– Pouah, je ne sais pas comment tu fais pour boire de la soupe à la tomate à 8 h du matin... s'exclame Guillaume, dégoûté, à Samira, tandis qu'elle sort un gobelet fumant de la machine à café.
Samira va pour lui répondre, mais s'arrête... médusée par le discours d'un genre de play-boy avec une chemise bariolée devant une petite assemblée de groupies à laquelle participent Pomme et Élise, les étudiantes de Guillaume.
– Ha, ça me rappelle y'a quelques années, quand je jouais de la guitare à Bastille, c'était un 17 mars – la saint Patrick - et je chantais du traditionnel irlandais, j'étais en vert pour marquer le coup, puis y'avait un mec zarbi qui me matait depuis un moment.
– Roméo... le Roméo... glisse Guillaume, cynique, à Samira. Il draguerait même un lampadaire, et le lampadaire serait à ses pieds à celui-là...
– ... Là le mec, il vient me montrer ses manches de chemise et il me fait "Regarde petit" je me dis que ce gars est un illuminé, mais j'attends de voir ce qu'il me montre ; et là devant moi John LEPTIK, le guitariste principal de FORST, connu pour ses boutons de manchettes en forme du trèfle irlandais... dit Roméo en gesticulant.
Un ooooooooooo d'admiration mêlé à la surprise s'agrège autour de lui, il poursuit :
– ...J'y crois pas. Il me dit qu'il en a plus d'une cinquantaine de paires et il me détache ses boutons de manchette puis il me les donne parce qu'il a kiffé mon show, ceux-ci. Puis...
Les filles s'approchent pour venir voir les minuscules trèfles métalliques sur les manches de Roméo. Il en profite pour avoir une ou deux mains un peu baladeuses pendant qu'elles roucoulent d'admiration, et continue son baratin.
– C'est un numéro ton Roméo, s'amuse Samira.
– Et c'est ce type de guignols que récolte ma sœur, en croyant avoir trouvé le prince charmant... peste Guillaume, tendu.
***
Samira franchit la porte du bureau de Guillaume quand tout à coup une explosion retentit. Guillaume a à peine le temps de refermer la porte en projetant Samira à l'extérieur de son bureau, que de la fumée noire s'échappe du dessous de sa porte...
– Simple simulation de volcanisme majeur, fait Guillaume, avec un sourire crispé.
– Allons prendre l'air des pots d'échappement devant la fac, tente Samira pour détendre l'atmosphère.
Ils repassent devant la machine à café où sont encore attroupés les jeunes gens, curieuse, elle jette des œillades amusées pour suivre le fin mot de l'histoire.
–... il m'a proposé de le suivre sur sa tournée en Australie...
– Oh ouaaaaaaaa...
– Bien sûr, j'y croyais pas trop, pourquoi moi ? Il a dit qu'il en avait marre des paparazzi et des vendus du rock commercial, qu'il voulait un bon gars comme attaché de presse...
– T'as dû vraiment lui faire une bonne impression, hasarde Élise...
– Évidemment qu'il lui a fait bonne impression, regarde-le, corrige Loubna, c'est un mytho professionnel.
– C'est comme ça que je suis devenu journaliste de terrain ! conclut le bellâtre, satisfait de lui-même, sans tenir compte de la dernière remarque acerbe.
Une fois sortis, Guillaume se relâche :
– Je retire tout ce que je t'ai dit hier, Solène est COMPLÈTEMENT désespérée ! Elle a acheté pour 500 balles de matos ésotérique à une sorcière qui lui a promis qu'elle percerait dans le cinéma en réalisant des comédies romantiques qui elles-mêmes se réaliseraient dans sa vie... Pouah, la blague.
– Tu as parlé d'un Valentin avec qui elle était au lycée, qui est à la fac maintenant et qui ressemble à un acteur des années 60, tu pourrais peut-être aider un peu le destin... en les réunissant ?
En face d'eux, juste devant la vitre, côté rue, Valentin et Émilie fument une cigarette.
– Et la brancher sur un nième looser, alors-là, non merci...
– En fait, le principal, c'est moins de trouver celui avec qui elle était au lycée que de chercher LE BON avec qui elle pourra passer le restant de sa vie sans revenir habiter chez toi... non ?
– Et comment tu vas le trouver ?
– Pour ça, il suffit de chercher tous les valentins de l'université et de les convoquer pour savoir ce qu'ils ont dans le ventre, puis on présentera le meilleur valentin à ta sœur, ni vu ni connu et hop tu te débarrasseras de ta sale gueule en retrouvant ton espace vital. Tu sais que tu me fais de la peine à voir...
– Hm, Solène ne m'a pas dit qu'elle voulait sortir avec un homme dont le prénom était Valentin, elle a juste recroisé un pote de lycée qui a bien vieilli à son goût. Sans parler qu'elle l'a vu de loin et que ma sœur est myope... rétorque mollement Guillaume.
– Faites confiance à la destinée, elle fait toujours bien les choses, Monsieur Colza, elle tombera forcément sous le charme de notre candidat idéal ! s'emballe à nouveau Samira.