Chloé

Notes de l’auteur : Bonjour ~
Tout d'abord merci de suivre l'histoire de Nim, Anna et Chloé. Ça fait plaisir : )
Ensuite je voudrais mettre les points sur les I dès maintenant.
Le point de vue de chaque héroïne est indépendant des autres. Un chapitre peut se dérouler le même jour que celui du précédent tout comme il peut se dérouler quelques jours plus tard. Le point de vue d'une des filles peut ne pas correspondre avec le moment d'un autre.
Je tenais à vous prévenir pour éviter une mauvaise compréhension de la suite.
Donc voilà ~ bonne lecture

Chapitre 9 Chloé - 1942

Chloé referma la porte de sa chambre d’un geste brusque et s’adossa contre le bois verni. Son cœur battait à tout rompre, une rage sourde bourdonnant encore à ses tempes. Ses doigts se crispèrent sur le tissu de sa jupe tandis qu’elle fermait les yeux, essayant en vain de chasser l’écho de la voix tonitruante de son père.  

 

— Nous allons déménager, Chloé, c’est décidé.  

 

La sentence était tombée, implacable, sans appel. Une promotion, un poste plus prestigieux, un meilleur logement, un quartier plus sûr… Voilà ce qu’il lui avait annoncé d’un ton fier, comme s’il s’attendait à ce qu’elle l’en félicite. Mais tout ce qu’elle avait entendu, c’était qu’elle allait tout perdre.  

 

Bruxelles. Ses amies. Ses repères.  

 

Un vide immense s’ouvrait sous ses pieds.  

 

Elle avait voulu protester, crier que ce n’était pas juste. Mais avant qu’elle n’ouvre la bouche, son père avait enchaîné :  

 

— Après ton comportement honteux à la fête, tu devrais t’estimer heureuse que je ne sois pas plus sévère.  

 

Son regard s’était fait tranchant, chargé de reproches.  

 

Elle en avait encore la gorge serrée.  

 

Chloé serra les poings, refoulant l’envie de pleurer. L’humiliation la brûlait encore. La fête… elle aurait voulu l’oublier. Elle revoyait les visages figés, les officiers allemands qui la jeaugeaient avec mépris. Son rire nerveux, ses mains tremblantes, les faux sourires des convives. Et puis, son père. Son visage durci par la colère, sa mâchoire crispée de honte.  

 

Elle n’avait jamais vu son père la regarder ainsi.  

 

Elle se détourna du miroir, refusant de croiser son propre reflet. À quoi bon ? Elle n’était qu’une déception à ses yeux.  

 

Chloé soupira et se laissa tomber sur son lit, le regard perdu vers le plafond.  

 

Bruxelles…  

 

Un frisson remonta le long de son dos. Son esprit vagabonda vers un souvenir, plus douloureux encore que l’humiliation de la fête.  

 

C'était il y a deux jours, un après midi gris, un parc désert.

 

Nim.  

 

Anna.  

 

---

 

Elles marchaient lentement, leurs pas feutrés sur l’herbe humide. Le vent soufflait fort ce jour-là, soulevant les cheveux de Nim, les mêlant à l’écharpe élimée qu’elle portait serrée autour du cou.  

 

Le silence s’étirait entre elles, lourd, pesant, presque étouffant.  

 

Puis, d’une voix si basse qu’elle faillit ne pas l’entendre, Nim brisa enfin ce silence.  

 

— Mon frère… a été convoqué à Dossin.  

 

Chloé s’arrêta net.  

 

Les mots mirent un instant à se frayer un chemin dans son esprit. Comme s’ils étaient trop lourds, trop terribles pour être immédiatement compris.  

 

Dossin.  

 

Elle savait ce que cela signifiait, elle n'était pas complétement ignorante.

 

Elle releva la tête et croisa le regard de Nim. Son amie paraissait plus maigre encore que la dernière fois qu’elles s’étaient vues. Ses joues creuses, ses cernes violacés, ses mains tremblantes… Tout en elle criait l’épuisement et l’angoisse.  

 

Chloé sentit son estomac se nouer.  

 

— C’est… c’est définitif ? demanda-t-elle, la voix tremblante.  

 

Nim haussa les épaules. Un geste infime. Presque imperceptible.  

 

— On ne sait jamais, murmura-t-elle. Beaucoup de gens disparaissent. Les rafles sont plus nombreuses… Il y a… il y a tellement de morts.  

 

Chloé n’osa pas répondre.  

 

Elle baissa les yeux, fixant obstinément ses chaussures couvertes de boue.  

 

Elle voulait dire quelque chose. Trouver les bons mots. Mais quels mots pouvaient consoler une telle douleur ?  

 

Anna, elle, restait silencieuse. Elle écoutait, le regard rivé sur Nim, avec cette intensité presque insoutenable qui la caractérisait.  

 

Et Chloé… Chloé, qui d’habitude parlait toujours trop, se retrouva incapable de prononcer la moindre parole.  

 

Elle voulait que ce moment s’arrête. Que tout redevienne normal. Que Nim retrouve son sourire, qu’Anna lâche une de ses remarques sarcastiques, qu’elles rient ensemble comme avant.  

 

Mais ce n’était plus possible.  

 

Un gouffre s’était creusé entre elles.  

 

Et alors, sans prévenir, les larmes lui montèrent aux yeux.  

 

— Je suis désolée…  

 

Sa voix se brisa.  

 

Elle sentit ses joues brûler sous l’afflux soudain de larmes, ses épaules secouées de sanglots incontrôlables.  

 

— C’est ma faute…  

 

Elle ne savait même pas pourquoi elle disait ça. Mais elle le sentait au plus profond d’elle-même.  

 

Son père.  

 

Sa famille.  

 

Son monde.  

 

Tout ce à quoi elle appartenait participait à cette horreur.  

 

— Tout est de ma faute…  

 

Sa respiration devint saccadée. Elle avait honte, affreusement honte. Honte d’être du côté des bourreaux. Honte d’avoir le privilège de ne pas trembler chaque fois qu’un soldat allemand passait devant chez elle.  

 

Et soudain, Anna l’enlaça.  

 

Un geste simple. Réconfortant.  

 

Puis Nim les rejoignit.  

 

Un câlin maladroit, fragile, mais infiniment sincère.  

 

— Ce n’est pas ta faute, Chloé, murmura Nim.  

 

— On est ensemble, ajouta Anna d’une voix douce. C’est le plus important.  

 

Les larmes continuaient de rouler sur ses joues, mais elle s’en fichait.  

 

— Et si… et si on finissait par se perdre ? Si un jour on ne se revoyait plus ?  

 

Sa voix était un souffle brisé.  

 

Anna recula légèrement et prit son visage entre ses mains.  

 

— Rien ni personne ne nous séparera. Ni cette fichue guerre, ni qui que ce soit.  

 

Elle essuya doucement les larmes de Chloé du bout des pouces, son regard empreint d’une détermination féroce.  

 

— Tu m’as comprise ?  

 

Chloé hocha la tête, incapable de parler.  

 

Nim lui offrit un sourire fragile.  

 

— Ne t’inquiète pas, Chloé…  

 

Mais ses yeux brillaient de larmes.  

 

Alors, elles s’enlacèrent à nouveau. Trois filles unies dans une étreinte tremblante, bercées par leurs pleurs mêlés.  

 

---

 

Bruxelles.  

 

Son foyer.  

 

Ses amies.  

 

Elle rouvrit les yeux, son cœur battant douloureusement dans sa poitrine.  

 

Son père ne comprendrait jamais.  

 

Il ne comprendrait jamais Nim. Ni Anna. Ni ce qu’elle ressentait.  

 

Il ne comprendrait jamais que son cœur se brisait à l’idée de partir.  

 

Chloé roula sur le côté, serrant son oreiller contre elle.  

 

Les larmes lui montèrent à nouveau.  

 

Elle ne voulait pas partir.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Reglisse000
Posté le 05/03/2025
Oh non c'est trop triste ! Pauvres Chloé, Anna et Nim. En plus, elles se sont promis ça, juste avant que Chloé n'apprenne qu'elle allait déménager ! Vraiment courages à elles
Plume_jasmin
Posté le 30/03/2025
Le courage c'est ce qu'il leur faut en tout cas parce que là c'est juste le début....
:⁠-⁠|
Vous lisez