Et la lumière fut.

Notes de l’auteur : "L'heure la plus sombre est celle qui vient juste avant le lever du soleil." 
<br />  Paulo Coelho 

II

Et la lumière fut.

 

          Le soleil s'infiltrait par les puits de lumière qui avaient été creusés dans la roche. Cette douce luminescence ponctuée de minuscules poussières en suspension dans l'air semblait irréelle et déployait un curieux éventail de rayons dans la vaste pièce à présent éclairée par la lumière naturelle. Un échafaudage, arthropode de fer et de bois, trônait au milieu de l'immense salle. Tels des insectes, des hommes s'affairaient et démontaient les tronçons qui constituaient son squelette.

          L'ingéniosité et la patience dont avait fait preuve l'équipe menée par Hayden avaient permis ce petit prodige. Relevant des défis d'équilibre et respectant un silence quasi religieux, ils avaient réussi non sans mal à creuser puis à frotter incessamment avec du sable et de l'eau, jour après jour, la roche tendre du plafond afin d'obtenir des trous en forme de cône inversé.

          A présent, jaillissait la lumière telle une source d'eau vive. La forme conoïdale des ouvertures permettait d'apporter la lumière et de la concentrer d'une façon non négligeable vers le laboratoire d'agronomie.

          Toutefois, il fallait avoir beaucoup d'imagination pour baptiser ce lieu humide, sombre et froid de laboratoire et encore plus pour y voir une quelconque spécialisation en agronomie.

          Outre les cultures de champignons grassouillets dressant gaillardement leur chapeau rond et les bacs de sables peuplés d'endives perlées qui pointaient leurs feuilles translucides et bien serrées, rien ne présageait que quelque chose d'autre puisse pousser dans cette remise souterraine.

          Mais, maintenant, avec cette lumière, tout était possible.

          Les yeux de Cynthia étincelaient d'une joie difficilement contenue. Mais n'osant pas encore se donner le droit d'espérer, l'inquiétude de voir la communauté entière s'exposer au danger par ces ouvertures vers la surface fit naître en elle une angoisse qu'elle se devait de partager avec Hayden. Elle s'approcha de son ami qui s'appliquait à démonter l'ossature du dernier support :

          - Tu es certain qu'à l'extérieur ces ouvertures seront totalement invisibles?

          Tout en enroulant une corde en un ample mouvement du bras entre son coude et le creux de sa main, il se pencha vers elle et, avec un sourire, effaça ses craintes en quelques mots :

          - Plus que certain. Lors de notre dernière sortie, nous avons bien examiné le terrain où les conduits mènent. Il y a un amoncèlement de gravats dans leur périmètre proche. Ils apparaitront juste comme des anfractuosités de plus parmi les autres. A ce niveau là tu n'as rien à craindre mais...

          Autre chose le tracassait. Il fit une pause avant de continuer car il savait que le problème dont il allait parler éveillerait une ombre de souci dans le regard vermeil de son amie.  Celui-ci, noyé de crainte sous l'effet de ses derniers mots, le fixait déjà intensément.         

          Embêté, il poursuivit :

          - Le seul hic est que le soleil n'apparaitra par ces cavités que quelques heures par jour, 6 h à peu près, car dans sa course il croisera les ruines de la cathédrale de l'autre côté de la place.

          Il avait remarqué ce détail lorsque la pleine lune s'était occultée derrière l'édifice au moment où ils avaient exploré les lieux. Il ressentait encore la torsion de ses entrailles nouées par la peur lorsque le voile d'obscurité était descendu et que les mâchoires de la nuit s'étaient refermées sur eux, les happant dans les ténèbres. Ils s'étaient exposés bien trop dangereusement encore une fois mais le but en valait la peine.

          Cynthia se mordit la lèvre de frustration et baissa les yeux pour ne pas montrer la déception qui s'y lisait forcément. Ce qui n'avait pas échappé à Hayden : 6 h étaient bien trop peu pour pouvoir entretenir une quelconque végétation.

          Il continua, désolé mais réaliste :

          - Nous ne pouvons faire mieux, à moins d'abattre les restes de la tour de la cathédrale ! Mais je laisse ce plaisir là à Rojo ironisa-t-il tout en lançant un bref regard de biais vers la surface pour revenir aussitôt poser ses yeux remplis d'affection sur Cynthia et son visage dépité. Ça ira comme ça?

          - Oui... Ce que je t'ai demandé n'était déjà pas évident à réaliser. Je trouverai bien un moyen pour optimiser au maximum ce gain de lumière pensa-t-elle tout haut, le regard vague, l'esprit déjà plongé dans la réflexion.

          - Je te fais confiance.

          Hayden avait toujours été fasciné par le sens d'adaptation de Cynthia et épaté par son opiniâtreté. Ils se connaissaient depuis le jour de leurs premiers pas, leurs parents s'étant installés dans des muches voisines. Une muche comptait deux salles ou cellules par « feu » ou famille. Les deux couples, s'entendant à merveille, profitèrent à eux seuls d'une propriété de 4 pièces, ce qui était vaste comparée à celle des autres membres de la communauté.

          Les habitations étaient composées de deux parties, une première pour les hommes et une seconde pour les animaux, le tout dans une surface de 15 mètres carrés, ce qui représentait pour eux une surface habitable respectable d'une trentaine de mètres carrés.

          La promiscuité était de règle et l'intimité parfois malmenée mais c'était le coût à payer pour pouvoir bénéficier de la sécurité des souterrains en ces temps chaotiques. Les deux enfants avaient ainsi grandis ensemble, partageant les mêmes jeux et leur éducation chez maître Phileas ainsi que  tous les autres enfants de Lumen, le nom qu'ils avaient donné à leur communauté.

          La petite Cynthia avait bien grandi, les temps n'avaient pas beaucoup changé et l'humanité se terrait, recluse sous la surface de la terre, attendant un hypothétique retour à la lumière.

          Elle s'adressa aux autres membres de l'équipe qui dans le silence transportaient les derniers soutènements.

          - Merci pour tout ce que vous avez fait. Grâce à vous, à vos efforts, nous allons pouvoir faire pousser autre chose que des champignons et des endives et nous offrir une autre catégorie de légumes à nous mettre sous la dent, ce qui ne sera pas du luxe, vous en conviendrez bien.

          Tout en disant ces mots, elle passa une main presque maternelle sur les petits chapeaux ronds de sa champignonnière avant de serrer une à une les mains râpeuses de la dizaine d'hommes qui blaguaient ensemble sur les présumés futurs plats mijotés qu'ils feraient cuire dans quelques temps.  L'équipe se retira, le sourire aux lèvres et la poussière collée à leur peau, le devoir les appelant dans un autre niveau du souterrain. Hayden sortit en dernier et lui fit un petit clin d'œil complice avant de refermer la porte.

          Les pas s'éloignèrent pour disparaître dans un ricochet de gravas.

          Restée seule, Cynthia observa les rayons fusant vers le sol. Attirée comme un papillon, elle ne résista pas à l'envie d'y plonger la main. Sa peau s'éclaira aussitôt et une délicieuse chaleur s'écoula sur son épiderme.

          Elle observa le jeu des ombres de ses doigts sur sa paume et leur pâleur quasi cadavérique. Elle était si blanche, si fragile. De fines veinules bleutées parcouraient sa carnation et dessinaient une utopique carte en transparence. Elle rassembla ses mains en coupe, les réchauffa au contact des rayons et les posa sur son visage, s'abreuvant de cette chaleur bienfaisante.

          C'était si bon de sentir cette source chaude l'inonder. Elle ne pouvait pas en rester là. Elle ôta son bonnet libérant une longue chevelure argentée, dénoua son épaisse écharpe qui glissa le long de ses bras avant de tomber lourdement sur le sol. Elle s'avança d'un pas et entrebâilla largement son décolleté, découvrant une peau diaphane qu'elle offrit à la cascade lumineuse.

          Les yeux fermés, le visage renversé en arrière, les lèvres entrouvertes, elle dégustait la douceur que lui distillait l'astre du jour par cet alambique creusé de la main de l'homme, l'eau de ses paupières closes s'écoulant comme une rivière avinée sur ses joues déjà rougies par le soleil, ce soleil qu'elle n'avait encore jamais vu.

 

 

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Liné
Posté le 21/12/2008
Haaaaaaaan, ô ignoble étouderie ! ô haïssable malchance ! Grands Dieux, condamnez-moi...<br />
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*se jette pitoyablement à genoux*<br />
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... Je n'avais pas vu que tu avais écrit un deuxième chapiiiitre ToT<br />
En plus t'as mis de jôlies citations...<br />
<br />
J'attends la suite avec impatience ! Comment les hommes en sont-ils arrivés à vivre sous terre ? Qui sont Hayden et Cynthia dans l'histoire ? Que va faire Cynthia ? Bref, tu mets l'eau à la bouche et ton chapitre est trop court xD<br />
<br />
Et puis cette cathédrale, surtout, et notre monde d'aujourd'hui ? Qu'est-il devenu ?Reponse de l'auteur:  *relève LinE étendue pitoyablement à ses pieds.
Tu te culpabilises pour rien là vois tu ^_^, tu as tout le temps pour me lire tu sais.
La suite va arriver bientôt et j'espère qu'elle répondra aux questions que tu te poses.
C'est vrai que c'est trop court comme chapitre. je trouvais aussi que je ne les faisais pas assez longs alors je vais essayer de remédier à cela :-).
Oui cette cathédrale semble plaire à bcp d'entre vous (et à moi aussi ;-) , je crois que je vais exploiter ces vieilles pierres pour la suite, les cryptes doivent être des lieux curieux à explorer...
 
La Ptite Clo
Posté le 17/11/2008
Oh Missou...j'ai été comme hynoptisée...*_* Le moins que l'on puisse dire, c'est que tes mots ensorcellent comme pas deux !
Une fois plongée, impossible de détacher mon regard de mon écran !
Je me languis de lire la suite, rien que pour pouvoir explorer ce monde souterrain inconnu et intriguant.
Plein de biyous ! ^^
Reponse de l'auteur: Comme c'est bon de provoquer de telle chose rien qu'avec des mots ^_^.
Je savoure et me délecte de ton plaisir petite fée.
J'espère réussir encore à te happer dans cette histoire et voir ta poussière magique briller au dessus de ton écran.
Le fait que justement ce soit un milieu inconnu donne envie de l'explorer. Et je ne te dis pas de l'extérieur...
C'est dingue ce que j'ai découvert dans ces souterrains (enfin je veux dire dans les sites parlant des souterrains, des "muches" du nord pas de calais notamment) comme lieux magiques et ensorcelants. Je me suis rendue compte qu'à une époque des gens se cachaient là dedans pour échapper aux dangers de la surface (barbares, guerre, impots etc) et y vivaient.
Plein de biyous binious ^_^ !
 
Cricri Administratrice
Posté le 17/11/2008
Epoustouflant ! Quelle scène finale ! J'avais vraiment l'impression de vivre ce premier contact avec le soleil dans le corps de Cynthia !
Un second chapitre qui nous invite plus profondément dans les cavernes de ton histoire, la miss. L'écriture est de toute beauté, je suis frappée par l'esthétisme de tes phrases. Il y a peut-être une légère abondance des participes présent en première partie de chapitre mais ça ne m'a pas plus gênée que ça (et, il faut bien le dire, ça coule mieux que "qui..."). Tout est soigné, on sent l'amour que tu mets à chosir tes mots.
Mais ce n'est pas une beauté froide. Je veux dire, ce n'est pas un exercice de style pour un exercice de style : on est happé par l'élégance du phrasé, mais il nous entraîne dans l'histoire et ne l'occulte pas. J'aime beaucoup la relation Hayden/Cynthia. Le premier est tendre sans être fade : il est tellement attentif aux émotions qui filent sur le visage de Cynthia, je trouve ça charmant. Et elle aussi est un personnage attachant ! On la sent investie dans la mission qu'elle s'est posée, le genre de personnalité passionnée par une cause. Et quel physique : peau diaphane, cheveux argentés (mais c'est logique, étant donné l'absence de soleil), on dirait une créature d'un autre monde... ce qui est un peu vrai, en un sens. Tu as vraiment créé un univers nouveau :o)
Et cette cathédrale : n'est-ce pas un petit clin d'oeil à la vidéo de LinE ? J'ai trouvé l'évocation du dehors très forte, surtout quand tu fais allusion à l'excursion nocturne. On sent vraiment l'hostilité de la surface.
Bref, je suis très enthousiaste ! On aspire à découvrir la suite !
Reponse de l'auteur: Merci ma Cricri pour cette review qui m'amène le rouge aux joues et plein de bonnes choses dans le cœur. <br />Je ferai attention aux participes présent. J'ai bien envie de leur faire déjà la chasse aujourd'hui dans ce texte là. A vouloir éviter les "qui" j'en utilise un peu trop les "ant". Je vais essayer de mettre un équilibre entre ces deux tournures de phrases. J'apprécie énormément que tu me montres ce genre de chose, surtout ne t'arrête pas, ça m'aide à progresser et je peux te dire que j'en ai besoin.
J'aime aussi cette relation entre Cynthia et Hayden : un amour simple, pas compliqué, sans prise de tête, on s'aime et c'est bon, on ne se torture pas, on donne sans demander en retour, on veut faire plaisir généreusement. <br />Le coeur de l'humanité se trouve là peut être. <br />Mais l'avenir de la suite de l'histoire troublera cette harmonie.<br />J'allais spoiler mais je ne le ferai pas, nom di djou !
Cynthia : sa peau clair, ses cheveux blancs, ses yeux vermeils... c'est une beauté bien particulière qui existe dans la réalité de notre temps et pas que dans mon histoire, ce n'est pas dû uniquement au manque de soleil, quoique cette absence peut être bénéfique pour ma blanche Cynthia... Hayden est tout son contraire, cheveux et barbe sombres, yeux noirs, peau bis... bref bref...<br />Ahh la cathédrale, ce n'était qu'un immeuble au début de mon histoire puis il est vrai que la video superbe de LinE m'a bluffée.
Quelle ambiance de fin du monde, une cathédrale en ruine c'est comme ci on avait détruit tous les dogmes de notre civilisation et quelle force incroyable il faut pour détruire un tel édifice !
<br />Dans la vidéo c'est la lumière qui fait peur au personnage tandis que la nuit le protège, ici c'est le contraire.
Ton enthousiasme fait plaisir à voir :-).
Gros poutou !
 
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