«De nuit, tous les monstres sont gris.»
Démon vieux qui cherche à rester jeune
Décidément, il m'est impossible de dormir les deux yeux tranquilles ces derniers temps. Devinez ce qui me tracasse ? Des cauchemars !
Dire que j'aime bien dormir d'habitude... Désormais, ce n'est plus le cas. Du tout, même !
Dangereux, le cauchemar vous hante nuit et jour, on en cherche le sens, on ne pense plus qu'à ça, même quand on a un an et deux mois. Deux mois, c'est un détail auquel je tiens très particulièrement. Deux mois, ce n'est pas rien ! Deux mois de cauchemars incessants, on sent peser sur ses épaules chaque seconde qui passe, croyez-moi !
De fait, aujourd'hui, j'ai décidé que c'était fini les cauchemars ! Décision que je valide personnellement. De quoi je cauchemarde pour avoir une telle réaction ?
Dites, vous êtes bien curieux ! Dans un instant, croyez-moi, vous allez regretter d'avoir posé la question.
D'abord, je me souviens que j'ai rêvé que de belles choses : mes peluches et moi, parcourant le monde, chacun avec son cheval de bois. Dire que j'ai rêvé d'une peluche sur un cheval de bois, c'est tout aussi drôle qu'un petit bonhomme d'un an qui voyage seul, croyez-moi !
De fil en aiguille, les choses ont dégénéré...
Depuis, plus rien n'est comme avant quand je rejoins les bras de Morphée, devenu visiblement sadique et malveillant.
Des dragons cracheurs de feu ont fait leur apparition, un beau jour. Dites-moi, vous vous demandez pourquoi je précise que mes dragons crachent du feu, n'est-ce pas ?
Des dragons cracheurs de feu commencent à affronter des dragons cracheurs de lames. Deux à trois secondes plus tard, les flammes du dragon de feu brûlent quelques écailles du dragon de lame. Dragon de lame qui riposte aussitôt en écorchant d'une bonne dizaine de ses lames. Désormais, le dragon de feu agonise en crachant un peu partout quelques flammèches se transformant bien vite en maigres étincelles.
Dites donc, c'est triste pour le dragon de feu, vous ne pensez pas ?
Dragons, je ne cauchemarde que de dragons, vous croyez ? Détrompez-vous, ce serait presque trop beau sinon. D'autant plus qu'il m'arrive aussi de faire des cauchemars un peu plus réalistes.
Du diable dans l'armoire. Diable dans l'armoire de la chambre de mes parents. Directement sorti de toutes les légendes et clichés des livres. Diable à deux cornes, avec une tête enflammée, une vraie torche humaine, le monstre de mes cauchemars, je vous le dis ! Dire que j'ai failli oublier le terrible trident, cette espèce de fourchette à trois dents. Des dents toutes aussi pointues les unes que les autres, ne demandant qu'à trancher tout et n'importe quoi.
Désormais, vous vous demandez pourquoi j'ai dit que ce cauchemar était un peu plus réaliste ? Dites merci à la tête humaine qui se tient sur cette espèce de corps de bouc. Dorénavant, la queue de cochon peut aller se coucher tant celle du diable est impressionnante, sans parler de sa peau aussi rouge que de la braise.
Dragons, diables mais ours en peluche maléfique aussi.
De gros yeux d'un rouge perçant qu'il a l'ours en peluche de mes cauchemars. Des griffes aussi. De très longues griffes, un regard carnassier et plus que menaçant. Dans mon cauchemar, j'ai des envies de pleurer à chaque fois.
De temps en temps, je pourrais avoir du répit au milieu de tout cela mais il n'en est rien !
De plus en plus souvent, je rêve qu'un ballon de baudruche me pourchasse, obsédé par l'idée de me dévorer tout cru. De me dévorer tout cru ! Dites, c'est lui-même qui me l'a dit entre deux courses-poursuites dans un labyrinthe de réglisses, ne vous moquez pas de moi ! Dommage pour le ballon de baudruche, il ne m'a jamais attrapé, même alors que je me suis arrêté pour manger de la réglisse et reprendre quelques forces.
Du répit, aucun que je vous ai dit !
Deux ou trois fois, j'ai rencontré une tomate farcie, amatrice de poésie, que j'affectionne énormément. De la tomate gentille dans mon sommeil, c'est déjà ça ! Dire que j'ai parlé trop vite... D'un coup, d'un seul, un pain d'épices, tout ce qu'il y a de plus gentil aux premiers abords nous approche et déclame quelques vers de poésie à son tour. Desnos, du Desnos, oui ça ressemblait à du Desnos ce qu'il nous a déclamé ! D'une originalité tout ça... Dans tous les cas, ce n'est pas le plus effrayant : le fait qu'il nous parle sans prévenir de cannibalisme, par contre... De cannibalisme tout en nous montrant ses dents et précisant qu'elles peuvent déchiqueter n'importe quoi, et surtout n'importe qui. De suite, vous comprenez mieux mon inquiétude du moment, non ?
De toute manière, ce n'est plus le moment de polémiquer mais de fuir. De prendre les jambes à son cou. Doutez-en ou non mais la tomate farcie s'avère avoir du mal à prendre ses jambes à son cou. De hurlements en hurlements, elle donne vraiment l'impression de passer un sale quart d'heure auprès du cannibale ! Dare-dare, je ne reste pas là bien longtemps à contempler le spectacle, surtout quand le pain d'épices s’époumone bien à me dire, malgré les centaines de mètres qui nous séparent, qu'il aime assaisonner la chair humaine avec un peu de jus de tomate ! Dommage pour lui, jamais il ne m'aura, même pas un petit doigt !
Doigt, en parlant de doigts, il faut que je vous raconte quelque chose...
Durant une nuit cauchemardesque, une parmi tant d'autres, une citrouille m'a réveillé et n'a pas attendu très longtemps avant de m'arracher mes deux petits auriculaires pour les tartiner de beurre et de confiture, puis les manger devant moi.
Dites-moi que ça ne vous fait rien ? Du moins, je n'en crois pas un traître mot. Dragons, diables, citrouilles, c'est dingue quand même...
Donc aujourd'hui, les cauchemars vont s'arrêter tout simplement car je l'ai décidé ! Démons, citrouilles, diables, ballons de baudruche, pains d'épices, allez vous coucher : c'est à mon tour de venir vous hanter du haut de mes un an et deux mois !
L'idée du cauchemar est vraiment cool dans ce contexte, elle permet de justifier toutes les pensées folles de Bébé en utilisant un vocabulaire très varié, ce qui permet de limiter les répétitions.
Sinon, je ne sais pas si je dois le redire à tous les comms mais c'est toujours aussi vrai : incroyable de tenir cette contrainte avec des lettres différentes et sur un texte aussi long. Chapeau !!
Un plaisir,
A bientôt !
Content de voir que tu apprécies toujours autant ! (Content de voir aussi que tu fais des pauses. Lire cette histoire d'une traite, je ne suis pas sur que ce soit bon pour la santé...)
A bientôt !