Un ami du père de Sélène venait de sonner à la porte. Il n’avait jamais été en fest-noz, étant originaire du Sud, alors quand Loïc lui avait parlé de celui-ci, avec une démonstration pour les débutants, il avait de suite accepté. Sélène et son père s’engouffrèrent seuls dans la voiture, rejoignant Etienne, leur ami. Coralie et Maëlys avaient attrapé une belle grippe, et Philomène devait rester avec elles deux à la maison. Mais ce fest-noz étant traditionnel à la famille Gavillet, les bien-portants n’avaient voulu le manquer pour rien au monde. De plus, ça faisait longtemps que Sélène n’avait pas dansé, et peu de jours avant, elle avait appris qu’un des groupes qui animaient la soirée était Trisk.
Ce petit groupe, composé de quatre personnes, un guitariste-chanteur, un violoniste, un percussionniste et une harpiste, n’était de loin pas inconnu aux Gavillet. Une fois, ils avaient lancé un défi à l’assemblée dont faisait partie Loïc : sur un plinn, celui qui sauterait le plus haut gagnerait un de leurs CD. Etant grand et plein d’énergie ce soir-là, il l’avait clairement remporté. Les musiciens et ses parents avaient discuté autour d’une bière à la fin, et le côté sociable de son père avait fait le reste. Au fil de la conversation, Loïc et Philomène apprirent que Marine, la harpiste, était en réalité la marraine de quelqu’un qui habitait le même village que le Gavillet : Léo. C’est comme ça que les Gavillet connurent les Sherwood. En sautant plus haut que les autres danseurs. En même temps que cette histoire, Philomène et Corine avaient sympathisé à l’arrêt de bus, et d’autres choses encore leur avaient permis de se connaître.
Une fois garés sur le parking, à Lorient, ils durent marcher cinq minutes pour atteindre la salle des fêtes. Il faisait chaud au-dehors, mais la salle était maintenue à une température agréable. Sélène ne savait pas si les Sherwood venaient, car Yves devait partir le lendemain en voyage d’affaires. Mais elle pouvait toujours espérer, car, d’après ce qu’elle avait compris, ça faisait longtemps que Léo n’avait pas vu sa marraine. L’initiation commença peu de temps après leur arrivée. Sélène ne dansa pas beaucoup, car elle connaissait la plupart des pas, mais elle s’amusa plutôt à observer les danseurs maladroits, exécutant non sans peine les mouvements.
A vingt heures tapantes, le premier groupe entama la soirée avec un andro. La ronde virevoltante était dirigée par son père, comme toujours : il ne pouvait pas s’en empêcher. En deuxième suivait Sélène, elle-même suivie d’Etienne. Vers vingt heures trente, son père lui proposa d’acheter une boisson et une crêpe. Beurre- sucre de préférence. Après ce repos bien mérité, Sélène lança à son père :
- Papa ! Je reviens dans cinq minutes.
- Où vas-tu ?
- Aux toilettes.
Ses dernières se trouvaient près de l’entrée. Il fallait sortir de la salle puis suivre un long couloir. Les femmes se trouvaient tout au fond à gauche. Elle s’humidifia la nuque puis retourna là d’où venait le bruit. La musique, le brouhaha incessant du bar, le claquement des chaussures des danseurs… Tout ça, c’était son univers à elle. Depuis toute petite, elle vivait dans les fest-noz, la musique bretonne et les danses traditionnelles. Sa mère avait renoncé à la Suisse pour vivre en Bretagne.
Ses parents s’étaient rencontrés au célèbre Festival de Lorient. Loïc avait demandé à Philomène si elle voulait bien danser avec lui, et elle s’était retournée pour savoir à qui il parlait. Mais à l’évidence, il n’y avait personne derrière. Un mot, une danse, des copains imaginaires, un camping, et le tour était joué. Sélène était née deux ans plus tard. Elle se trouvait maintenant dans la même ville, des années plus tard, à un simple fest-noz, à attendre son prince charmant à elle.
De plus en plus souvent maintenant, Sélène regrettait de ne pas avoir la même sociabilité spontanée que son père. Si seulement elle arrivait à délier sa langue, à ne pas rougir dès qu’elle parlait en public, à parler plus fort et plus haut avec les personnes qu’elle ne connaissait pas ! Depuis toute petite déjà, Sélène avait des problèmes sociaux. Elle ne s’en rendait pas compte, mais maintenant, au collège, la solitude lui pesait de plus en plus. Bien sûr, elle avait des amies en or. Sauf qu’il lui manquait quelqu’un comme elle, quelqu’un qui la comprenne.
Mais bon. Ce soir, Sélène n’était pas là pour se morfondre sur ses problèmes. Elle était là pour oublier, oublier ses soucis, oublier l’école, ses amies, tout, jusqu’à même son prénom. En revenant dans la salle, elle ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil vers la porte. Peut-être les Sherwood arriveraient-ils maintenant ? Leurs silhouettes familières se pointeraient à l’entrée. Et surtout… Sélène aurait pu s’approcher de Léo avec une très bonne raison. La danse. Même si ce n’était que pour un court moment, comme un cercle circassien, même s’il n’y avait aucune trace d’amour entre eux. Elle aurait pu danser avec lui, et rien que pour ça, Sélène aurait été aux anges.
Sauf que plus la soirée s’écoulait, plus l’espoir de Sélène s’évanouissait. Elle était sans doute allée plus de fois aux toilettes ses trois dernières heures que durant la journée complète. Uniquement parce que les toilettes restaient l’excuse parfaite pour s’approcher de la porte. Cette porte si précieuse, d’où jailliraient peut-être des Sherwood échevelés d’avoir trop couru pour louper le moins possible de fest-noz. Trois heures environ après l’ouverture des danses, une sorte « d’entracte » s’imposa pour que Trisk, le groupe tant attendu par Sélène, puisse s’installer correctement sur scène. Une deuxième crêpe fut mangée par la jeune danseuse. Plusieurs jeunes de son âge dansaient aussi bien qu’elle, se mêlant aux adultes. Sans doute des habitués comme Sélène.
Un garçon l’invita pour une valse. Assez grand, blond, il dansait comme un dieu, et Sélène passa un super moment, mais il n’était pas Léo. Son cœur, dont Léo occupait toute la place, ne pouvait héberger deux hommes. Un regain d’espoir l’avait prise quand Trisk avait commencé à jouer par un hanter-dro. Même en allant souvent aux toilettes, elle ne vit personne qu’elle rechercha.
Ainsi s’écoula ce fest-noz, si souvent regretté par Sélène. Si seulement les Sherwood avaient été là, elle aurait pu lui avouer sa folle passion, à lui, à Léo. Mais, en ce 25 mai 2014, le destin en décida autrement, uniquement contre l’insignifiante petite Sélène Gavillet.
Ci-dessous mes remarques sur la forme :
Sélène et son père s'engouffrèrent => je suggère un nouveau paragraphe vu qu'on passe du plus-que-parfait à l'action immédiate.
Etienne (toutes les occurrences) => Étienne (Alt + 144)
Etant grand => Étant
le même village que le Gavillet => les Gavillet
A vingt heures => À
Beurre- sucre => supprimer l'espace après le tiret
Ses dernières se trouvaient => Ces dernières
ses trois dernières heures => ces
elle ne vit personne qu’elle rechercha => recherchait ?
Ensuite, le moment où Sélène décide d'aller aux toilettes pour la première fois est un peu gênant, insistant. Elle "lança à son père" quelque chose, on s'attend à une phrase importante pour couper toute une description sans dialogues (surtout qu'elle crie "Papa !" avec un point d'exclamation), et au final on a trois tirades très banales sur le fait qu'elle va aux toilettes. C'est plutôt adapté quand la personne ment et que les toilettes sont un prétexte, ce qui était voulu visiblement, mais ce n'est dit que trop tard, bien plus loin. Il faudrait soit remonter l'explication sur le fait qu'elle espère croiser les Sherwood, soit transformer ce dialogue qui sort de nulle part en narration anodine, du genre "Après ce repos bien mérité, Sélène se rendit aux toilettes. Ces dernières se trouvaient près de l'entrée / Sélène se rendit aux toilettes, qui se trouvaient près de l'entrée."
Désolée d'avoir répondu si tard, je suis un peu débordée en ce moment.
Je suis contente de recevoir un nouveau commentaire de ta part, ils me montrent des aspects du roman qui ne fonctionnent pas et que je n'avais pas réellement remarqué, comme je l'ai déjà dit pour ton premier commentaire. Je changerai aussi la manière d'aborder l'épisode des toilettes. Et peut-être, en effet, se rendre dans l'entrée... ? Je me demandais aussi comment tournerais l'histoire si les Sherwood se pointent finalement au fest-noz. Peut-être seulement les parents de Léo, tiens. Je viens d'y penser.
Pardon, je m'égare. Je prends bonne note de toutes tes remarques.
Encore merci pour tout, tes commentaires me sont tellement précieux !
Bien à toi
A.
J'apprécie toujours ton style et ton histoire, mais ici encore une fois plus de détails à certains moments n'auraient pas été de refus.
Mais c'est vraiment très bon pour de premiers écrits ! Je me rappelle que mes premières phrases étaient bien loin de ce niveau ...
Ne lâche rien !
Vous parlez des soucis de votre héroïne sans les avoir évoqués auparavant. Ce chapitre est un poil court et plus de détails seraient les bienvenus. La scène de la danse méritait justement plus de détails.
Si vous en avez le courage, je vous demanderais de bien vouloir continuer votre lecture (sauf si bien sûr vous en avez marre, ce que je comprendrais parfaitement). Vos conseils me sont précieux, vous ne vous rendez sans doute pas compte à quel point. Pour vous encourager, je peux vous garantir que mon écriture s'améliore au fil des chapitres.
Merci beaucoup pour toute votre lecture, et même si j'ai encore un millier de choses à améliorer, je compte bien les travailler une par une !
Bien à vous
A.
Bon courage pour la suite !
Cordialement,
Frèd