Clothilde disposait une table pliable face à une nature éclatante de lumière. Elle déroula ses plans, glissa ses mains sur ses croquis, puis leva le nez. L ’immense Mas qu’elle prévoyait de construire se dessina sous ses yeux émerveillés. À quelques mètres de l’étang transparent où les poissons rouges, or et argent ondoyaient et formaient des ondes à la surface de l’eau, la femme rêvait à son ascension. Le liquide clair présageait un avenir prospère. Les cailloux disposaient en son fond répercutaient la lumière des rayons solaires, faisant miroiter la surface. C’était divin tout ce vert, ces belles plantes, ces primevères décorant le bord, ces balsamines enlaçant quelques rochers, ces arbres variés et fleuris. On pouvait reconnaître les Chionanthus plantaient le siècle dernier par un maire qui prônait la beauté naturelle. Les Cormiers centenaires, les Halesias, les Saules éparpillés en arrière de ce sanctuaire vierge de cruauté et les Gainiers silicastres dont les bourgeons violets retenaient l’œil et emballaient le cœur des arboriculteurs, écartaient leur branche vers les cieux.
— Ça n’donne pas envie de travailler, s’éleva la voix d’un des vingt boucherons requit pour déboiser l’emplacement du nouveau club de vacances luxueux.
Son collègue contempla les oiseaux et écouta leur chant, attentif au bruissement pittoresque qui bombait l’âme et élevait les esprits. L’homme contemplatif posa sa main sur l’arbre le plus proche et il ferma les paupières, se recueillit un instant.
— C’est bien parce que j’ai besoin d’argent que je fais encore ce métier. Ah ! Si ce n’est pas malheureux de détruire pareil paradis. Et pourquoi ? Pour divertir quelques riches et leurs mioches. Les temps moraux sont passés, nous revoilà dans les idéaux d’un temps pas si éloigné que nous le pensions. Le vingt-et-unième siècle n’est pas si loin. Les machines nous remplaceront dans peu de temps… Elles le font déjà.
— Je suis d’accord avec toi, continua l’autre en caressant le tronc de l’orme.
Sur l’écorce, un tracé jaune. Le tatouage se multipliait. Plus d’une centaine d’arbres condamné à périr pour un peu de divertissements. Voilà ce qu’étaient redevenus les hommes, des êtres ennuyées par des parterres de fougères. Les balades en forêt cédaient sous les romans d’actions, les livres succombaient devant les postes de télévision toujours plus nombreux et désormais la verdure s’éteignait. Elle n’était plus au goût du monde. Tout redevenait si sombre. Bientôt, toboggans, terrains de tennis, spa et autres divertissements remplacerait cette oasis de bien-être.
— Toujours pour les mêmes, marmonna un vieux bûcheron.
Entre ses deux collègues, il fixa la directrice des opérations, l’architecte Clothilde Bichégaré. Il la toisa, crispa ses doigts sur le manche usé de sa plus fidèle hache et grommela des insultes. Les deux autres haussèrent leurs sourcils, bien obligés de donner raison au vieillard. Mais était-ce la faute de cette femme si tout foutait le camp ?
— Après tout ce n’est pas de son ressort. Ce n’est pas elle qui a choisi la parcelle, expliqua un nouvel arrivant, plus petit, mais mieux fait que ces camarades.
— C’est à voir. Regarde-là ! Comment peut-elle être insensible à tout ça ? Pourquoi demander à couper toute cette flore, alors qu’elle pourrait fourrer le Mas en face, et le reste entre les arbres, plus loin là-bas. Il y a des espaces suffisamment larges, sans pour autant qu’on touche à ces grands enracinés, grogna le vieux.
— Hum ! Je suis d’accord avec Victor. Les constructeurs lui ont laissé carte blanche. Elle a décidé de couper, plutôt que de sauvegarder.
— La facilité, s’indigna le plus grand et le plus costaud de la bande. Clothilde, j’la connais depuis gosse, elle ne fait rien comme les autres. Elle est capable du pire. Je me souviens quand on avait dix ans, sa mère était occupée avec les quatre derniers, de ses douze enfants. Clothilde l’appelait, encore et encore, pour qu’elle regarde son beau bouquet, mais sa mère, ne sachant où donner de la tête, l’avait ignoré. La gamine avait alors poussé un de ses frères dans le lavoir. Le petit se débattait dans l’eau savonneuse, quand enfin la mère le remarqua et alla le pêcher. L’enfant cracha l’eau et Clothilde montra son bouquet à sa mère, indifférente à l’état de son frère… Ce jour-là, j’ai compris qu’il y avait quelque chose de sombre chez elle.
— Luc a raison. Clothilde est assez indifférente à tout. La solitude ne l’a pas loupé. Je l’ai toujours trouvé trop triste, trop seul. Personne ne s’occupait d’elle, hormis la vieille architecte de notre quartier, enchérit l’autre. Elle ne voit pas comme nous. Elle ne voit plus comme nous, depuis bien longtemps.
Les hommes se tournèrent tous vers la trentenaire perdue entre angles et fenêtres qu’elle imaginait. Clothilde déroulait encore et encore ses plans alors que les pelleteuses cheminaient dans sa direction. Le travail allait commencer. Les moteurs rugissaient. Un coup de sifflet scinda le lieu. L’architecte envoya les ordres avec des petits drapeaux pour prévenir les travailleurs les plus éloignés. Crier ? Trop peu pour elle.
La brunette attrapa un tissu rouge et l’agita. Ses lèvres s'étirèrent. Un sourire satisfait apparut.
Voilà, le projet que j'attendais, pensa-t-elle.
Les bûcherons se placèrent devant les arbres, arme en mains. Les genoux fléchis, le dos droit, les bras arqués, ils se tenaient prêts à en découdre. Un nouveau sifflement retentit. Plus aigus. Aussitôt, les coups de hache résonnèrent et les écorces se craquelèrent. Les mouvements de chacun se synchronisaient. C'était un peu comme une danse répétitive et épuisante. Une danse qui aspirait la vie aux êtres de sèves.
Les troncs saignaient et les grands enracinés rugissaient dans leur langage immémorial.
Les oreilles humaines n’entendaient guère les hurlements atroces des végétaux. Ils avaient perdu, depuis bien longtemps, leur âme animale. Une barrière invisible s'était glissée entre eux et le reste de la vie. À contrario, la faune sauvage, fuyant le site, pleuraient. Des petits cris s’étendaient de toute part, sans pour autant ébranler les travailleurs concentrer sur leur œuvre.
Les oiseaux partaient à tire d’aile vers une sapinière plus loin. Ils se posèrent sur les hautes branches, impuissant face à leur habitat détruit. Leur cœur pulsait dans un même rythme. Les rongeurs et les reptiles effrayaient par les tremblements de la terre, les rejoignirent. Le sol céda sous l'assaut des pelleteuses. Les becs mécaniques l'éventraient sans émotions. Tout devint sombre pour le règne animal. Pourtant, des mètres plus loin derrière eux, dans l'ombre de grands cèdres, une rivière coulait sans crainte. La vie se poursuivrait alors qu'ici tout se terminait.
Les machines saccageaient la terre, écrasaient les fleurs. Les lames, ensanglantées de sèves, mordaient les troncs, encore et encore.
Les arbres meurtris hurlèrent de plus belle, s'arrachant la voix. Leur corps s’échoua dans des sonorités mates.
Dans tout ce tohu-bohu, une détonation déchira le ciel. Un coup de feu fut tiré. Une fumée blanchâtre se dégagea des canons, et une cartouche tomba au pied d’un jeune homme. Il se tenait devant l’étang le fusil à la main et rechargea son baril, puis pointa l’arme vers Clothilde.
Toujours épanchée sur ses plans, elle restait indifférente au silence qui régnait. Le bruit assommant et martelant des moteurs et des haches avait cessé sur l’instant.
Elle traîna son doigt sur l’esquisse d’un des murs porteurs, s’appliqua à retracer la toiture. La femme peaufinait les détails, puis sortit un cahier où elle dessina les modifications de la porte d’entrée, puis revérifia les distances, quand enfin, elle redressa la tête et visualisa le jeune homme.
— Je déteste les personnes telle que vous, cri-t-il afin qu’elle l’entende.
Les traits de son visage colérique se crispèrent. Il capturait le regard de la femme, se voulait terrifiant, mais n'en tenait pas long. Jamais il ne se serait cru capable d'un tel acte. De tenir un jour, une arme, même factice, pour protéger un lieu dont il n'aurait eu que faire avant l’incident qui bouleversa sa vie.
Clothilde, il la connaissait comme étant la femme la plus hautaine qu’il ait pu rencontrer à Claire-de-Lune. Il en avait entendu parler par un ancien ami maçon, l’avait rencontré quelques fois au hasard, lorsqu’il visitait la ville et l’apothicaire chez qui il se fournissait en ingrédients. Rilieu lui trouvait de la méprise dans ses grands yeux brun, chocolaté et amers. Jamais un bonjour, à peine un merci. Clothilde se moquait du monde qui l’entourait. Il aurait pu avoir des cadavres sur son chemin qu’elle n’en aurait pas été toucher. À croire qu’on lui avait volé son cœur ou oublié de lui en confectionner un. Après tout, aurait-elle remarqués quoique ce soit autour d’elle ? On la disait perchée sur la lune et son tapis de nuages.
La trentenaire nageait dans ses idées. Toujours absente au monde qui la regardait. Son corps demeurait là, mais son esprit, lui, voguait dans un ailleurs invisible, éloigné de toute chose.
Cette végétation qu’elle détruisait, Clothilde la redécouvrait parce que Rilieu avait crié bien fort. Si puissamment, qu’il était venu l’extirper de son halo de sérénité.
— Pardon, vous disiez ? Je ne vous écoutai pas.
La femme menue, pas plus grande que deux pieds de vignes, planta férocement ses yeux dans ceux de Rilieu. Elle ne prêta pas attention au fusil pointé vers elle. Combien elle s’en moquait ! La peur lui passait au-dessus de la tête, et l’effroi qui aurait dû figer ses membres ne semblait ne jamais avoir existé.
— Dites à vos bûcherons et tractopelles de quitter ce lieu et partez avec eux.
Cette simple phrase, effanée par une voix grave et volcanique, prenait sa place dans ce tableau assombri par les sillons d’une terre souillée.
Rilieu demeurait déterminée à sauver l’espace amoché derrière lui. Ses jambes ne tremblaient plus. Ses pieds s'ancraient dans le sol et même le frisson qui grandissait le long de sa colonne vertébrale se tarit.
— Ecoute gamin, tu es bien mignon avec ton joujou et tes belles valeurs, malheureuse, je ne céderais pas sous le chantage.
— Voyez-vous un chantage dans mon geste ? Je ne vous échange rien. Je vous ordonne, gronda le garçon.
Son visage rougissait, ses doigts serraient si fort l'arme, que ses phalanges blanchirent.
— Avortons ! J’ai bien trop travaillé pour qu’un écologiste de ton genre vienne me broder sa façon de penser. D’ici deux à trois siècles, et je suis gentille, ton paradis vert deviendra si sec que plus aucune plante ne verra le jour. Le cycle de la nature sera intransigeant. Alors que ce lieu périsse maintenant ou plus tard, il est destiné à disparaitre. Laisse les grandes personnes travailler en paix. Ici, il y a des gens qui doivent de l’argent. Retirerais-tu le pain de la bouche à un enfant ?
— Vous voilà bien bavarde, vous qui ne respectez rien, ni personne. Et si je vous disais qu’ici, il y a un rosier bleu qui pousse ?
Les travailleurs s’étaient rapprochés pour écouter, d’autres pour arracher l’arme au blondinet. Beaucoup s’étaient retenu de rire face aux allégations du gosse. Un rosier bleu ? En voilà un qui lissait trop de livres, et qui avait confondu la réalité et la fiction.
— Je te donnerai la carte de visite de mon frère, il est psychologue. Il fait des prouesses avec certains de ses patients. Je crois que tu en as grandement besoin. Tu cherches peut-être ton chemin… Ton rôle à jouer. Va savoir ?
— Me prendrais-tu pour un fou ?
— Cela va de soi ! Tu pointes une arme et prônes qu’il y a un rosier à vœu dans le secteur. Avoue que n’importe qui te prendrait pour un illuminé. Maintenant, pars gamin. Je n’ai que faire de…
Elle ne termina pas sa phrase. Deux hommes sautèrent sur Rilieu et lui retirèrent son arme. Le premier tordit le bras au jeune homme, le second jeta le fusil dans l’eau. Le blond n'eut pas le temps de se retourner, de se débattre. Il était coincé et redevenait un être vulnérable. Clothilde retrouva son croquis de porte et un arbre s’échoua sur le sol emporté par le souffle d’un vent subit. Il y eut deux rafales, puis la brise printanière réapparut suivie de la reprise du chantier. Bien que l’arbre chutât à deux mètres d’elle, Clothilde ne broncha pas, ignorant à nouveau le monde. Les cris de Rilieu faisaient écho aux machineries et leur son fracassant. Il se débattait, enfin, s’indigna, n’y avait-il plus une seule âme dans ce monde pour écouter ce qu’il avait à dire. Il était certain qu’un rosier bleu poussait dans le secteur. Tout y était, comme dans le livre qu’il avait chiné le mois dernier. Tout, jusqu’au miroir du temps.
Cependant, on l’escorta et l’attacha à un arbre avant que l’on prévienne les autorités. Eloigné du chantier, il pouvait bien crier, personne ne l’entendait.
Clothilde poursuivit sagement son travail, sans prêter attention à autre chose qu’à ses plans. Elle jeta deux à trois œillades vers la fourmilière d’humain face à elle, puis attrapa son carnet de note, quand elle sentit une masse sous son pied. Elle tapota la forme moelleuse et inerte, puis pencha la tête sous la table, un oiseau était là, mal en point. La femme arqua un sourcil, puis posa sa semelle plus à droite, sur la terre. Elle se replongea sur son croquis, oubliant de lever le drapeau de la pause déjeuner. Ce fut le vieux Victor qui se déplaça jusqu’à elle et qui hissa le drapeau vert. Il lui jeta un simple coup d’œil et secoua la tête, irrité par son apathie. Lentement, il se courba pour frotter ses genoux usés par les efforts, quand, il avisa, au pieds de la femme un oiseau bleu. Un oiseau rarissime qu’il pensait ne plus revoir un jour.
— Un indigo à bordure noir ! s’étonna-t-il.
Victor s’agenouilla près de la table, tendit son bras, caressa les plumes et ramassa le volatil avec la plus grande délicatesse. Ses mains se fermèrent sur l’animal dont le pouls se mourrait à chaque respiration. Sa cage thoracique peinait à se soulever. Son corps demeurait mou, et ses paupières entrouvertes présageaient le pire. Le vieil homme plaqua l’oiseau bleu contre son torse, lui offrant la chaleur qu’il perdait seconde après seconde.
Clothilde arqua un sourcil, en observant le geste inutile du bûcheron, et dans un haussement d’épaule, elle déclara :
— Il va mourir, allez le jeter vers les fougères ou dans la benne à ordure. Cela ne sert à rien de perdre du temps pour cette bête. Elle est fichue.
Victor se figea, horrifié par les paroles de la femme. N’avait-elle aucun cœur ? Lui avait-on retiré et caché, peut-être jeté à la mer ? Le nez plié, le regard dur et empli de reproches, Victor grogna dans sa barbe. Il aurait voulu taper son poing sur la table et la faire réagir, lui cracher combien elle était cruelle, mais il garda le silence et le dédain qu’il ressentait envers elle.
Pauvre femme, pensa-t-il, saura-t-elle un jour, regarder autre chose que ses plans de carrière ?
Victor se détourna de Clothilde et emporta l’animal avec lui, serrant la mâchoire pour ne pas envoyer balader l’architecte. La sensation des plumes sur sa peau le fit frissonner. Comme elles étaient soyeuses !
— Allez ! Courage petit. Ça va aller, murmura le vieillard à l’oiseau bleu.
Il rejoignit ses camardes, caressant la bête, persuadé qu’elle recouvrerait des forces. Il l’imaginait juste assommé.
— Victor. L’oiseau saigne, lança Luc d’un air désolé.
Une tache rouge fleurissait sur le t-shirt du sauveteur et s’étendait comme une triste nouvelle. Elle s’élargissait à mesure que l’oiseau suffoquait. L’air lui manquait et Victor sentait les soubresauts de la pauvre bête. Le cœur battait encore, puis il s’arrêta tout net, laissant une vague d’indignation dans l’assemblée des bûcherons. Le corps plumé se refroidissait malgré les tentatives de Victor à le réchauffer. Il appuya sur son thorax, frotta, souffla dans son bec, encore et encore. L'oiseau se réanima.
Le groupe d’ami autour du vieux restait sceptique, mais l’un d’eux lança sur un ton désolé.
— C’est fini mon vieux. Il va périr. Il saigne de la bouche maintenant.
L’un des costauds creusa un trou à l’aide de sa hache, un autre cueillit de l’herbe et des fleurs, puis installa une couche colorait dans l’espace terreux.
— Qu’est-ce vous faites ? Il respire encore. Il faut l’emmener chez…
L’homme s’interrompit. Son teint pâlit. L’oiseau avait expiré son dernier souffle.
— Va, Victor. Le pauvre animal, laisse-le partir. Il sera mieux sous la terre.
— Tu ne sais pas ce que tu dis Marc. Ce n’est pas n’importe quel oiseau. Il s’agit d’un indigo à bordure noir. Un Espérance dans la langue populaire.
— Un Espérance ? L’espèce n’est pas éteinte.
— Peut-être bien que oui, maintenant.
Victor libéra l’oiseau de ses efforts impuissants et le posa sur la serviette qui retenait son repas.
— Je lui trouverais un meilleur endroit, sinon on sera tous maudit, déclara-t-il.
— Qu’est-ce que tu racontes ? C’est quoi ces histoires ? lança Marc incrédule.
— J’ne plaisante pas, gamin. Cet oiseau était dans l’arbre qu’on a abattu. Il est mort part notre faute.
— Victor, ce sont des histoires pour les enfants, avoua un quarantenaire, roux, aux traits doux.
C’était à se demander s’il n’était pas poète. La lumière baignait son faciès et sa voix chantante portait des notes délicates.
— De quoi vous jaquetez ? intervint Marc.
— D’une légende, commença le rouquin.
— Bah, développe.
— L’Espérance est un oiseau qui apporte la providence à celui qui lui offre son affection, cependant, il prévoit la mort à celui qui lui portera préjudice. Et celui qui l’ignorera, attention à la sentence. Enfin, des contes quoi…
— Mesure tes paroles, Hervé. Tu pourrais te retrouver bien mal dans quelques jours, s’il t’entend.
— Il est mort, Victor.
— Et que fais-tu de son âme ?
Les deux hommes se fixèrent, quand derrière eux, Clothilde se dégourdissait les jambes.
— Belle initiative de votre part d’avoir fait un tombeau pour l’oiseau, cependant, le drapeau est de nouveau rouge. J’aimerais que vous repreniez vos travaux. Merci.
Elle se détourna de chacun et marcha encore un peu, s’étirant, lorsqu’une voix murmura à son oreille : Comme tu as ignoré ma souffrance, celle de la terre et des arbres hurlants, je te maudis. Demain, à ton réveil, tu entendras la voix de l’univers et subiras la main de l’homme. Toi qui as fait détruire ma maison, apprends de tes erreurs. Toi qui as ignoré mon agonie sans me plaindre, chantes ta rédemption.
Clothilde marqua une pause, se tourna, regarda les environs, personne à moins de dix mètres d’elle. Est-ce que la fatigue des mois passés, à plancher sur ce projet, l’avait rendu paranoïaque ? Schizophrène…
Elle sourcilla, jaugeant l’espace autour d’elle, puis haussa les épaules. Ce soir, elle se coucherait plus tôt, voilà tout.