C'est l'histoire d'une jeune femme blessée que je raconte qui essaye de dire "je". Il s'avère que je suis cette personne. Mon combat et ma lutte contre l'oppression et toute forme de violences faites aux femmes me tient à coeur. Je sors de ma bulle et fait éclater les maux de la folie sur le mur du silence. Je suis traversée par mille sentiments contradictoires et tente de me livrer sans pathos. Ma langue est déliée et parfois mon coeur serré. J'use de mots bleutés dans la nuit étoilée et fais le voeu de sortir de cette impasse, de cette voie sans issue, de cette route tortueuse.
Je suis née d'une constellation d'amour et de liberté qui voulait crier la révolution. Mes parents se rencontrèrent lors d'une grève au travail. L'inceste courait de génération en génération. Ce à quoi je dis non. Ce à quoi je dis stop. Sens interdit. Feu rouge qui s'illumine dans la nuit.
Le flux de mes paroles m'envahie et je déverse sur le papier l'en-trop. La tempête a frappée fort, et je me repose après toute cette agitation sans nom.
Je fais la grève du sexe. J'ai peur de la rencontre en même temps que je la cherche et la désire. Ma peau est craquelée de cicatrices.
Le chemin est long, et le but est des fois difficile à trouver. Je mets du baume pour soigner mes plaies.
Je tourne les pages et défile le film de ma vie, tout en voulant attrapper au vol l'essentiel.
Mes insomnies sont drapées de sang rouge vif. Le carnage a bel et bien eu lieu.
Oublier? Passer à autre chose?
Ma mémoire est faite de bribes remplies de trous. Le troumatisme, pour parler lacanien...
La stupeur m'a figée et je suis prise dans les filets et les algues glacées du passé. Je disais: "quel est mon destin quand je condamne mon lendemain?". Telle Oedipe... Mais je ne me suis pas crevée les yeux et veux voir. Le savoir inconscient fait son travail dans le lit souillé du passé.
Je dis je quand il disait "elle". Je me sens vieille et jeune à la fois. Sans âge. Le temps est figé et comme suspendu. Je suis suspendue aux lèvres de mon psy, et sa voix miel adoucit la cassure. Je recolle les morceaux et assemble les pièces. Le puzzle est en bazar.
Je ferme les paupières et vois mon passé dans un flash alcoolisé. Le fruit est pourri. Je suinte. Le pue gicle.
Adieu, mon frère. Bonjour, l'amour.
La constellation familiale est réduite en poudre. Mon père est mort et il a laissé derrière lui une fille qui pleure sans larmes.
Le champ des possibles est à explorer. Les solutions sont à creuser. Ne pas creuser sa tombe, mais faire pousser les fleurs du futur ensoleillé. J'espère et ne digère. Je mâche lentement les mots de la honte, et lave à la serpillère les cendres du passé. Oublier est vain mais travailler à partir des fleurs du mal est possible.
Je monte la colline qui longe le cimetière et retourne sur les traces de la maison familiale. Un grenier avec au sol un matelas rouge et deux corps d'enfant nus. Un frère et une soeur.
Stupéfaite, je reste sans voix.
Transie de peur, je veux courir mais mes pas sont au ralenti. Cauchemar.
Sueur froide.
Je fouille les ruines et m'intéresse aux mythes grecs. Les notes de musique me parviennent au loin, et je dessine la cambrure de mes reins. Un clown surgit de derrière l'écran et je jongle entre les différentes couleurs de mon âme et oscille entre l'arc-en-ciel et le noir de mes nuits. Le noir de Soulages me permet de voir au loin et la lumière étincelle.
L'archéologie de mon corps dessine ses contours flous sur la frontière entre la vie et la mort.
Brigitte Fontaine chantait : "l'étoile file un mauvais coton"... Que cela ne me donne pas mauvais bourdon! Je sème les mots au hasard et écris mon nom. Les lignes de ma main offre une constellation incertaine. Chanter pieds nus sur la soif de la mélodie cachée est libérateur. Mon erreur est peut-être de croire que tout cela est terminé: cela ne fait que commencer. Je ne dis mot par peur de crier des horreurs. Chantons ensemble l'air de demain en se tirant les cartes.