Votre ennemi d’hier est l’ami de demain.

Notes de l’auteur : Voici le deuxième chapitre de Feel. Et vous comment vous sentez vous ?

Je vous attend pour vos avis.

Bonne lecture !

Les malheurs n’arrivent jamais seuls. C’est ce que se dit Samuel Anderson aujourd’hui, premier lundi des vacances de février. Manque de temps et d’infrastructure, le père célibataire n’a pas pu trouver de place dans un centre de loisirs. Alors il a dû se rabattre sur un babysitter. Un coup dans ses économies, mais entre avoir Elias à la salle, alors que c’est quelque chose qu’il ne veut pas, et supplier sa mère, qui même si elle adore son petit-fils continue de lui rabâcher qu’il n’aurait pas dû assumer sa garde tout seul, le choix est vite fait. Finalement, il préfère taper dans ses économies. Tans pis, il s'achètera un nouveau sac de frappe plus tard. Ce n’est pas la priorité de toute façon. 

Dans la vie Sam a appris à faire des concessions, certes pas avec son proprio, mais tant qu’il ne le met pas dehors tout va bien. Aujourd’hui est un jour spécial pour lui, l’un de ses poulains passe un concours national, il doit être à l’heure. Après cinq ans à former des jeunes, à leur donner la niaque de vaincre, de gagner, d'éclater tout sur leur passage, aujourd’hui il se fait un nom dans le milieu. Et ça, il ne le dira pas assez, ce n’est pas grâce à lui, mais à ces adolescents qui un jour ont passé la porte de sa petite salle, qui se sont levés chaque matin pour courir, travailler leur cardio, leurs rebonds, leurs frappes. Si aujourd’hui il peut se retrouver sur les bords d’un ring qui a vu passer les plus grands, c’est parce que les jeunes faces à lui sont déterminés. Ce qui ne semble pas être le cas de celui qui doit venir garder son gamin.

Sam devrait être parti depuis presque 20 minutes maintenant et personne n’a sonné à l'interphone. Tim a intérêt à ce que ce ne soit pas un problème technique - encore-. Actuellement la seule idée qui lui traverse l’esprit c’est de secouer Tim comme un prunier. Mauvais plan. 

Il lui faut souffler un coup avant d’essayer de rassembler ses pensées. Procédons de façon logique, d’abord prévenir son combattant qu’il aura un peu de retard, et qu’il va devoir se taper les bouchons. Rien qu'à cette idée sa colère remonte en flèche. Ensuite tenter d’appeler -harceler- le jeune homme qui devait venir à 7 H 45. Sans réelle surprise, pas de réponse. Au bout de dix appels Sam jette l’éponge, lui envoie un message colérique en lui reprochant de ne pas prendre ses responsabilités et de ne pas assumer ses actes… Bref, il se demande comment il va pouvoir gérer cette histoire. Il tenterait bien d’appeler sa mère mais le temps qu’elle arrive, il y en a au moins pour une heure, et c’est la même chose si lui se rend chez elle. Marry ne lui adresse plus la parole depuis trois ans. Chose qu’il préférerait oublier.

Lorsqu’il a commencé sa vie avec Elly, sa meilleure amie l’a suivi et aidé avec le nourrisson. Puis à son tour elle s’est installée à Londre et a aidé au mieux le jeune père celibataire. Et un jour comme des mois après, elle lui a avoué des sentiments forts et anciens. Et même s’ils ont essayé et bien ça n’a pas marché. Aujourd’hui Sam ne sait même pas si elle vit toujours à Londres ou si elle est repartie aux states. Alors l’appeler des années après pour qu’elle vienne s’occuper de son fils, il est à peu près sûr que ce n’est pas une bonne idée.

Les Tomson, ses voisins de paliers, sont partis hier. Les deux retraités sont partis quelque jours pour aller rendre visite à leur fille à Liverpool. Marc ne sait pas s'occuper d’un enfant et de toute façon il est parti dieu ne sait où. La coloc est partie en road trip, les vacances sont pour tout le monde sauf lui et quelqu’un d’autre qui vit dans cet immeuble. Quelqu’un qui vit dans l’appartement juste en dessous du sien, et qui a cette heure-ci met de l'ordre dans dans les étagères de sa boutique. Ce n’est pas la meilleure des idées, mais c’est la seule qui se présente à lui et qui soit jouable. Tim a montré à de nombreuses reprises qu’il pouvait s’occuper de son fils. En plus de ça, Elly passerait la journée avec quelqu’un qu’il connaît. Le seul hic c’est que Tim travaille. Et le temps est passé de la neige à la pluie. Dans la rue, il peut entendre l'agitation des passants. Peut-être va-t-il devoir ardemment argumenter mais il n’a pas vraiment le temps. Alors en moins de deux il prend un sac, y met Monsieur Dou, une trousse de feutres, le livret de coloriage qui traîne sur la table basse, quelques compotes, un paquet de cookies. Et puis Tim a les clés de chez lui, il pourra entrer chez lui s'il a besoin de quelque chose.

– Elly ! 

En criant comme un putois depuis le salon, il espère que son fils va quitter sa chambre dans la seconde qui suit. Ce n’est pas le cas. Alors il se rend de lui-même à sa rencontre. En entrant dans la chambre, il le trouve allongé dans son lit, un peu patraque. Elias s'est levé il y a une heure, juste après qu’il ait pris sa douche et préparé le petit déjeuner. Il a mangé, pris un bain, s’est habillé d’un jean et d’un pull en laine que Mamie Anderson lui a fait. Tout beau, tout propre pour la journée avec le babysitter. Actuellement Elias est dans son lit, emmitouflé dans sa couette. Lorsque Sam s’approche pour attraper délicatement son petit, en le sortant de la couette, tans pis pour le lit, il le fera demain matin. Et c’est là qu’il découvre la supercherie. Elias n’est plus affublé de la petite tenue sympathique qu’il avait préparée la veille au soir. La petite tête blonde, prunelle de ses yeux, sang de son sang, porte son pyjama dinosaure. Pyjama qui lui a été offert par Tim pour ses cinq ans. 

– Qu’est ce qui s’est passé Elias ?

L’explication est forcément rationnelle, le pull qui gratte, un accident, trop chaud, pas confortable. Tout un tas de raisons qui seront peut-être acceptables, s’il n’avait pas vingt cinq minutes de retard. Mais son fils va très certainement croiser pas mal de monde, et il y a plus présentable que le pyjama.

– J’étais fatigué et on n'est pas parti, je voulais dormir ! Et il est pas tout doux le pantalon que tu m’as donné, dit très sérieusement et endormi Elly.

 Sam soupire, il comprend la logique mais il ne cherche pas à argumenter, surtout qu’il risque de perdre le débat. Alors il l’installe correctement dans ses bras, chope le sac, ferme la porte juste en la claquant (tant pis pour les clés). Il dévale les escaliers et pousse la porte de la boutique avec son dos.

– Eh, mon grand aujourd’hui tu passes toute la journée avec Tim, je vais rentrer tard, il va falloir que tu restes sage le plus sage possible. Tu peux faire ça pour moi ?

Elly répond par l'affirmative en hochant vivement de la tête. Une journée avec Tim, c’est la meilleure chose qui pouvait lui arriver !

En entrant, Sam dépose le sac de Elly derrière le contoire, et se met à la recherche du propriétaire des lieux.      Aucun client n’est présent. Au bout de deux allées, les Anderson tombent enfin sur Tim. Ce dernier avise l’état de ses voisins devant lui: Sam a le souffle court et Elly a l’air vaseux. Le petit a besoin d’aller aux urgences ? Pourquoi Sam est encore là ? Pourquoi a-t-il besoin de lui ? Un problème avec la voiture ? Ce serait mal tombé…

– Qu’est-ce qu’il se passe ? sort-il un peu apeuré, lâchant tout ce qu’il avait dans les mains.

– Rien de grave, il est juste fatigué. Bref, j’ai une faveur à te demander, mais j’ai pas énormément de temps pour t’expliquer la situation en détail…

– Ben accouche, le coupe Tim.

 – Il faut que tu gardes Elly aujourd’hui, le babysitter a annulé. Je t’explique quand je rentre, dit-il en mettant le petit dans les bras du grand blond. T’es pas obligé de fermer, il a de quoi s’occuper dans son sac, s'il lui faut un truc, mon appart est ouvert. Je te rembourserais le repas de midi et de ce soir. Merci Tim.

Timothy n’a pas eu le temps d’en placer une que Sam a déjà passé la porte et s'est dirigé vers sa voiture, avant de partir en trombe sur la route. Tim ne sait pas pourquoi il est aussi pressé, mais il a dans les bras un petit garçon qui s'est rendormi en une fraction de seconde. Il le replace de façon à supporter son poids d’un bras, récupère un plaid sur le fauteuil du coin lecture et l’enroule autour de lui, il ne faudrait pas qu’il chope la crève à cause des courants d’air. De sa main libre, il reprend son rangement qui prend plus de temps que prévu. Bon ben il n’a pas tout compris, lui non plus n’est pas très bien réveillé. Il a passé une bonne partie de la nuit à tourner dans son lit à attendre Morphé.

Mais il n’est jamais arrivé, les petites heures du matin ont été là avant le sommeil. Mais comme tous les jours, il doit se lever et s’occuper de ce petit commerce. Surprise du jour: il a un assistant en plus. Avec l’approche imminente de la saint-valentin, les rayons et les étagères de mise en avant regorgent de livres sur la romance, le couple et le self love. Malgré la décoration rouge et rose réalisée par les filles de la coloc, on ne peut pas dire que le monde se bouscule pour venir chercher son bonheur. Peut-être qu’il devrait écouter les jeunes, -pas bien plus jeunes que lui d’ailleurs-, et créer un compte sur les réseaux sociaux. Mais ça lui paraît ajouter du travail à la montagne qu’il a déjà. Après, un peu plus ou un peu moins, ça ne change pas grand-chose. Timothy ne trouve pas que sa librairie ait un “ concept” particulier, il vend les livres qui sortent comme tous les autres, conseille ses clients comme chaque libraire, et est passionné par le milieu du livre. Il a bien un rayon consacré aux livres autoédités, mais il continue de croire que le mieux serait de les mélanger avec les autres. Histoire de les mettre au même niveau que les livres qui sortent de maison d'édition. Et en même temps il a envie de mettre en avant le travail incroyable que réalisent ces auteurs et ces autrices. Finalement, il n’est pas prêt à refaire toute la présentation de la librairie et internet n’est pas fait pour lui. Une fois, une jeune fille lui a demandé, très sérieusement, s'il vendait des livres numériques, il a bien cru qu’il allait pleurer.

Le rangement terminé il peut aller se faire couler un deuxième café. Durant les vacances scolaires, Elly ne descend pas prendre son petit déjeuner, vu qu’il fait la grasse matiné généralement, ou qu’il va chez sa grand-mère. Quand il est présent, le petit garçon, qui a étonnamment la même tignasse dorée que lui au même âge, vient prendre le goûter affublé de son paternel. C’est souvent Elias qui fait la conversation, vu que c’est le seul sujet sur lequel Tim et Sam ne se prennent pas la tête. Et le petit garçon a toujours beaucoup à raconter durant ce quart d’heure détente. 

En avisant le petit qui dort dans ses bras, Tim se dit qu’il serait mieux dans son petit lit. Il pourrait fermer, ça ne baisserait pas tant que ça son chiffre d'affaires, mais c’est pas la bonne période, disons qu’il sort la tête de l’eau après les fêtes, mais l’année ne repose pas sur un coussin suffisamment confortable pour qu’il puisse rater un jour de travail. Il pourrait mettre Elias dans le petit salon de lecture, mais il préfère avoir un œil sur lui. Bon, ce matin il ne se baladera pas dans les allées pour conseiller les clients. 

Il s'installe sur son tabouret tournant derrière le comptoir et tourne légèrement de quelques degrés de droite à gauche pour bercer l’enfant, qui d'ailleurs ne calcule pas ce qu’il se passe. Au moment où Tim allait commencer à fredonner une berceuse, une jeune femme entre dans la boutique. Il l’a salue d’un “bonjour, bienvenue !”, elle lui répond d’un sourire timide, et part chercher son bonheur dans les rayons. Tim reprend sa séance câlin qui est plus utile à lui qu'au petit dans ses bras. Le lien qui existe entre Tim et Elias s'est fait au fil du temps, mais surtout parce que le petit garçon lui a donné sa confiance. Tim n’a jamais vécu avec des enfants: fils unique, peu de contact avec sa famille. Il n’avait jamais connu personnellement de bébés avant l'arrivée des Anderson à Wildford House. Et même si il n’est pas son parent il pourrait décrocher l’univer pour le bonheur de se petit bout d’homme.

Sa cliente revient avec cinq livres d’un même auteur dans les mains. Une adepte comme il les appelle, un lecteur ou une lectrice qui tombe en admiration devant les styles d’écriture d'un auteur ou d’une autrice. Généralement après une lecture reviennent en librairie pour acheter toute la panoplie, et son présent à chaque sortie. Un lecteur est souvent l'adepte de plusieurs auteurs. Tim les aime bien, pour une raison, se sont des commandes faciles, qui partiront forcément et ça fidélise les clients. Alors il retient le nom des auteurs phares. 

– Vous avez trouvez votre bonheur ? dit-il affubler d’un grand sourire.

Cette phrase un peu bidon qui permet de briser la glace et d’avoir l’air plus agréable. Pas de mauvaise expérience pour le client. 

– Oui, je n’ai pas pu tout prendre, mais je repasserai !

Et hop ! Une nouvelle cliente. La journée commence bien. Dans sa poche son téléphone vibre. Mais d’abord il s’occupe d’encaiser la jeune femme. 

– Votre fils est adorable…

Et la voilà lancer sur tout un tas de compliment, Tim n’a pas le temps de la reprendre qu’elle repart en lui souhaitant bonne journée et lui disant qu’il est un super papa. Ce genre de chose arrive souvent, dû au fait qu’ils ont la même couleur de cheveux, si n’est que la couleur de leur yeux qui diffère. Timothy Wildford n’est pas le papa de Elias, et même si vivre près de lui, lui a peut-être ouvert la possibilité de vouloir un enfant dans le futur, et ce que si le partenaire qu’il aura en voudra. Mais faut-il trouver le dit partenaire. Tim ne pense pas faire un bon père. Il faudrait déjà qu’il soit responsable de lui-même, avant d’être responsable de quelqu’un d’autre. Alors oui il s’occupe de Elias comme un chef, mais s’occuper d’un enfant quelquefois et faire son éducation sont des choses totalement différentes. Qu’importe ce que Tim pense de Sam sur le plan personnel, il ne peut nier qu’il est un super papa, loin de l’image de son paternel à lui.

Timothy a vécu dans les beaux quartiers londoniens, mais pour autant son enfance ne fut pas dorée. Les codes d’étiquettes, la pression familiale et sociale, les attentes de ses parents. Heureusement qu’il avait Mamie Marguerite Wildford. Elle avait ce petit commerce, et cet immeuble. Cette femme était l’idole de Tim, une femme libre et indépendante, qui tenait sa boutique et élever seule sa fille. Elle lui a tout légué à sa mort. Tim n’a compris pourquoi et puis quand son père l’a foutu dehors un matin. Les choses sont devenues plus claires. Sa Nona savait, elle savait qui il était, ce qu’il était et voulait le protéger. C’est le rôle que tout parent devrait avoir envers ses enfants. Il a était élever par cette femme formidable, entre ces murs.

Si un jour il a des enfants il veut  au moins être au même niveau qu’elle, c’est une exigence absolue. 

Quelques clients défilent, flânent, achètent et repartent avec le sourire. Entre temps, Elly s’est réveillé et a choisi de faire comme si de rien n’était, histoire de rester bien installé au chaud avec Timmy. Ce n’est pas souvent qu’il a le droit à une séance câlin avec lui. Et il ne sait pas ce qui préfère entre les séances calin devant la télé avec papa, à moitié allongé devant la télé. Ou être là où il est actuellement. Il en pèsera le pour et le contre plus tard. Mais pour l'instant, il s'ennuie un peu. Alors il commence à jouer dans les cheveux courts de la nuque de celui qui a la gentillesse de le porter depuis plus de deux heures. Mais il s’est fait démasqué, Tim lui tire un deuxième tabouret pour l'installer à côté de lui. Il le laisse emmitouflé dans le plaid et lui prépare un chocolat chaud. En avisant une oreille en laine blanche dépasser de son sac, Elly attrape Monsieur Dou, son lapin en peluche et le sert contre lui. Même si le spectacle est attendrissant, Tim voit bien que le petit garçon boude.

Il récupère une compote et quelques gâteaux dans le sac, pour ce premier goûter. Pendant qu’Elly mange sa collation les sourcils froncés, il se fait la réflexion qu'à ce moment précis il ressemble bien à son père, il en profite pour regarder son téléphone. 

Quand on parle du loup, on en voit la queue. Un message de Samuel Anderson : “ Merci d’avoir pris Elly avec toi, tu peux te servir dans le frigo à l’appart. Je ne sais pas à quelle heure je finis. Je te revaudrais ça promis !”. La journée va être longue…

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez