C’était le plus souvent en fin de mâtinée, parfois en début d’après-midi.
J’aimerais appeler cette période « l’avant-midi », car malgré son air quotidien, commun, tout me reparaît irréel, et semble faire partie d’une autre vie.
Nous nous levions après les nuits les plus reposantes que j’ai connues, tandis que nos rêves se poursuivaient. Nous n’échangions que peu de paroles, car peu de choses importaient, sinon ta beauté, la mienne, et celle de l’instant qu’on comblait.
« Qu’est-ce qu’on mange ? »
« Brunch ? »
« … Et à quelle heure je te ramène ? »
Chez toi je serais resté éternellement. Pourtant il fallait rentrer, et c’était ta voiture qui nous y conduisait.
C’étaient peut-être les plus beaux moments que l’on partageait, parmi les plus intenses. Je ne le perçoit que maintenant que mon cœur se serre. Nous prenions la route, presque seuls sur celle-ci, juste à 2 dans une bulle enfermant nos conversations ou nos silences, sur fond musical.
L’hiver n’était jamais bien loin ; c’était notre saison.
Une main sur ta cuisse, ou la tienne sur la mienne. La route était longue, mais chaque fois trop courte dans ce sens. Et l’on prenait chaque fois conscience du temps perdu la veille au soir, sur des futilités.
Mais ce sentiment de liberté, chaque fois… Bien que ce soit toujours la même route. Tout nous était possible, accessible. Ce pouvait chaque fois être le début d’un renouveau.
Nous n’étions pourtant pas encore libres. À dormir jusque tard, nos yeux embués discernaient comme rêve la banalité, et sans rien faire nous croyions avancer. L’on grandissait ensemble, emplis de naïveté.
Pour moi ce bout de chemin, fait, refait, puis défait ensemble, résume la splendeur qu’avait notre amour.
Tout semblait couvert de rosée, même à deux heures de l’après-midi. Les pâturages défilaient, les cheminées de pierre fumaient… Le ciel se découvrait, et la Nature nous admirait. Des rayons de soleil aveuglants nous scannaient le corps en traversant les vitres. Les mêmes calages aux mêmes stops, les mêmes frayeurs chaque fois qu’un autre croisait ta route en passant trop près.
La jalousie m’a tué. Pour moi ces moments n’étaient que les nôtres. J’oubliais que le reste de la journée te conduisait sur d’autres routes, et ne pensais qu’à ton absence, qu’au siège que je laissais vide. Ce siège qu’un rayon de soleil chauffera plus que moi désormais.
Je préfère cristalliser ces souvenirs, pour peut-être oublier le reste.
La route est encore plus longue que telle qu’on se la représentait, surtout depuis que je l’arpente à pied.
Mais la rosée, le soleil…
Et parfois un parfum, lorsque je crois sentir ta main.
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A bientôt !
Oui, c'est du vécu cette fois-ci :) Mais ça fait bizarre de le dire. En fait je ne vivais pas ces instants-là comme je les raconte... J'veux dire : quand on vit la chose, pas besoin de la reformuler avec les plus beaux mots qu'on trouve ; la poésie est déjà là, dans l'instant.
Content de t'avoir touché avec ce morceau-là ;) A+ !