Ecrire pour survivre

Lacan parlait de la "parole créatrice" et distinguait parole et langage. J'aimerais refléter ma singularité d'être à travers mes mots, et rendre compte du fait que je suis unique. Dire au plus près de mon intimité qui je suis pour moi et les autres. La poésie m'a été d'un grand secours par ailleurs. J'y trouvais là mon goût pour la sonorité des mots, et la psychanalyse m'aidait quant à elle à trouver les mots justes. Pour dire les affects et pensées qui me traversaient l'esprit.

Associations d'idées libres. Je m'exerçais à me dire tout en cherchant à toucher la vérité.

Suvivre et hurler ma colère. J'écris donc je suis. Je crie donc je suis...

Vivre vraiment et parler est une étape supplémentaire. J'opère cette transformation et je dis la fureur passée ainsi que la paralysie ressentie. Je crache les mots de la honte et dégouline le désespoir.

On dit: "l'espoir fait vivre"; je dis: "le désespoir meurt".

La vie n'est pas un long fleuve tranquille, mais plutôt un torrent où je me débats pour survivre. Coûte que coûte, j'avance et tente de nager dans le flot de mes idées sales.

Je me dis de regarder mes ressources plutôt que mes empêchements, et cogne en moi le désir de vivre.

La solitude me pèse parfois, et les mauvaises rencontres passées me rendent prudente.

La vie ne m'a pas fait de cadeaux, mais je puise ma force dans les rares moments de joie et de création. Me dépasser et aller au-delà des souffrances est nécessaire. Je fais des pas-de-côtés et j'écris du fond de mes tripes pour me sentir exister.

Ma colonne vertébrale est l'écriture: je tiens debout grâce à elle. Le cadre de la feuille limite ma jouissance, et le jet jailli tel une fleur qui voudrait éclore au printemps. Je renais et dis adieu à ma mélancolie et aux noirceurs de mon âme. Je dépose les mots comme l'on peint les couleurs sur la toile. J'assemble et je compose avec la mélodie du malheur d'hier et la joie à venir. Il est faux de dire que je n'espère point. J'espère et je prie.

Je conjuguais les maux à l'infini et j'ignorais combien la plume pouvait être légère! Aujourd'hui, je parsème les pétales de l'oubli et du silence pour dire combien l'enfermement est grand. Mais s'ouvre mille possibles. Les envies fleurissent et les projets affleuvent. La route est encore à décorer de pierres précieuses. Les cailloux d'hier sur lesquels je trébuchais sont nombreux. Je me guide de nouveaux repères. Quand je me perdais dans les dédales labyrinthiques de mon inconscient, aujourd'hui mes rêves me consolent et orientent mon destin. Je trace les lignes du désir et s'ouvre un nouveau chapitre où la vie peut émerger ainsi que la parole vraie. Je créé.

 

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fabulette
Posté le 05/12/2023
Je n'ai lu que deux chapitres pour l'instant, mais ces textes m'ont secouée comme peu de choses l'ont fait sur ce sujet là, le viol. Merci de le dire ainsi, ou plutôt de l'écrire. Je cliquais au hasard sur PA et me voilà pensive, admirative, la peau parcourue de frissons de dégoût causés par mes souvenirs, mais la tête pleine de mots pour peut-être enfin me raconter... ? C'est une très belle initiative que je ne peux qu'applaudir et encourager.
Antarctique
Posté le 14/09/2023
"Si la vie est un chemin sur ce chemin au moins semons des fleurs" disait Montaigne (apparemment, je suis pas sûr sûr). Votre texte donne envie de respecter cet aphorisme (qu'il existe ou pas : s'il se révèle finalement être de moi je suis très fier)
Cœur perdu
Posté le 17/08/2023
Bonjour,
Belle déclaration d'amour à l'écriture.
Moi aussi écrire m'aide. Ecrire sur ce site me permet de scander au monde ce que je ne pourrais pas dire à mes proches.

Je rajouterai pour reprendre le début du dernier paragraphe : "écrire donne du sens aux maux".
anapoesis
Posté le 21/08/2023
Merci beaucoup pour ce retour encourageant.
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