Cher Olivier…
Depuis que tu m’as brisée, il y a une année, ma vie a tellement changé…
Au début, je me suis à peine rendu compte que tu m’avais repoussée ; je restais juste vide, comme si j’étais un fantôme, et la vie ne possédait plus de goût. J’accueillais n’importe quel événement avec indifférence, je n’étais plus moi. La routine me paraissait bien fade, comparée à l’adrénaline que cette histoire m’avait offert. Les semaines ont succédé aux jours ; il y avait des hauts, des bas, sauf qu’au final, ma vie semblait aussi plate qu’une feuille. Je crois que ça s’améliorait, avec le temps, même si je n’en étais pas certaine. Et c’est là que tous mes efforts pour redevenir heureuse ont été anéantis.
Tu connaissais très bien les conséquences de ton acte, et même si ce n’était pas le cas, tu aurais pu les deviner. Tu savais que ce serait désastreux. Tu savais qu’inviter Alice à sortir avec toi n’aurait fait qu’aggraver mon cas. Pourtant, tu as tenté ta chance, comme moi avant toi. Sauf que la différence majeure entre nous deux, c’est que tu n’as pas été déçu…
J’en avais fait, des erreurs. Des centaines. Parfois sans conséquences, parfois se répercutant sur toute ma vie. Quand j’avais réalisé ma bêtise, j’essayais de la réparer, ou je laissais passer. Mais quand j’ai appris que tu t’en voulais de me voir dans cet état, j’ai trahi ma promesse de ne plus te parler. Je t’ai expliqué que je ne t’en voulais pas (ce qui était la stricte vérité), et que donc tu ne devais pas t’en vouloir non plus. Je devais encore t’aimer, parce qu’il m’était impossible de t’approcher sans briser le couple que vous étiez, toi et Alice. C’est du moins l’impression que j’ai eue.
J’ai passé plus de trois semaines à m’en vouloir. Mon intention n’était pas de vous séparer, et c’est pourtant ce que j’ai failli provoquer. C’est là que ça a vraiment commencé. La tempête.
Cette tempête que les marins redoutent, sortant de leurs pires cauchemars, je l’ai vécue. Elle semblait mille fois pire, parce qu’elle me rongeait de l’intérieur. Au début, il n’y avait que le vide qui me donnait la nausée. Le vide sombre et glacial de petites dépressions atmosphériques sans conséquences. Elles s’accompagnaient toujours de la pluie fine et pénétrante de la tristesse, mais jamais plus. Jusqu’à ce jour. Des coups de tonnerre d’avertissement résonnèrent au loin avant de s’évanouir… pour reprendre de plus belle. Mes souvenirs revenaient en violentes bourrasques, déséquilibrant mon bateau abîmé. Des rafales de douleur venaient s’acharner sur moi, me rendant toujours plus fragile. Et aussi… des vagues de culpabilité me submergeant, les larmes du ciel ruisselant sur la coque de mes joues, les éclairs de colère aussi brefs que soudains, mes cris de terreur, les déferlantes de douleur de plus en plus brutales. Mon bateau n’était plus, il n’en restait que débris. Le tourbillon de mes pensées m’entrainait sans cesse dans les abysses, lorsqu’un raz-de-marée me précipita dans les rochers. Les rochers meurtriers, où la mort semblait inévitable.
Je luttais pour maintenir ma tête hors de l’eau, je luttais pour vivre, je luttais pour rester dans ce monde trop vaste, mais je voyais bien que l’océan gagnait lentement. Je luttais pour vivre, sauf que j’étais fatiguée de me battre. Je voulais en finir. Je voulais mourir. Mourir me semblait la meilleure des solutions pour oublier ce monde qui ne m’inspirait plus confiance. Je ne voulais plus de ma vie que j’avais moi-même détruite.
Tu empirais les choses, bien sûr, sans le vouloir. Tu me considérais comme une amie, tu tenais à moi, mais moins qu’à Alice, ce que je comprenais. Vous voir ensemble me faisait mal. Qu’elle te considère comme son ange gardien était la pire des choses. Je pouvais supporter ton bras autour de ses épaules, vos regards l’un pour l’autre quand vous croyiez que j’étais ailleurs, les plaisanteries de vos amis. Ça me faisait mal, un peu, mais ça ne me dérangeait pas trop. En revanche, que tu sois son ange gardien… C’était ce que je cherchais chez toi, au fond. Avant, j’étais fragile, et je voyais en toi mon propre ange. Pourquoi t’ai-je donc aimé ?
J’ai cru mourir des centaines de fois, tellement c’était douloureux. J’avais l’impression qu’un couteau me poignardait sans relâche. Mais je me suis raccrochée. Je me suis accrochée à la vie. Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Au fil des blessures qu’on me portait, je me suis endurcie. Je me suis créé un bouclier protecteur, fait de tout ce que j’aimais. J’ai recollé les morceaux de mon cœur fracassé, je me suis débrouillée pour survivre. Le soleil était enfin revenu.
Une amie m’a dit que j’avais changé. Je ne peux pas dire le contraire. Maintenant, je fais plus attention aux personnes qui m’entourent et à leurs problèmes : ceux-ci peuvent ronger la vie jusqu’à ce qu’elle n’existe plus si on n’en recolle pas les morceaux. L’horrible tempête ne se reflète plus dans mes yeux tristes. J’ai arrêté de m’en vouloir, j’ai accepté la vie telle qu’elle est : fourbe et remplie d’épreuves, mais merveilleuse. Et j’ai compris que vivre, c’est avoir le courage de se reconstruire lorsqu’on a été brisé.
Je voulais te faire passer ce message. Fais les choses que tu aimes et aime les choses qui te rendent heureux. Aime Alice, aime la vie, parce que l’une comme l’autre sont précieuses. Et si par hasard tu te brises contre un obstacle, aie le courage de te reconstruire ; la vie vaut la peine d’être vécue.
Bien à toi
A.
Merci pour ce commentaire hyper touchant ! Ne te mets pas la pression pour en écrire des plus longs, parfois il suffit de quelques mots pour faire résonner l'auteur du texte... Alors merci <3
J'ai été attirée, au début, par curiosité vers ton compte pour comprendre l'origine de ce nom que tu as choisis, et je trouve ta capacité à exprimer tes sentiments avec une clarté et une profondeur remarquables. En tant qu'amatrice de métaphores, j'ai particulièrement apprécié celle du bateau, mais surtout la façon dont tu l'exploites pleinement, bien au-delà d'une simple comparaison. Je tiens à te féliciter pour ta force et ta résilience ! Ton message final est à la fois puissant et réconfortant. C'est le premier texte que je découvre, et je suis impatiente de lire les autres ! Je te souhaite bon courage pour la suite, et j'ai hâte de te retrouver dans tes prochaines publications !
Cette métaphore est, je crois, ma préférée, celle sur laquelle je m'identifie le plus...
Bonne lecture pour la suite et encore merci !
Bravo et merci pour ce texte.
Je ressens des émotions connues même si nos histoires sont différentes.
Et j'imagine surtout le ressenti de celui qui risqua de tout briser, mais finalement accepta sa situation et se retira
Je ne me suis jamais véritablement plongée dans les pensées de la personne qui reçoit la lettre, mais ça à l'air passionnant ! Hélas je n'ai pas d'expérience de ce côté-là, donc... à voir pour la suite ;-)
C’est le coeur qui a été touché et j’estime que le coeur n’oublie jamais.
Merci pour ce magnifique texte
Merci encore pour tout, Leyslav. Je ne pensais pas que mes mots avaient autant de pouvoir, et Dieu sait combien ils peuvent en avoir !
Bien à toi.
A.
Tout d'abord bonsoir.
C'est affreux comme j'ai l'impression (et je pense que nous sommes beaucoup), d'avoir vécu ce que tu as vécu (enfin, j'imagine que c'est ce que tu as vécu).
J'ai même l'impression de le vivre en ce moment même.
La façon dont tu écris et décris est magnifique. Et terriblement vraie. J'en ai ressenti chaque instant, chaque molécule, s'en est presque douloureux.
Ta conclusion est aussi très juste. Je n'ai rien a redire, à part... bah félicitation. Enfin, je crois.
Bonsoir, Laurence Acerbe. Merci pour ce commentaire si gentil. Cet texte, de tous ceux que j'ai écrit - et il y en a beaucoup - je crois que c'est mon préféré. C'est celui qui représente/ait le mieux ce que je ressentais. Je me suis souvent demandé combien de personnes éprouvent ce que je ressens/tais. Des milliers ? Des millions ? Deux ou trois milliards ? Quand j'ai commencé à aller mal, j'ai regardé autour de moi, et Dieu sait ce que j'ai trouvé !!! On découvre tout un monde rempli de noirceur, dont on n'avait que vaguement entendu parler.
J'ai retravaillé ce texte avec ma prof de français, car je l'avais écrit pour un concours auquel je n'ai finalement pas participé. Au début, je le détestais ! Je trouvais que ce n'était qu'un énième texte qui ressassais les mêmes choses - thématiques - que d'habitude. Et puis, j'ai vu tout le potentiel qu'il recelait, et je me suis remise à la tâche pour le rendre plus beau. Voilà le résultat ! Je voudrais tellement que tous mes textes soient aussi beau et recherchés... Il y a encore du travail.
En tout cas, merci pour ce retour =)
A.