C’était il y a si longtemps qu’on pourrait croire que seuls les érudits s’en souviennent. Et pourtant tous les habitants ont grandi avec cette histoire. Les mères la racontent aux enfants, le soir avant de se coucher, dans la pénombre d’une chambre aux contours incertains. Les enfants les plus actifs comme les plus sages se calment au rythme de la voix, et boivent le lait des paroles, et s’endorment, avec les images du héros qui fut, se mêlant à celle du héros qu’ils vont devenir.
Il était une fois un héros iranien, qui s’apellait Arash. Cela se prononce Arak, si bien qu’à l’oral, en français, l’effet de son nom n’est pas le même qu’à l’écrit.
Il était une fois un héros iranien, qui s’apellait Arash.
Plusieurs peuples vivaient alors sur les terres de l’Iran actuel, et ils s’affrontaient depuis longtemps. Certains étaient iraniens et défendaient avec acharnement le sol qui leur revenait de droit, le sol de leurs ancêtres. Mais un autre peuple, les Turaniens, les barbares, envahissaient avec férocité les Iraniens, pour conquérir, combat après combat, avec persévérance, le sol dont ils avaient besoin pour vivre. Cela s’appelait les guerres de khwarrah,
Après une ultime bataille remportée par les Turaniens, les Iraniens ne pouvaient pas se voiler la face : ils avaient perdu la guerre, il n’était plus possible qu’ils reconquièrent le pays, et le roi des Iraniens fit partir une délégation auprès des Turaniens pour leur signifier leur reddition. Quant au roi des Turaniens, il estimait avoir gagné assez de territoires. Et ses généraux étaient las de la guerre, partis depuis si longtemps de leur foyer. Il était temps que ses soldats profitent de leurs richesses si durement gagnées. Les chefs des deux peuples convinrent donc de faire la paix, et il fut choisi la façon d’établir une frontière entre les deux pays. Evidemment, le vainqueur de la guerre peut se permettre d’imposer sa volonté : les Iraniens désigneraient l’un des leurs, qui tirerait une flèche, à l’aube même du jour suivant, dès que le premier rayon du soleil darderait ses rayons farouches. Là où la flèche tomberait, là serait la frontière entre Iraniens et Turaniens.
Ainsi en fut il convenu entre les rois des deux peuples. Ainsi la guerre s’achevait-elle enfin. Les Turaniens, satisfaits, déposèrent les armes. Les Iraniens, amers mais vaincus, les déposèrent aussi. Seul un d’entre eux garderait son arc de guerre pour accomplir la destinée de son peuple, celle que les Turaniens avaient condescendu à leur accorder : leur donner un royaume qu’on peut parcourir en une nuit dans sa longueur… Voilà une façon bien sarcastique de se moquer des vaincus…
Mais le chef iranien ne se laissa pas abattre. Il demanda à son meilleur forgeron de passer une partie de la nuit à construire la pointe de flèche la plus effilée qui existât au monde, une flèche qui puisse fendre le vent sans être freinée par son souffle violent dans les plaines du pays. Il désigna Arash, son meilleur archer, pour lancer la flèche qui cèlerait la superficie de leur domaine. Lorsque la flèche fut façonnée, Arash partit au pas de course en direction de la montagne la plus élevée qui existait dans les environs : il voulait prendre de la hauteur pour que son tir gagne ainsi de l’ampleur. Il courut sans perdre haleine jusqu’au mont Damavand, Il condensa dans son effort tout l’espoir qui l’habitait à offrir aux siens un territoire. Il en oublia la douleur de ses muscles à parcourir une telle distance en si peu de temps. Il en oublia la fatigue des années de combat et se nourrit de la certitude que tous les siens étaient éveillés cette nuit-là pour le soutenir dans l’accomplissement de sa mission.
Alors que les étoiles commençaient à pâlir, Arash parvint enfin en haut du mont Damavand. Il calma son souffle en admirant le paysage qui s’étendant devant lui, la terre de ses ancêtres, le sol qu’il avait habité toute sa vie durant, qu’il avait défendu toute sa vie d’adulte, Il se concentra alors sur les gestes qu’il avait appris dès son enfance, autant pour la chasse que pour le combat, ses gestes qui faisait de lui le meilleur archer de son peuple .Il mit toute sa force et tout son cœur, tout son art et tout son civisme, toute sa hargne et tout son amour, pour envoyer la flèche le plus loin possible, dès que le soleil se mit à poindre sur le champ de bataille. Alors la flèche, forte de tant de bravoure et de passion, vola toute la matinée, et ne toucha le sol qu’à compter de midi. Elle parcourut des milliers de kilomètres, se moquant du sarcasme turanien.
Les Turaniens, prisonniers de leur parole, ne purent qu’accepter qu’un si grand territoire appartint à leurs ennemis vaincus.
Quant à Arash, il avait tant concentré son âme dans son tir, qu’il se volatilisa dès que celle-ci se détacha de son arc. Il voyagea aussi loin que la flèche, elle parcourut ainsi tout le territoire qu’il arrachait à l’ennemi, qu’il accordait au siens : les montagnes enneigées, les vastes plaines, les plages ensoleillées, tous les paysages, tous, il les explora pendant ce voyage. Et quand la pointe de sa flèche se planta dans le sol, il flottait encore dans tous ces endroits, et pour l’éternité.
Le peuple iranien le remercie encore pour son courage, mêlé de grandeur, de prouesse, et de générosité.
Belle écriture fluide et sensible.
C'est parti pour le chapitre 2...
Qu'elle belle histoire ! Ce premier chapitre est très bien mené et j'ai hâte de découvrir la suite mais dis-moi as-tu inventé cette histoire ou bien est-ce une histoire populaire iranienne ?
C'est une histoire connu en Iran, m'a-t-on dit. Ma source d'information me l'a racontée et présentée ainsi.