore plus beau comme ça.
Mon lexique se trouve étrangement réduit quand je veux te faire des compliments clairs et précis, alors je vais faire ce que je peux pour faire court. Tout ce qui me vient spontanément c'est : bravo et merci mille fois pour cette belle histoire Ery, j'ai passé de merveilleux moments à rêver avec Elle et le créateur d'Abstraction <3
C'est tout à fait bien résumé, ils n'en veulent plus, de la perfection. Et oui, c'est vrai qu'avec leur histoire d'amour, l'Abstraction passe un peu à la trappe, mais je me suis dit que j'écrirai une suite et j'y tiens vraiment... Un jour ^^'
C'était vraiment un plaisir de te compter parmi les voyageurs ! Merci à toi pour avoir suivi cette histoire jusqu'au bout, et merci encore pour tout ce que tu m'as dit, ça me donne envie de faire encore mieux, mieux, mieux ! <3
Mais, du coup, j'ai été incapable de m'arrêter. Il fallait que je sache. Il fallait que j'aille jusqu'au bout de cette fabuleuse histoire. Et, à l'instar du film d'animation Anastasia, je ne crois pas que ce soit une fin parfaite. C'est un parfait commencement bien au contraire. Le début de quelque chose de nouveau, quelque chose de merveilleux et d'incroyable à la fois. Et le besoin d'une suite se fait effectivement sentir.
Mais, pour nos deux héros, c'est le moment présent qui compte comme tu le décris si bien. Le reste importe peu. On aura tout le temps d'y prêter attention plus tard.
Ca va peut-être paraître un peu niais ce que je vais dire là mais, à mes yeux, c'est un peu comme si tu avais réinventé les histoires d'amour. C'est un sentiment qui s'est tellement banalisé dans les oeuvres (livres, films, ...) d'aujourd'hui qu'on n'y est plus vraiment attentif. Pire, on a même tendance à lui trouver plein de défauts : trop mièvre, trop fleur bleue, trop "coup de foudre", trop physique... trop de tout. On a l'impression de tout savoir sur le sujet, rien ne nous surprend plus, on est blasés.
Mais là, c'est l'inverse. C'est comme si l'amour n'existait pas au début de cette histoire et que la rencontre entre Elle et Lui le créait. Comme si ce sentiment avait disparu, qu'on ne savait plus ce que c'était. Et on le redécouvre grâce à tes héros. Et là, on n'est plus blasés. Il n'y a pas de"trop" ni de "pas assez". Ca sonne juste, ça sonne vrai. Et c'est tellement beau.. comment ne pas les envier ? Alors on vit ce moment par procuration avec eux, à travers eux. Et ça fait un bien fou !
Merci. Merci d'avoir rêvé cet univers, de l'avoir créé et de l'avoir partagé avec nous. Merci de m'avoir fait tant voyager. Je me sens vraiment chanceuse d'avoir pu lire une histoire telle que la tienne car j'y ai pris un immense plaisir. Je crois que je n'avais jamais lu un texte comme ça, c'était vraiment une expérience fabuleuse !
Alors merci à toi. Merci pour tout !
Ne te sens surtout pas honteuse, ni niaise. Je crois que tu as compris exactement les trucs que je voulais transmettre avec cette fin d'histoire, l'ambition que j'avais par rapport aux histoires d'amour... Et puis cet aspect de vivre cette histoire par procuration, puisque c'est vraiment ça, c'est le genre d'histoire que j'aurais envie de vivre.
Enfin je ne sais pas, tu en parles comme si tu avais vraiment tout "compris", avec une justesse qui me touche énormément. Merci à toi, vraiment, pour tous tes commentaires et ta lecture. Ca me donne envie de me surpasser pour la suite !! Je ne voulais vraiment pas d'une fin parfaite, je ne voulais pas de deux héros qui se trouvent parfaits, je voulais qu'ils remarquent les imperfections de l'autre mais qu'elles n'aient aucune importance, enfin, tu l'as déjà tellement bien compris !
Merci infiniment :') Pour avoir suivi, commenté, et voyagé ! Et à bientôt ♥
Parce que finalement, ils formaient un tout. On se détache un peu de la Toile et de l'Abstraction et on se tourne plus vers l'histoire entre Elle et Lui. Mon côté fleur bleue en a évidemment été ravi. Mais j'ai un peu regretté les grandes interrogations métaphysiques sur le monde et les petits oiseaux. Après je comprends aussi le pourquoi de la chose. Elle est proche de Lui, elle ne pense qu'à le voir et tout et tout, et du coup, la grande méchante Toile passe en toile de fond (oui, elle était facile celle là). Et ça fait comme si elle n'existait pas, alors que le parasite est bien là, qu'il a pas encore été anéanti.
Bon, je t'avoue que j'aime aussi voir le mal partout. Mais le truc cool avec cette histoire, c'est justement qu'il n'y a pas de mal. La Toile n'est qu'un moyen, les personnages sont juste les mouches collées dessus.
Enfin bon, j'ai quand même aimé et tout, hein. Par contre, j'aurais bien voulu voir la création de cette Abstraction, justement. Cela dit, ta fin ouverte me plait bien aussi, ça laisse la place à l'imaginaire.
Par contre, j'ai trouvé super intéressantes les interrogations sur la réalité de l'autre. Ca aurait été quand même super cruel si l'un des deux n'était que le produit de la Toile, un être fait entièrement de zéros et de uns *o* D'ailleurs, ça m'a complètement rappelé une nouvelle d'un auteur russe, située dans une réalité virtuelle, où on découvre à la fin que la narratrice n'était en fait qu'un bout de code de la réalité virtuelle en question :P Du coup, ça a été chouette de voir que toi, tu avais opté pour leur réalité à tous les deux.
La rencontre était belle. Ils se découvrent, parfaitement imparfaits, et ça les ravit parce que ces imperfections sont réelles. T'aurais pas pu leur donner de meilleure rencontre, à mon humble avis.
Bref, j'ai passé quand même un très chouette moment de lecture sur ta fiction. J'aime beaucoup quand une fic me fait me poser plein de questions et celle-là a parfaitement réussi. Mais j'ai pas tout compris, tu comptes lui donner une suite ?
En tout cas, félicitations pour l'avoir bouclée !
T'as tout bien compris. L'Abstraction, Vi, et même l'omniprésente toile passent à la trappe face à la force de l'amouuur. Ca pourrait être chouette, c'est comme s'ils avaient trouvé l'abstraction "naturelle", mais bon, espérons qu'ils vont pas rester bêtes et aveugles trop longtemps. Je leur accorde quelques jours de roucoulades, et après, va falloir qu'ils se remuent, tu peux compter sur moi !
Je t'avoue que j'ai pas hésité très longtemps, je pouvais pas en rendre un imaginaire, c'était trop cruel :'( J'aime les happy end, moi ! Mais c'est clair que si je voulais écrire un truc qui se terminerait hyper mal, ce serait comme ça. Finalement, Elle n'était qu'un truc qu'il a imaginé avec son cerveau surpuissant. Dommage ! (Non tu vois, impossible, j'aurais pas pu ^^)
Ca me fait trop plaisir, Sejounette, merci beaucoup beaucoup beaucoup <3
Bien sûr qu'il y aura une suite, elle est déjà en chantier dans ma tête ! Je peux pas laisser l'Abstraction pas créée, je peux pas laisser Vi s'en tirer à si bon compte, je peux pas laisser les toiliens enfermés dans leur prison personnelle de pensées. Vous aurez très vite de mes nouvelles :P
Merci encore d'avoir suivi cette histoire ! Et à très bientôt :D
On y est plongé, on ressent leurs affres et leurs espoirs, on souffre avec eux. Tu sais nous rendre très présente cette rencontre. Tous les monologues sont très émouvants, les descriptions des états émotionnels justes.
Pourtant je ne peux m’empêcher de rester un peu « sur ma faim », car j’avais envie de connaître l’abstraction (« ils pourront toujours la construire demain ») et ses conséquences sur la vie des toiliens… C’est mon côté plus science-fiction que fleur bleue…
Et Vi, la pauvre, elle a complètement disparu ?
Bon, ce n’est pas une critique, hein, mais fondamentalement l’envie que tu continues avec cette univers si étrange…
J’espère donc que tu continueras avec la toile, et que l’histoire de l’abstraction ne s’arrêtera pas là !
Enoooormes bises !!!
Vi est eclipsée, comme tout le reste, par le très envahissant amour ^^ Mais elle non plus, elle n'a pas dit son dernier mot !
Merci infiniment pour tout ce que tu as dit sur ces trois chapitres, je suis tellement contente qu'ils t'aient procuré cette émotion ! Atteindre le lecteur, c'est vraiment ce que je cherche à faire. Un grand merci aussi pour avoir suivi si fidèlement cette histoire <3 Bisous et à bientôt !!