Au chapitre précédent, Samira - la directrice de l'université – a présenté un plan à Guillaume pour qu'il puisse récupérer son appartement sans trahir son engagement envers sa sœur. Il s'agit d'aider le destin réunir Solène avec le Valentin qui correspond à cette dernière.
Samira s'installe derrière un bureau en verre, sur une chaise très moderne en métal, en face d'elle une chaise en bois avec un pied scié visiblement plus court que les trois autres.
Une sorte de guirlande avec une ampoule unique pend lamentablement au-dessus de son bureau au mobilier dernier cri.
Guillaume reste en retrait, adossé à la fenêtre derrière-elle. Ils sont dans le bâtiment dit des "Grands-moulins", au dernier étage, et ont une vue plongeante sur le bâtiment dit de la "Halle aux farines" où se trouve le bureau de Guillaume. Ils peuvent aussi voir le self du CROUS et les chantiers sur la Seine où passent les péniches. Guillaume regarde par la fenêtre, l'air pensif.
Samira est sérieuse, comme en témoignent les rides de concentration sur son front.
— T'es sûre pour le coup de l'ampoule qui clignote ? hasarde Guillaume...
— Évidemment que je suis sûre ! C'est le B.A-ba de l'interrogatoire, rétorque Samira en levant un sourcil fâché.
— Alors, on pourrait éventuellement se passer de la chaise bancale ?
— Bien sûr que non ! Bon, faisons entrer le premier, nous avons cinq valentins suspects, dit Samira, en étalant cinq mauvaises photos d'identité en noir et blanc agrandies à la photocopieuse de bureau.
Les visages sont très ressemblants les uns aux autres, un visage d'ange avec une mâchoire carrée, et pouvant être comparés aux photos en noir et blanc de l'acteur Jacques Perrin, au début de sa carrière, provenant d'un livre rétrospectif sur l'œuvre de l'acteur, producteur, réalisateur et scénariste français, ouvert aux pages de sa prime jeunesse.
— On les suspecte de quoi ? réagit Guillaume, soudainement désemparé...
— Il sont suspectés d'être la perle rare pour ta sœur mystique !! Bon, essayez de suivre maintenant, Professeur ! répond Samira dans un sourire trahissant son amusement, tout en se levant pour fermer les volets.
La pièce est plongée dans le noir avec la seule lumière faiblarde de l'ampoule détraquée.
Un blond, d'un style négligé, aux cheveux gras avec une moustache en brosse, des lunettes carrées énormes, une chemise à carreaux et un bide à bière entre dans le bureau.
— On veut écrire un article sur comment les étudiants répartissent leur temps entre leurs études et leur temps libre, commence Guillaume avec douceur, tu serais d'accord pour répondre à des questions personnelles ?
— Bin... oué, mais ça me fera pas de points supplémentaires pour le rattrapage si je vous aide ?
— Non, tranche Samira. Tu veux un verre d'eau ?
— De...l'eau ? demande l'étudiant, incrédule...
— Tu t'attendais à ce qu'on t'offre du cognac grand-âge ? Tu n'es pas à l'hôtel, là, c'est une garde à vue... réplique Samira, en roulant de gros yeux à l'intention de l'étudiant.
— Bon, d'accord, je vais prendre de l'eau... acquièce-t-il, en regardant Guillaume avec l'air perdu.
— Il faut bien qu'on ait un extrait de son ADN et ses empreintes digitales à son insu, se justifie Samira à l'intention de Guillaume, en sortant un gobelet en carton qu'elle pose brutalement sur le bureau en face du Valentin.
— Ce qu'elle veut dire, c'est qu'il faut que la démarche soit désintéressée, ta participation à cette... euh... cette étude... ne doit rien te rapporter, tu le fais parce que tu es volontaire, nuance Guillaume devant l'incrédulité de leur hôte.
— Ce que je veux dire, insiste Samira, c'est qu'on n'apprécie pas tellement les roublards dans ton genre.
Elle le montre du doigt, et reprend :
— Donc tu t'assois, tu bois de l'eau, et tu réponds aux questions qu'on te pose,et n'essaye pas de faire le malin, OK ?
— Compris ! J'aurai essayé de négocier, mais je vois que y'a pas moyen, hé...hé...faut bien que je trouve des solutions pour mes examens parce que c'est carrément désespéré là, j'ai eu 5 de moyenne, je redouble, ma mère va me couper Internet si je valide pas mon semestre... s'enfonce le Valentin
— Alors, peux-tu nous dire comment tu occupes ton temps libre quand tu n'étudies pas ? demande Guillaume.
— Je me branle, dit le Valentin.
— Euh, tu t'en branles ? Ça signifie que la question ne t'intéresse pas ? s'inquiète Guillaume, sincère.
— Nan, c'est la réponse, hé... hé. Je m'astique la nouille sur des pornos, déclare le valentin satisfait.
— Eh bien, tu pourras expérimenter ta sexualité solitaire sur des podcasts de cours pour valider tes rattrapages, suggère Samira en ajustant ses lunettes, sérieuse.
— J'y avais jamais pensé M'dame, mais c'est astucieux... déclare-t-il avec avidité, le regard libineux, brillant.
***
— C'était ça ton Valentin idéal ? persifle Guillaume après le départ de l'étudiant.
— Je reconnais qu'il n'avait rien d'engageant, admet Samira en pliant ses lunettes qu'elle jette sur son bureau dans une moue dégoûtée. Mais patience Monsieur Colza, il nous reste quatre suspects à interroger, ajoute-t-elle en levant un index optimiste.
Ce chapitre fonctionne très bien, dans la lignée directe du précédent avec la mise en place des entretiens de Samira et Guillaume, le premier étudiant est un candidat assez désespérant, ca promet pour la suite ! J'imagine qu'on ne trouvera pas la perle tout de suite...
Les techniques good cop bad cop et la mise en place de l'entretien sont amusants et montrent l'investissement de Samira dans l'affaire...
Je continue !