Compter sur ses ennemis ça a du bon.

Notes de l’auteur : Bonne lecture !

Exceptionnellement, Tim ferme entre midi et deux. Installé sur le plan de travail en marbre, -dont il sait que Sam tient a horreur-, ils mangent des club sandwich préparés avec ce qui traine dans le frigo. Il réfléchit sérieusement à ne pas ouvrir cet après-midi. Après tout, il pourrait rester là avec Elly, faire des activités manuelles qui ruinerait l’organisation parfaite des lieux. Une sorte de petite vengeance pour avoir été pris au dépourvu. Mais cette option lui semble être la moins alléchante des opportunités qui se présentent à lui. Pour une raison inexpliquée, la clientèle se fait importante depuis ce matin et les allées de sa petite librairie se sont retrouvées pleines de monde. Est-ce le beau temps qui joue en sa faveur, ou une nouvelle tendance du style《offrir à l'élu de son cœur》 un livre pour la fête des amoureux?

Une possibilité peu probable lui chatouille l’esprit: Elly aurait fonctionné comme un aimant. Mieux vaut ne pas en faire l'allusion devant son père, car il pourrait bien lui demander une bonne part de ses bénéfices. 

Plaisanterie à part, il aide le petit garçon à changer de tenue, non pas qu’il ne veuille pas le laisser dans son pyjama, mais il craint qu’il ne prenne froid dans ses vêtements en coton et ses petits chaussons. Suite au retour du jean et du pull en laine, Tim fouille dans le placard à chaussures de l'entrée à la recherche des petites basket rouges qu’il sait être les préférés du petit garçon. Mais en vain. Aucune trace des fameuses chaussures.    Il les trouve finalement dans le bac à jouets du petit. Ce qui fait bien rire Elly d'ailleurs. Alors que son père lui aurait demandé de ranger ses affaires, Elias a tout mis dans son bac de rangement. Bon, mieux vaut ne pas s’en formaliser.

Une compte plus tard, il est déjà 13 heures, il est donc temps de redescendre et de rouvrir boutique. Elly choisit de prendre une boîte de lego pour s’occuper. Une mauvaise idée, bien connue de Tim. La dernière fois qu’il en a fait sur son comptoir, il a passé des semaines à marcher dessus. À croire qu’ils se multiplient au contact du sol ! En même temps il n’a pas vraiment d'autres options, et lui dire non revient à lui trouver une autre activité. Et vu le carnage après le passage des feutres ce matin, les lego c’est pas si pire tout compte fait. Tim attrape rapidement son téléphone pour prévenir Sam du repas qu’a pris son fils. Son message est à peine envoyé que le mobile se met à sonner.

De l’autre côté de Londres, Sam a débuté la première pause de la journée, bonne nouvelle: ils ne rentrent pas chez eux. Qualifié pour les quart de final, il a un combat à 14 heures, juste le temps de se remettre du précédent et de prendre des nouvelles de Wildford House. 

– Ça se passe bien ? 

– Oui… Tu veux lui parler ? demande Tim.

Si Timothy devrait réfléchir trente secondes, il n’a pas échangé au téléphone avec Samuel plus de trois fois ces cinq dernières années. Entendre sa voix derrière son oreille lui fait bizarre. Après tout, pourquoi s’appeler alors qu’ils se croisent tous les jours presque sans exception? N'empêche, entendre la voix grave de Sam lui file quelques frissons, et pas ceux que l'on peut avoir lorsqu'on entend la voix de quelqu’un qui nous fait peur, bien au contraire.

– S’il te plait, est-ce que tu peux mettre le haut parleur ?

Aussitôt demandé, aussitôt fait. Tim avertit son interlocuteur qu’il est sur écoute. Elly s'excite en entendant la voix de son père, il lui raconte les gens qu’il a croisés ce matin. Le fait qu’il ait dormi dans les bras de Timmy, mais qu’il ne l’y a pas laissé toute la journée. Pourtant il avait fait attention à ne pas bouger, comme quand il est avec son père. 《Ce petit chenapan》, pense Tim à ces révélations. À aucun moment le petit blond d’un mètre et des brouettes ne fait allusion aux remarques qu’il a entendues toute la matinée et qu’il risque d’entendre cette après-midi aussi. Un monsieur d’une cinquantaine d'années lui a demandé s’il aimait travailler avec son papa, Tim comme toujours n’a pas eu le temps d’en placer une. Elias a affirmé qu'il adorait être ici. Et le temps que Tim s’en remette, le client était parti. 

– Vous êtes où ? questionne Sam, n’entendant pas de bruit de fond.

Non pas que la foule soit importante entre midi et 14 heures, mais il y a toujours une ou deux personnes pour être présent et en dix minutes d’appel il n’a rien entendu, ni un potentiel client, ni le bruit caractéristique de la rue qu’on entend depuis le rez-de-chaussée.

– À la maison ! répond naturellement Elly.

Actuellement Tim voudrait s’enterrer dans un trou de souris et ne jamais réapparaitre, il sait ce qui va suivre, et sans prendre le temps de comprendre ce qu’il se passe, Sam commence à monter sur ses grands chevaux. 

– Tim ! Timothy Wildford !

– Je t’entend pas besoin de beu-, … crier.

Il avait failli dire un des mots interdits au moins de dix-huit ans, pas de gros mots pour Elly. C’est en partie pour cela que le petit ne passe pas beaucoup de temps en compagnie de Marc, le locataire du troisième jure plus qu’un routier.

– Je t’avais dit que tu n’avais pas besoin de fermer !

– Et je ne l’ai pas fait. Il fallait que je donne à manger à Elly, et jusqu’à preuve du contraire je n’ai pas de cuisine en bas. J’ai juste fermé entre midi et deux, soupire-t-il.

Prenant conscience de la logique, Sam comprend que son fils ne peut pas se nourrir exclusivement de compote de pomme et de sablés toute la journée. Bon, après avoir discuté, il prend soin de raccrocher, et ce, en embêtant son propriétaire.

– Ok, à toute, merci Beauty !

Et il a raccroché. Tim doit se retenir de jurer. Il déteste ce surnom. Sam lui a sorti ce truc quelque temps après qu’il se soit installé. Parait-il que c’est en rapport avec sa belle gueule. Peu importe, Tim ne l’aime pas et Sam le sait, alors il en joue. Jamais Samuel Anderson n'avouera pas qu’il continue l’utilisation de ce surnom niais à souhait plus par habitude que pour titiller la personne qui le porte. Tim n’a jamais trouvé quelque chose pour le piquer, rien qui pourrait sous-entendre quelque chose que Sam pourrait retourner contre lui.  Même s’ils se côtoient tous les jours, qu’est ce qu’ils savent finalement l’un de l’autre? À aucun moment ils ne se sont posés pour parler sérieusement comme deux adultes. Mais bon, Tim sait que ce n’est pas quelqu’un d'horrible. Qui pourrait être une ordure et avoir un petit garçon si bien élevé? Et puis Marc est proche de lui, et malgré son vocabulaire, le motard de 38 ans est quelqu’un que Timothy respecte énormément, il fait confiance à son jugement.

Comme prévu les lego sont une horreur, Tim se prend les coudes dessus dès qu’il veut poser ses bras sur le comptoir. L’objet du diable n’a occupé Elly que 45 minutes, Tim lui a bien proposé de le mettre en haut pour qu’il fasse une sieste, en lui expliquant que s'il a un problème il peut descendre à tout moment. Elias a eu une meilleure idée, et a tendu les bras pour retourner dans ceux de Tim… Bon déjà quand Tim a commencé à expliquer son idée à haute voix, lui-même n’y croyait pas. Un enfant de cinq ans seul chez lui, ce n’est pas très responsable comme plan Et ça sent la bêtise à plein nez. Il s’est ensuite retrouvé à expliquer à un enfant de cinq ans qu’il pesait son poids et que même s’il porte des cartons plein de livres, il n’est pas aussi musclé que son papa, alors le porter en même temps qu’il range… encore. Il a déjà des courbatures de la séance de ce matin. Mais Elly n’a pas voulu accepter son argumentation et a décidé de bouder en silence en faisant des coloriages jusqu'au goûter. À la vue de la mine boudeuse de son mini assistant, Tim a envoyé un message au boulanger du haut de la rue et ils se sont fait livrer des croissants tout chaud, qu’Elias a englouti en mettant des miettes partout avec son chocolat chaud préféré. Ce super goûter lui a fait oublier pourquoi il faisait la tête.     Tim 1, Elly 0.

Passé 18 heures, toujours pas de nouvelle de Sam, à part un message de sa part pour dire que son combattant allait en finale. À travers les quelques mots qu’il a envoyés à Tim, ce dernier pouvait ressentir la fierté qu’il avait. Tim ne l'avouera peut-être jamais, mais ce petit message l’a fait sourire. Bon, sourire qui est vite parti quand il a compris qu’il fallait faire à manger. Non pas qu’il n’aime pas ça… mais il déteste faire la vaisselle… Bon il faudrait faire des courses, mais il sent déjà toute l’histoire que pourrait lui faire Sam s’il lui dit qu’ils sortent. Déjà il va le bassiner parce qu’il aura fermé plus tôt, ensuite parce qu’il lui dit de taxer son frigo - malheureusement rien ne l'inspire-, puis s'il fait des courses Sam va lui courir après pour lui rembourser 20 £… Si Tim prend ce qu’il a dans ses placards ça devrait à peu près passer, dans tous les cas Sam trouvera quelque chose à redire. Une heure plus tard le repas est prêt, Elly a pris une douche et est en pyjama. Il s’en sort remarquablement bien, s' il ne mentionne pas la presque inondation de la salle de bain, tout va bien.

Passer à table fut moins compliqué que Tim pensait, il a préparé pour ce soir des pâtes à la feta avec du blanc de poulet poiler. Il sait d'expérience que le petit n’est pas difficile au niveau de la nourriture, de toute façon il n’a pas trop le choix. Lorsqu’il reste chez le Tomson, Monsieur Richard Tomson peut se montrer très convaincant pour qu’on finisse les petits plats de sa femme. Légume ou pas. Puis Monsieur Anderson est très pointilleux sur le fait de devoir manger équilibré, c’est pourquoi Tim a sorti de la salade verte, qui ne vient pas de son frigo, et que ni lui ni Elly ne mangeront. Un yaourt en dessert et direction le brossage de dents. Tim n’aura rien oublié: les cheveux bouclés de Elly sont séchés et démêlés, il est propre, la table est débarrassée, la vaisselle dans le lave vaisselle, et les marmites sont à tremper. Un tour aux toilettes et le tour est joué. 

Du moins c’est ce qu’il croyait. Maintenant Elias ne veut pas aller au lit. Son papa n’est pas encore là pour lui faire un bisou. Et comme par hasard c’est le moment où il est impossible de le joindre, et ce n’est pas faute d’essayer, à chaque fois Tim tombe sur la messagerie. Il est bien embêté. Embêté mais pas vaincu! Il sort un des livres de contes qu’il a offert à Elly noël dernier. Ça ne le fait pas dormir, mais ça a le mérite de distraire son attention quelque temps, mais trois histoire plus tard c’est Tim qui fatigue. Après tout, c’est les vacances, ils peuvent se permettre un moment télévision. Cette nouvelle enchante le petit qui va pouvoir avoir un moment cocooning avec Tim, comme il le fait avec son père. Un film, un plaid et un gros câlin. Dix minutes d’un film d'animation plus tard, Elias dort.     Télévision 1, livre 0.

Du reste, il n’ose pas bouger, de peur de le réveiller. De toute manière ce n’est pas comme s’il avait mieux à faire, il doit attendre que Sam rentre. Il peut bien rester là, Elias ne semble pas être mal installé, et il faut dire que ce canapé en daim est extrêmement confortable. Sam ne tarde d’ailleurs pas à arriver.

– Tu ne pouvais pas prévenir que tu étais en route, l'accuse Tim lorsque celui-ci a à peine passé la porte.

Sam s'apprête à répliquer, avant de se dire que Tim a raison. Bref, c’est trop tard, maintenant il est là.

– Je suis rentré, se contente-t-il de lancé.

C’est après qu’il ait lancé ses mots qu’il se rend compte que c’est le genre de mots qu’il pourrait dire à quelqu’un en rentrant chez lui. Ce truc de vieux couple, qu’un jour il a rêvé de dire, le genre de scène du quotidien qu’on a envie à un moment de sa vie de vivre. Avoir une moitié, il n’y avait pas pensé depuis un moment. Et il se retrouve à vivre la scène qu’il imaginait depuis longtemps avec la personne qu’il aime peut-être le moins au monde, après son paternel. La vie a un drôle de goût et il a presque envie d’en rire, ce sera toujours mieux que d’en pleurer.

– Ça a été ce soir ? dit-il après avoir enlevé ses chaussures.

En arrivant au niveau du canapé, il avise son fils endormi sur Tim, la vision de son fils bavouillant sur son proprio le fait sourire. Ça fait quelque temps maintenant qu’il arrête de se formaliser pour la relation de Tim et Elias. Ils sont fusionnels, il n’y peut rien. Finalement Timothy est peut-être l’une des meilleures choses qu’il puisse y avoir dans la vie de son petit. Le jour où Sam l'avouera à voix haute, il arrêtera peut-être de pleuvoir en Angleterre. 

– Oui, mais ne m’en veut pas pour la salle de bain. 

Ne pas s'énerver pour la salle de bain, bon ok il peut le faire, ce n’est que de l’eau finalement, et les vêtements sales vont passer à la machine, au fond rien de grave. Juste prendre une inspiration et se répéter cinquante fois que ce n’est pas la fin du monde.  Tim s’est occupé de Elias toute la journée, il peut bien être sympa deux secondes. Il a une pensée qu'il lui traverse la tête. En soit il pourrait hésiter, en analysant les pour et les contres, mais les faits font qu’il est celui qui doit faire des efforts, histoire qu’il y ait égalité.

– Bouge pas je vais à la douche. J’arrive, dit-il avant de disparaître dans le couloir.  

– Quoi ?

– On va boire un verre, commence Sam avant de se faire couper la parole.

– Non t'inquiètes, je vais vous laisser.

– Tu ne bouges pas d’un poil.

– Sam.

– Tim

– Un verre alors, s’avoue vaincu Tim.

Il n’a, à l’heure actuelle, pas envie de lutter, il est un peu fatigué, et un verre l’aidera peut-être à trouver le sommeil. Sam est parti prendre sa douche, il n’a pas combattu aujourd’hui, mais courir dans tous les sens et donner son énergie pour le jeune qu’il coache… toutes cette activité l’ont fait transpirer. L’eau qui passe sur son corps lui fait un bien fou et dénoue les muscles de ses épaules qu’il ne savait pas  bloqués. En revenant, il se sert dans la marmite et attrape deux bières, en avisant le saladier, il se dit que pour aujourd’hui il peut faire un - deux- écart. Il pose boisson et nourriture sur la table basse, puis procède au transfert de son fils du canapé à son lit. Cinq minutes plus tard, le voilà avec un débouche-bouteille.

– Tu m’as sauvé aujourd’hui.

– De rien, dit Tim sincèrement.

Juste comme ça ils profitent du silence, de la fin du film auquel Sam ne comprend pas grand chose, et sirote leurs bières. Finalement c’est peut-être quelque chose comme ça l’idée du bonheur, pense Sam.

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