Cours ! Cours petite fille !

Notes de l’auteur :  
 
 
"On peut aisément pardonner à l'enfant qui a peur de l'obscurité ;
la vraie tragédie de la vie,
c'est lorsque les hommes ont peur de la lumière."
 
Platon
 
 

 

 

   

                                                                        

LumeN

I

Cours ! Cours petite fille !

 

 

          Les cris de terreur de la fillette résonnèrent contre la paroi et se répercutèrent en une cacophonie d'échos sinistres à travers tout le réseau de galeries. Ses pas rapides filaient aussi vite que ses petites jambes en étaient capables. Elle ne cessait de se retourner, les yeux agrandis par la frayeur.

          Le bruit sourd de la foulée derrière elle répondait à la sienne à un rythme bien plus rapide. Il fallait qu'elle se mette à couvert sinon elle se ferait prendre. Mais où trouver une cachette ? Les couloirs, les galeries étroites aux coudes à angles droits se succédèrent tel un labyrinthe. Le ciel de roche laissait entrevoir par endroit des signes sérieux de faiblesse et plusieurs fois elle manqua de se retrouver coincée dans un boyau fermé par un éboulis de pierres.

          Finalement, elle trouva ce qu'elle cherchait en débouchant dans le cellier, une vaste pièce voûtée garnie de seize colonnes enterrées jusqu'au chapiteau, quelques lampes à carbure accrochées à la paroi, n'éclairaient bravement que les irrégularités du roc. Là s'entassaient dans une quasi obscurité, entre les arcades d'un autre âge, les caisses remplies des trouvailles faites lors de la dernière mission à la surface.

          Ni une, ni deux, elle s'engouffra entre elles, s'agenouilla et ne bougea plus d'un cheveu, se faisant la plus petite possible et retenant son souffle malgré son besoin d'air attisé par l'effort qu'elle venait de fournir. Son cœur frappait comme un tambour dans ses oreilles et quand son poursuivant s'arrêta devant elle, elle fut forcée de se bâillonner d'une main pour emprisonner un gargouillis de peur qui se frayait un passage entre ses lèvres. Elle était là, à ses pieds, telle une biche offerte en offrande. Le chasseur, à l'affut du moindre bruit, écoutait.

          Chiara, juste à ses pieds, suspendit son âme à ses yeux, le temps s'arrêta.

          Le goutte-à-goutte de l'eau suintant d'une quelconque faille au loin ponctuait chaque battement du cœur de Chiara comme un métronome bien ajusté. Une éternité passa.

          Le guetteur, n'ayant rien entendu, se détourna et pénétra dans la galerie suivante sans savoir, selon elle, qu'il ne talonnait plus qu'un fantôme. Le bruit des pas s'éloignèrent. Elle reprit sa respiration saccadée.

          Tout en jetant des coups d'œil inquiets en arrière, elle se releva et revint sur ses pas, empruntant le chemin en sens inverse pour revenir sur le lieu du crime.

          Elle poussa la porte qui pivota sur ses gonds en couinant comme un rat pris au piège. Gisait au milieu de la cave un seau renversé et une immense flaque finissait de se répandre sur le sol de terre battue.

          Son frère devait être bien mouillé. En se remémorant son visage déconfit, ses cheveux noirs détrempés et sa barbe dégoulinante tel un rideau de stalagmites, les commissures des lèvres de Chiara se relevèrent pour se préparer au passage victorieux d'un éclat de rire aussitôt muselé par la consternation : une voix tapie dans l'ombre derrière elle l'interpellait :

          - C'est donc là que tu te cachais petite souris !

          Elle fit volte face et aperçut une silhouette menaçante dans le noir s'avancer vers elle, dévoilant une stature d'arénaire à la lueur de l'éclairage mordoré.

          - Hayden ! Mais comment as-tu fait pour revenir si vite ? s'exclama-t-elle en reculant tout en regardant dans tous les sens pour chercher une issue, une échappatoire à sa situation qui se révéla être désespérée à son grand dam.

          Un bras robuste l'entoura avant que la consternée ne puisse faire le moindre geste et une main aux doigts habiles vint lui chatouiller le creux de l'aisselle lui arrachant un tonnerre de rires. Elle se débattit autant que ses petits bras frêles de fillette le lui permettaient.

          - Je connais des raccourcis qui te sont inconnus, petite filousse !

          Les prunelles sombres et pétillantes de malice comme celles de son effrontée de sœur se vêtirent, contre toute attente, d'un éclat menaçant, signe qu'une idée machiavélique germait au plus profond de l'esprit de leur propriétaire. Il la souleva de terre et la passa sous son bras aussi facilement qu'un vulgaire sac de pommes de terre. Sans faire attention aux protestations et aux coups de poings que lui assénait la fillette, il la transporta et, quelques mètres plus loin, une réserve d'eau devint la baignoire improvisée de la petite coquine.

          - Voilà ! J'espère que cela te servira de leçon et que cela t'enlèvera toute envie de recommencer lui somma-t-il après l'avoir jetée dans l'eau sans autre forme de procès.

          Il s'en  retourna tout en se frottant les mains, avec sur son visage la fierté d'avoir accompli son devoir de frère aîné et l'arrogance d'avoir assouvi une vengeance bien méritée.

          S'appuyant de ses avant-bras pour se rehausser au bord de la citerne, Chiara s'extirpa de l'eau avec difficulté. Elle s'agenouilla et releva une mèche noire dégoulinante qui lui obstruait la vue. Trempée jusqu'aux os, elle recracha une goulée d'eau qu'elle n'avait pas avalée lorsqu'elle avait gardé la bouche ouverte pour protester au moment de s'écraser lamentablement sur la surface de l'eau.

          Furieuse sur le coup, son optimisme naturel reprit ses droits, des images revinrent à sa mémoire et lui firent revivre la scène du seau d'eau se flanquant au ralenti sur la tête d'Hayden. Elle sourit intérieurement face au souvenir éclatant de la surprise qu'elle avait lue dans les yeux de son frère quand l'eau l'avait inondé de pied en cape.

          L'humiliation de cette baignade forcée dans la réserve d'eau ne pourra jamais lui enlever la satisfaction d'avoir réussi à le surprendre, lui qui l'avait taxée de prévisible et de désorganisée la veille même devant tout le monde.

          Hayden regagna sa chambrée. Il se changea, enleva ses lourds vêtements mouillés. Il s'assit sur le lit sculpté dans la roche et s'essuya le visage. Il jeta un rapide coup d'œil au reflet dans le morceau de miroir élimé. Il ne put retenir un soupir en essayant de dompter la crinière de boucles sauvages s'hérissant en auréole autour de son visage.

          Il repensa aux frasques de sa sœur et se secoua la tête en signe de capitulation. «Cette gamine ne fera rien de bon ».

          Mais une autre pensée traversa son esprit, celle d'un rendez vous important qui l'appelait dans le laboratoire d'agronomie de la cité souterraine avec son équipe de terrassiers et la douce et diaphane Cynthia. Les travaux qui furent de longue haleine et une source de transpiration pour ses hommes et lui s'achevaient enfin.

          Il était ravi du résultat et impatient de voir les yeux de Cynthia s'illuminer devant la prouesse qu'ils avaient accomplie et dont il était plus que fier.

 

 

 

 

 

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La Ptite Clo
Posté le 07/11/2008
Je n'ai pas pu résister plus longtemps...^^" (Faut que je lise Missou, il faut que je la liiiiiise, je sens que c'est du gros dossier ça, il fauuuut que je lise...mais quand ?).
J'ai réussi à te caser dans mon emploi du temps. La lecture n'a pas été très longue, mais assez pour être déjà plongée en plein mystère. Il me tarde de faire connaissance avec les personnage, et découvrir avec plus de précision l'intrigue.
D'après le résumé, si je me souviens bien, les gens se sont réfugiés sous terre à cause des catastrophes climatiques, et plus particulièrement une "Chose". Cette chose les bouffe ou les tue simplement ? Quelque chose fait que les humains ne sont plus au sommet de la chaine alimentaire ?
En tout cas, belle vengeance pour la nature, que les hommes détèriorent de jour en jour...
J'ai hâte de lire la suite Missou, tu sais manier à la perfection les mots. Je suis super épatée. ^^
Je te fais plein de poutouchka ! ^^
Reponse de l'auteur: Merci ma ptite Clo (une fée s'est penchée sur mon histoire *_*).
C'est vrai qu'il n'est pas long du tout ce chapitre, c'est un amuse gueule ;-).
J'ai un peu de problème pour développer mon récit mais je compte m'améliorer :-) et vous donner en pâture un peu plus de lignes à vous mettre sous la dent.
Oui la nature s'est bien vengée, et dans mon histoire, je crois bien qu'elle n'a pas fait dans la dentelle. Mais elle nous laisse une chance d'évoluer et de regagner sa confiance...
Je te poutouchkaille aussi ^_^
Liné
Posté le 07/11/2008
T.T<br />
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*porte une main sur son cœur*<br />
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Naaan, mais ça va pas de nous faire un coup pareil ? xD<br />
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Non, sincèrement... j'ai adoré la chute de ce chapitre ! Je n'aurais jamais cru ! Cette entrée en matière tisse une ambiance mystérieuse et un brin effrayante en filigrane. Je m'attends à avoir peur et à prier pour ces personnages que j'aime déjà !<br />
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J'attends ton talent avec impatience, Missounette ;-) Ponds-nous rapidos' un autre chapitre ! X3<br />
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Je veux en savoir plus sur ces galeries, sur les autres personnages. Comment la vie souterraine s'organise-t-elle ? Quels sont les sentiments et les projets des personnages ? Tu as là de quoi approfondir la psychologie de tes protagonistes, et je te fais amplement confiance quant à la suite de ton histoire =DReponse de l'auteur: J'aime faire battre les coeurs ;-). Je voulais commencer par quelque chose de terrifiant, mais ensuite... j'ai changé d'avis, enfin disons que j'ai remanié cette scène et remis à plus tard ce qui pourrait vraiment faire peur ^_^.
Le prochain chapitre arrive bientôt à maturation, je le couve. Il devrait éclore sans doute la semaine prochaine.  Merci bcp LinE de me donner ta confiance, je vais tout faire pour la mériter :-).
Cricri Administratrice
Posté le 06/11/2008
Je viens de lire ton premier chapitre !!! Je suis vraiment contente de voir que tu te relances dans une histoire de longue haleine ^^ (Tant que je n'avais pas vu le chapitre, je ne voulais pas crier victoire).
Bon, bon, bon, mes impressions ! Déjà, je te félicite pour m'avoir flanqué une belle frousse : je nous croyais, Chiara et moi, les proies d'une bête féroce et c'était un adorable grand-frère qui nous faisait la chasse ^^' Tu commences ton histoire sur un coup de surprise, j'aime beaucoup l'idée.
J'adore déjà ces deux personnages, leur complicité, leurs gestuelles (le frère qui promène sa soeur gesticulante sous le bras), leurs expressions ^^ Ils sont adorables, on ne peut que les aimer.
Tu esquisses les contours de ton monde : à mi-chemin entre la caverne de Platon et la civilisation moderne. En plus, ton résumé est vraiment bien tourné, il donne vraiment envie de se plonger dans ton univers !  Et ta façon de terminer le chapitre donne envie de "tourner la page" ^^
Ton style est joliment façonné : on sent vraiment que tu as choisi tes mots avec soin, je suis impressionnée ! J'ai juste relevé une petite faute (les prunelles se "vêtirent" et non se "vêtir") mais sinon c'est au poil oO impeccable !
Ah, et comme je suis ch*** avec ça : ton texte a connu quelques soucis de mise en page : il y a des phrases qui sont coupées en deux, surtout au début (peut-être parce que tu as justifié ton texte ?). Et ton interligne est un peu trop important : ça nuit à la linéarité des phrases  - encore une fois, c'est purement physiologique, ça n'a rien à voir avec la qualité, ô demeurant excellente ;o), de ton texte. Maintenant, ce sont mes yeux difficiles : peut-être que d'autres vont trouver ça au contraire plus lisible ! (j'en connais une, par exemple, qui est incapable de lire du times new roman ^^') N'hésite pas à demander l'avis des autres !
Je vais faire dans le banal : vivement la suite XD !!!
Reponse de l'auteur: J'ai corrigé la vilaine pas belle faute brrrrr. Question de mise en page, je n'ai pas la même chose que toi et aucune phrase n'est coupée é_è. Peut être lisais tu quand je m'amusais à reprendre chaque phrase avec le mode edit. Je vais essayer de voir ce que je peux faire concernant l'interligne, sur le word c'était clair mais là c'est vraiment trop espacé ^_^.
Bin oui, j'ai commencé avec une course-poursuite. Au départ je voulais vraiment qu'un monstre la poursuive, mais c'était tomber trop vite dans le vif du sujet. Je laisse cela pour plus tard ;-). Ce n'est que le premier chapitre et je remarque qu'il est très difficile de trouver une idée de départ. Attraper l'attention du lecteur et la garder tout au long d'une histoire est un sacré défi. Je me sens encore très ceinturée par l'appréhension quand j'écris, me demandant toujours si telle phrase est bien tournée, si tel mot se trouve au bon endroit, j'ai bcp de difficulté avec les dialogues notamment... j'espère que tout  cela deviendra plus naturel à la longue. Merci de m'avoir lu ma chère Cricri.
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