Paris, le 28 juillet
Chère Astrée,
Les jours s’épuisent.
Quand j’étais étudiant, il y avait des périodes où j’étais si mélancolique que je restais immobile, jusqu’à ce qu’un ami ou ma sœur vienne me repêcher dans mon appartement. Parfois, ils m’appâtaient avec une tranche de pizza au fromage dégoulinant ; d’autres fois, ils me tiraient physiquement jusqu’au trottoir, même si j’étais pieds nus et en pyjama, pour que je renifle les odeurs du restaurant indien d’à côté, que le soleil me force à fermer les yeux puis les entrouvrir timidement, que quelqu’un me bouscule sans me demander pardon.
On ne dirait pas comme ça mais c’est une méthode efficace : ça oblige la dépression à se cacher au fond d’une poche et ça donne comme quelques secondes d’ahurissement et de vide, un tout petit espace pour redescendre — ou remonter, ça dépend comment on voit les choses.
Je ne t’ai jamais raconté ces souvenirs, parce que j’avais peur que tu t’enfuies, que tu voies ma faiblesse et que tu en sois dégoûtée. Je te les raconte maintenant pour que tu comprennes que ma décision n’a rien à voir avec toi. Je n’ai jamais eu très envie de vivre, donc prolonger l’expérience au-delà du nécessaire… très peu pour moi.
Tu m’as souvent demandé comment je suis arrivé jusqu’à toi. Je n’ai toujours pas le droit de te le raconter, mais au vu des événements récents, quelle importance désormais ?
Je me souviens du jour où Thomas, mon supérieur, m’a convoqué pour une réunion classée confidentielle. Je n'avais pas dormi de la nuit : j’y étais, sur le point de servir mon pays. Je crois que j’ai toujours été naïf, plus que je n’aimais l’admettre ; je gobais tout ce qu’on me disait parce que je crevais d’envie de croire. La foi est une brèche qui aide les suicidaires à survivre.
Le matin même, je m'étais peigné les cheveux cinquante-trois fois (j’exagère à peine), vers la droite, vers la gauche, vers l’arrière, avec une raie, sans raie. J’avais essayé quatre chemises du même modèle mais de couleurs différentes, avant de revenir au costume classique : la veste, le pantalon noir, la chemise blanche et la cravate bleue avec des motifs d’ancres.
La réunion avait été plus factuelle que je ne l'avais imaginée. Il n’y avait pas eu de battement de tambour, de staccato de violon pour accentuer le mystère, de projecteur de lumière au-dessus de Tom pour donner un aspect tragique et solennel à ce qu’il m’expliquait. Il y avait seulement eu la réalité blafarde de son monologue.
Il m’a dit que le monde tel qu’on le connaissait arrivait à son terme, qu’il était temps de construire le futur, l’après. Je pensais qu’il faisait allusion aux tentatives effrénées des milliardaires de quitter la planète et d’en coloniser d’autres, mais pas du tout. Il m’a expliqué ma mission : me rendre auprès des six groupes qui travaillaient depuis un an sur une utopie de l’après, avoir un entretien avec chaque membre de l’équipe, inspecter les plans, où ça en était, et écrire des rapports détaillés que je remettrais en main propre à Tom. Je n’avais pas le droit d’enregistrer quoi que ce soit de façon digitale, tout serait sur papier, car les hackers devenaient trop puissants et certains membres du gouvernement n'étaient pas favorables à cette préparation de la post-apocalypse.
Mon sentiment d’excitation se muait en inquiétude. La mission était plus importante que tout ce que j'aurais pu imaginer, mais ce n'était ni ça, ni son aspect secret qui m’inquiétaient ; c’était l’intuition que je descendais dans un trou de souris, que ce n'était pas un hasard qu’on m’envoie, moi, moi qui avais eu des épisodes dépressifs, moi qui ne devais ma loyauté au gouvernement qu'au fait que je n’avais jamais trouvé de meilleure cause, que la religion n'avait pas marché sur moi, que la spiritualité m’ennuyait, que je n’étais jamais tombé amoureux. J’avais l'impression qu’on envoyait la pire personne pour choisir le monde de demain.
Il me donna un dossier qui contenait mes billets d’avion : il y aurait six villes, une pour chaque groupe, chaque unité. Je resterais un mois avec une équipe, puis repartirais. Je devenais nomade, ce dont j’avais rêvé à l’adolescence, mais que je ne m’étais jamais permis : j’étais resté dans les clous, j’avais fait ce qu'on me demandait, peut-être que c’était pour ça que je transportais tant de tristesse, parce que je n’avais jamais osé respecter mes propres envies et amours.
Ce qui suit, tu le sais, mais laisse-moi te le raconter : je veux revisiter ces souvenirs avant ma fin et te les offrir pour plus tard, pour que tu ne doutes jamais que nous avons existé.
Astrée, je me souviens du jour où je t’ai rencontrée.
Je suis arrivé à l’aéroport ahuri après des mois de voyage déjà. J’avais passé le précédent mois dans une zone humide et froide, boisée, silencieuse, et soudain je me retrouvais dans un taxi qui roulait à côté de voitures de sport et de luxe qui m’auraient fait rire si elles ne m’avaient pas donné envie de pleurer : c’était à cause de détails comme ça que tout s’effondrait, et que je me retrouvais à examiner des projets pour un monde d’après — pour un univers où je comprenais bien qu’on ne pourrait pas tous migrer, pour lequel certains seraient sélectionnés et d'autres non —, à cause de détails comme ces voitures de marque dont les couleurs flamboyantes brillaient au soleil, et qui réfléchissaient les autoroutes, les centres commerciaux et les chaînes de restaurants.
J’avais un goût amer dans la bouche et une furieuse envie de pleurer quand je suis arrivé devant la maison où tu vivais avec ton unité. Si j’avais su ce qui m’attendait, j’aurais attendu un peu avant d’entrer, j’aurais fait un tour du pâté de maisons, avec mon sac à dos et ma valise, j’aurais tourné en rond plutôt que de débarquer fragile et vulnérable à la porte.
Quand tu as ouvert, je suis resté muet face à tes yeux gris et ta posture droite. Tout en toi communiquait le froid, la distance, l’assurance. Tu étais là sans y être. Tu existais à une fréquence que je n’avais jamais approchée avant. Ce qui m’a fasciné, c’est que tu n’as rien dit. Pas un mot. Tes yeux étaient posés sur moi comme ils auraient pu l’être sur n’importe qui ou quoi d’autre. Tu attendais que j’énonce une raison de surgir dans ce qui était manifestement ton univers. Tu me rappelais une déesse grecque, et plutôt que de me présenter, j’essayais de retrouver laquelle. C’était cocasse. J’ai fini par t’expliquer ce que je faisais là et tu m’as laissé entrer dans le salon. Une femme est venue me montrer ma chambre et le reste de la maison. Je ne t’ai pas revue jusqu’au soir.
J’ai vite compris que tu allais changer ma vie, déverrouiller des fenêtres closes depuis mon enfance. Je ne me sentais pas prêt, j’avais peur, alors j’ai commencé par m’entretenir avec toutes les autres personnes de la maison. Parfois, j’étendais une conversation sur deux jours. Cela me permettait par ailleurs de faire le travail le plus rigoureux de mon existence. Je connaissais ton architecte, ton ingénieur, ton programmeur et ta designer sur le bout des doigts : leurs origines, leurs inspirations, leurs motivations premières et les raisons numéro soixante-quinze et soixante-seize de leur investissement dans ce projet.
Alessandro est celui dont je me méfiais le plus, sur lequel je gardais un œil. Sa loyauté envers toi pouvait être de l'amour ou du fanatisme, et quelque chose me disait que cet homme n’avait jamais aimé qui que ce soit. Il croyait dans ce que vous étiez en train de construire, pas comme une foi lumineuse, plus comme un homme à la mer qui s’accroche au dernier canot de sauvetage. Fais attention à Samsara : il risque de partir en roue libre ; il a tout d’un puriste justicier.
Jour après jour, j’apprenais à connaître ton rêve. J’étais bouleversé par cette ville de tours sous l’eau. L’esthétique me semblait sublime et pourtant le concept me mettait mal à l’aise. Je n’ai jamais eu un rapport apaisé avec l’océan, toujours inquiet de ce qui pouvait nager dans les profondeurs, toujours les yeux vers le fond au cas où. Je m’imaginais être emporté par une créature et j’entrevoyais le pire de tout : le dernier cri que je pousserais, sous l’eau, un cri silencieux. C’était peut-être ça qui m’affectait dans ta ville, tout ce silence.
Sans le vouloir, sans nous parler, chaque jour, nous nous croisions : nous semblions être systématiquement au même endroit au même moment.
Le troisième jour, j’ai mis un sucre dans ton thé avant même que tu ne tendes la main, et puis tu m’as ouvert la porte de la terrasse, un briquet tendu, sans un regard mais avec un sourire désapprobateur, qui m’a fait rire tout le temps de ma cigarette.
Le quatrième jour, nous lisions les journaux chacun d’un côté de la table. Je t’ai montré un article qui pouvait t’intéresser. Tu as acquiescé. Notre café fini, on est allés travailler.
Le cinquième jour, une dispute parmi ton équipe a éclaté au dîner, et nous étions chacun en bout de table, et nous nous regardions avec un sourire amusé. À chaque insulte bien tournée, tu hochais de la tête, comme pour dire : tu vois, j’ai bien fait de les recruter, ils sont doués pour la bagarre, ils n’ont peur de rien, ils ont l’étoffe des bâtisseurs d’un monde nouveau.
Le sixième jour, j’ai ramené des viennoiseries pour tout le monde, et je t’ai attendu sur un banc au fond du jardin, où des fourmis s’activaient sans relâche pour tout ramener au sein de leurs galeries. On s’est assis sur un banc et on a dessiné les fourmis en silence. En rentrant, on a collé nos deux œuvres sur un des murs de la maison.
Au douzième jour, je te connaissais comme si nous étions amis depuis vingt ans et je n’avais plus aucune façon de reporter un dialogue entre nous. J’avais examiné les plans des tours et de la ville, parlé des chambres-mémoires, expérimenté ce que ça donnerait en réalité virtuelle, eu une conversation fascinante avec l’intelligence artificielle naissante, et même recueilli, preuve que ça en devenait ridicule, le signe astrologique de chaque membre de l’équipe. Il était temps.
Je savais qu’on ne pouvait plus faire cela de façon informelle, dans le salon ou dans le jardin derrière votre maison. C’était trop tard pour faire semblant.
J’ai réservé un des meilleurs restaurants de la ville, près de la mer, et on a conduit pendant deux heures pour y accéder.
Tandis que je conduisais, tu changeais la station de radio, avec une régularité d’horloge. Tout t’intéressait un peu, beaucoup, ou pas du tout. Tu ne disais rien. Je me demandais comment quelqu’un pouvait être aussi silencieux tout en étant une partie prenante du monde. Mes questions se multipliaient ; tu semblais n’en avoir aucune. À force, je ruminais au volant ; ça devenait confus, nuageux, presque orageux. Je voulais que tu réagisses. Quand on est arrivés au restaurant, j’étais épuisé et mon cerveau était vide d’avoir été si plein.
On nous a assis à une table près de la rambarde. Sous notre balcon, il y avait des arbres qui menaient à la plage, et puis l’océan. Je voyais dans chaque vague les futures lumières de la ville que tu créais.
C’est là que j’ai compris que c’était ton projet que je recommanderais.
Cette certitude annulait tout besoin d’entretien professionnel entre nous. Le but même de notre dîner disparaissait tandis qu’on ouvrait les menus et qu’on optait pour une dégustation en cinq étapes. Du moment où on a passé commande jusqu’au moment où on a payé, nos regards ont dû se quitter quelques secondes tout au plus.
Je ne me souviens que de bribes de notre dialogue :
— Pourquoi vous êtes-vous lancée en high-tech ?
— Pendant mon service militaire, j’ai découvert que les voitures et les armes ne m'intéressaient pas. Il y a beaucoup de temps à tuer sur une base, et il ne restait que les ordinateurs.
Toutes tes réponses avaient ce goût de pragmatisme. Je t’ai aussi demandé :
— Vous avez gagné une fortune. Est-ce que vous avez changé votre mode de vie ?
— J’ai changé ma façon de voyager. J’avais fait mille escales comme soldat puis femme d’affaires. J’ai appris à rester plus longtemps dans les endroits que je visitais. J’ai rencontré des experts dans les domaines qui m’intéressaient. J’ai pu les payer pour leur temps, pour qu’ils m’enseignent ce qu’ils savaient. J’ai utilisé l’argent comme une clé.
Je ne comprenais pas comment quelqu’un qui avait tant d’intérêt apparent pour l’humanité était en train de dessiner une ville où le contact serait inexistant. Pourtant, j’avais peur d’aborder ce sujet. Je savais que tout se jouait là. Ce n’est qu’à la quatrième assiette de notre dîner que j’ai fini par en parler. Tu te souviens de ce que tu m’as répondu ?
— Qu’est-ce qui vous pose problème ? De ne plus voir les autres ou de sentir que vous n’existez plus sans eux ?
— Ça n’est pas la même chose ?
— Pas pour moi.
— Non, pas pour vous.
— Qu’est-ce que les autres vous ont apporté ? tu m’as demandé.
— De l’affection, du soutien quand j’allais mal, de la motivation, de l’inspiration.
— Tout cela, l’intelligence artificielle peut le faire aussi.
— Oui, mais ce n’est pas pareil.
— Pourquoi ?
— Parce qu’elle n’éprouve rien.
— Et alors ? Tout ce dont vous parlez, c’est de l’affection qui vous a été donnée, du soutien qui vous a été apporté, de la motivation qu’on vous a transmise, de l’inspiration qu’on vous a communiquée. Vous n’avez jamais parlé de ce que vous offriez.
— La réciprocité me semblait évidente.
— La réciprocité est un concept abstrait. Il n’y a pas de symétrie dans notre monde chaotique. Il n’y a pas de droiture. Vous vous accrochez à des concepts et vous refusez d'admettre la réalité.
— Alors c’est fini ? Parce que les humains ne sont pas à la hauteur de vos attentes, vous coupez les ponts entre eux ?
Je me rappelle que tu as baissé les yeux, une seconde peut-être, que c’est le seul impact que j’ai eu sur toi, ce moment, cette expression, couper les ponts, je sais que c’était ça, et pourtant je ne sais toujours pas pourquoi. J’avais compris, déjà, qu’il aurait été inutile de te poser la question, que tu l’aurais prise comme une insulte, un hors-sujet, un hors-de-propos. Je n’ai rien dit. Je t'ai laissée relever les yeux et répondre :
— J’ajuste l’apparence à la vérité. Je demande qu’on arrête les faux-semblants. Nous naissons seuls et nous mourons seuls. L’entre-deux est une vaste mascarade où tout le monde se fuit et se court après pour nier l’évidence de la solitude. C’est dégradant. C’est une perte de temps, de dignité et d’énergie. Pensez à tout ce que nous pourrions accomplir si nous cessions de prétendre qu’on dépend des autres.
À ce moment-là, j’ai compris trois vérités aussi brûlantes que le curry qu’on venait de terminer.
On arrivait au dessert, inexorablement, et la première vérité, c’était que je tombais amoureux de toi.
Bien sûr, je ne connaissais pas ton passé, donc il y avait surtout l’idée de toi, le fantasme de toi, l’archétype de la femme-monde, la femme-planète, la mère castratrice, la femme-homme, l’androgyne, le double, Janus, celle qui est tout et son contraire et pourtant cohérente et intègre à travers ses dualités.
Mon sourire a dû changer, ou peut-être était-ce quelque chose dans mon regard, dans l’inflexion de mes sourcils. En tout cas, il y a eu une pause dans notre dialogue et on s’est regardés en silence, pendant des minutes à la fois éternelles et furtives. Je sais que tu vas grimacer en lisant ça, mais j’ai vu des étoiles naître et mourir dans tes iris.
La serveuse est venue déposer la tartelette à la rhubarbe et vanille, avec sa glace à la pistache. En soulevant la cuillère, j’ai constaté que la vieille douleur dans mon épaule gauche était partie. Elle avait tenu seize ans, et voilà qu’elle s’évanouissait.
Je crois que c’est ça que veulent dire les mots : je t’ai attendue tout ce temps. Ce n'était pas tant un vide, car ma vie a été pleine. Au contraire, je m’étais nourri des complexités de l’univers, et tu venais tout simplifier. Tu apportais un silence que je n'avais jamais connu, un silence dénué de carences et de peurs. C’était un espace où rien et tout existaient en même temps, comme la même entité, ce qui n’a aucun sens, je me rends compte en l’écrivant, et les mots me frustrent, et je ne t’écris ça que dans l’espoir que tu aies ressenti la même chose à ce moment-là.
La deuxième vérité, c’est que ton utopie deviendrait réalité. Ta ville de gratte-océans allait être un lieu où des pieds toucheraient des sols, où des yeux rencontreraient la lumière bleue. Des humains habiteraient ton imaginaire. Ils rempliraient tes plans d’émotions ; ils ramèneraient le temps dans tes intuitions. Tu accouchais d’un nouveau monde et tu y vivrais. Je voyais tout cela avec la clarté d’un touriste qui visite un pays lointain rien qu’en lisant le guide.
Je crois que tu as senti la troisième vérité en même temps que moi, car tu m’as pris la main. Quelques heures avant, ç’aurait été le geste le plus impossible de la planète, mais la troisième vérité le rendait logique, inévitable. Elle rendait nécessaire de précipiter notre chance. La troisième vérité était que je ne te suivrais pas. Nous connaissions l’expression « suivre quelqu’un au bout du monde » et nous savions que la possibilité était là, offerte, dans le creux de la cuillère à dessert, dans le reflet de la bougie sur la tasse de café, mais nous savions aussi que nous n’étions pas de ceux-là. Nous savions aimer sans enrouler une corde autour de nos deux tailles. Nous savions honorer ce qui existait entre nous, sans chercher à le prolonger au-delà du temps.
Tu sauves l’espèce humaine pour qu’elle rende une chance à la planète, aux animaux et aux plantes. Tu penses qu'après avoir utilisé notre cerveau pour exploiter, nous devons l’utiliser pour restaurer, pour guérir. Je pense que si, une fois nos dégâts réparés, notre espèce venait à disparaître, ça ne t’affecterait pas, que tu as une réelle capacité à accepter ta mort et celle des autres, dans une placidité que d’autres prendront pour de la froideur.
Ta main était tout sauf froide dans la mienne. J’ai posé mon pouce sur ton poignet et j’ai senti les battements de ton cœur. Tu as fait pareil. Nous sentions que nos battements de cœur devenaient des pulsations de temps, des grains de sable, un compte à rebours, et nous nous forcions à respirer lentement, profondément Nous étions connectés à une troisième fréquence, pas tout à fait la tienne, pas tout à fait la mienne, un endroit où nous ressentions le monde de façon commune, simultanée, un endroit qui ressemblait à ce que serait un être humain s’il avait tes qualités et les miennes, mes défauts et les tiens.
Dans l’espace entre nous, nous avons construit un monde parallèle, un futur où nous étions partenaires de voyages, de projets et de lectures. Nous avions une maison près d’une forêt et d’une rivière, sans voisins, dans une clairière où nous préparions une salade de tomates tandis que nos enfants faisaient des roulades sur la pelouse. Tu peignais des aquarelles dans la chambre ronde en haut des escaliers, pendant qu’au rez-de-chaussée, je jouais du piano dans le salon près des étagères remplies de livres. Nous devenions vieux, et les enfants nous rendaient visite pour des repas où ils apprenaient de notre bouche les noms des fleurs qu’ils oubliaient en ville. Nous faisions de dernières balades entre les cyprès et les pissenlits, et puis, un jour, nous mourions ensemble.
Astrée, je me sens si reconnaissant de chaque nuit et chaque jour passés avec toi, si reconnaissant d’avoir connu un véritable amour avant que le monde s’effondre. J’ai trouvé dans tes bras de la paix et j’espère que tu la ressentiras en te souvenant. Mais que la nostalgie ne prenne jamais le pas sur la joie — qu’elle l’accompagne, plutôt.
Bonne route vers le nouveau monde.
Je t’aime,
Paul
Franchement je ne m'attendais pas à être autant embarqué dans ce chapitre avec un personnage que l'on ne connait pas !
La narration est parfaitement maîtrisée ! J'ai trouvé que dans ce chapitre, ton écriture avait vraiment des accents lyriques voire magique ! J'ai été emportée <3
Ce chapitre est parfait là où tu l'as placé, il donne de la profondeur à ton monde mais aussi une plus grande maturité à l'histoire ! On saisit les nombreuses questions qui t'animent et on se pose aussi pleins de questions : qui est Paul ? Astrée ? Que sont-ils devenus ? ( j'adore le prénom Astrée, j'ai nommé aussi un perso ainsi dans ma dystopie).
Le format de lettre rend l'apport sur le monde original et cela nous "rapproche" de ton monde. Dans le sens, que ton personnage nous parait vraiment vivre à notre époque tant ses pensées paraissent familières.
Franchement, bravo <3
Je file lire la suite. J'espère qu'on en apprendra plus sur Astrée et Paul <3
J'aime beaucoup aussi tu fais évoluer la relation des personnages entre eux tout au long de la lettre. Il y avait pleins de beaux passages <3
(C'est mon chapitre préféré, mais chuuuuut, faut le dire à personne. Je le relis parfois, genre pour zéro raison.)
Trop drôle que t'aies aussi un personnage appelé Astrée. Je farfouillais dans la mythologie grecque, et pouf.
<3
C'est une lettre à coeur ouvert assez touchante et en même temps assez glaçante.
Je trouve que c'est une bonne façon d'ammener à découvrir qui est Astrée, du point de vue de Paul ça permet de l'humanisé un peu et pourtant elle fait quand même froid dans le dos. "Vous refusez d'admettre la réalité." la façon dont elle dit ça lors qu'elle même nit une partie de la réalité, ou peut-être que c'est volontairement qu'elle ignore une partie des problèmes.
En plus on en découvre un peu plus sur comment on en est arrivé là. J'ai eu l'impression que Paul n'éytais pas vraiment convaincu de faire la bonne chose (devoir choisir, le fait qu'il y aurait une sélection) pour autant il l'a fait, il a jsute obéit. Et c'est réaliste, tellement que c'est pour ça que ça fait froid dans le dos.
Comme toujours c'est un plaisir de te lire.
Je suis d'accord avec toi, je trouve Paul touchant et Astrée glaçante en fait, et oui tu as raison, elle nie plein de choses aussi.
T'as lu "Eichmann à Jérusalem" de Hannah Arendt ? Ça parle de l'obéissance même quand on n'est pas convaincus des ordres. J'ai tellement de thèmes en jeu que parfois j'en oublie certains, et celui-là, c'est vrai qu'il était vraiment important pour moi à certains moments de l'écriture.
Merci beaucoup de ton passage <3
Ha oui la gestion des thèmes, pas toujours simples, du coup encore plus hate de lire la suite vu que tu l'abordes. De rien ^^.