Cinq ans et deux jours.

Par Claire

Sarah court. Elle ne sait pas où elle est, elle sait juste que quelqu'un la suit, que c'est une personne dangereuse. Rapidemment, elle se retrouve dans une prairie. Les collines sont hautes, si hautes, elle s'épuise à fuir. Des gerbes lumineuses violettes lui tournent autour -ça existe les lucioles mauves ?-, Sarah est éssouflée, elle ne sait pas quoi faire, où se cacher. Soudain, ses pieds foulent quelque chose de granuleux, comme du sable -du sable dans une prairie ?-. Sarah aperçoit un saule pleureur, sait que c'est sa seule chance de salut. Vite, elle se met en dessous, traverse son rideau de feuillage, s'appuit contre le tronc, se sait alors sauvée. L'arbre est grand, majestueux, elle n'en a jamais vu de si beau. Elle entend un léger bipement au loin, s'en fiche, respire enfin. L'air est chaud, le vent fait se soulever les lianes du saule pleureur. Une odeur de savon au lait et de grenadine vient lui chatouiller les narines, l'odeur d'Emma. Le bipement se fait de plus en plus fort.

Soudain:

BIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIP, BIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIP, BIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIP

Sarah se réveille en sursaut dans son lit, donne un coup sur son réveil matin qui n'arrête pas:

BIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIP

Bougonne, cri: "MAIS TU VAS T'ARRÊTER TOI ?!"

Lui redonne un coup, se fait mal à la main, pousse un juron, se lève.

Encore de mauvaise humeur, elle se prépare des tartines grillées, sort la confiture de fraise et le beurre demi-sel. Lorsque les tranches de pain saute du grille-pain, elle sursaute; cela la surprend toujours. Elle en prend une, y étale du beurre, de la confiture, puis croque rageusement dedans. Si quelqu'un l'avait vu, il aurait plaint la tartine. Sa mère entre, prend Sarah dans ses bras: "Joyeux anniversaire ma  chérie !"

En un instant, toute sa colère s'évapore: c'est vrai qu'aujourd'hui elle a quinze ans !

"Merci maman !"

"Tu as petit-déjeuné ?"

"Une tartine, là je vais m'habiller."

Sa mère secoue la tête, Sarah connait bien cette expression: "Une tartine, ça n'est pas un petit-déjeuner ! Et après tu te trouves toute maigre ! Reste assise, je vais te faire des pans cakes ! En attendant manges un fruit !"

"Merci maman, mais tu sais..."

"Taratata, c'est ton anniversaire, laisse moi te chouchouter !"

Sarah sourit, prend une pomme, la pèle en fredonnant une chanson dont elle a oublié le titre; finalement, cette journée n'a pas l'air si mal.

"Et dire qu'il y a quinze ans, j'étais fatiguée d'être enceinte, je suis partie faire une petite balade au grand air..."

Sarah soupire; sa mère lui racontait à chaque anniversaire cette histoire qui, bien qu'ennuyeuse, faisait partie des moments clés dont elle ne pourrait pas s'en passer. Il n'y a pas un anniversaire où elle ne lui avait pas raconté. Même si elle râlait, Sarah savait qu'il manquerait quelque chose à ces jours-là si sa mère n'en parlait pas.

"Ton père a dû partir de bonne heure, mais il nous rejoindra à midi. En attendant, il ne sait pas quel petit-déjeuner il rate !"

"Je peux voir Emma cet après-midi ?"

"Si tu veux, mais reste quand même un peu avec nous."

Sarah fait semblant de râler, croque dans la pomme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dans deux jours, elle mourra intérieurement.

Mais ça, elle ne le sait pas encore.

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez