Trois - Camp de voile

Notes de l’auteur : Cacher ses sentiments envers quelqu'un peut entraîner des sentiments plus forts au fil du temps.
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En ce début de juin, l’école proposait chaque année à ses élèves de cinquième un camp de voile à Dinard. Il n’était pas obligatoire, mais tout le monde y participait sans se poser de questions, parce qu’il coûtait moins de cent euros. Sélène avait toujours eu du mal à quitter le cocon familial, mais cette expérience avec ses amies valait vraiment le coup. Durant ses trois premiers jours, elle s’était découvert une réelle passion pour la navigation. Sélène ne regrettait clairement pas de s’être séparée de sa famille pour ces cinq jours, du quatre au huit juin pour être précis. 

La porte de la chambre d’hôtel numéro 304 s’entrouvrit sur Norelia, une amie de Sélène. Elle était connue au collège pour ses grandes histoires d’amour, ou plutôt pour les potins que rapportaient ces dernières. Norelia n’avait pas été dérangée jusqu’à cette année, à l’arrivée d’un garçon prénommé Julien Prince. Un tombeur- BG d’après la plupart des filles. Norelia aussi était tombée sous le charme, contrairement à Sélène, probablement immunisée par son amour-folie de Léo. Le début de la cinquième était resté un véritable calvaire pour Norelia. Son cœur avait oscillé toute l’année entre trois mecs, qu’elle avait finis par oublier ou plaquer. Julien, un certain Yohann, aussi récemment arrivé à Quiberon, et… Léo. Oui, Norelia était, et demeurerait toujours, l’ex de Léo. Depuis le cinq décembre 2013, lorsqu’elle l’avait elle-même quitté après six longues années en couple.

Hormis Maria, la meilleure amie de Norelia, et Sélène, il n’y avait encore personne dans la chambre. Norelia fila sous la douche, ce qui avait déjà été fait par Sélène, et revint une quinzaine de minutes plus tard en training, les cheveux enrubannés d’une serviette. L’école avait cette année eu la chance de louer des chambres d’hôtel pour ses élèves. Elle passa devant Sélène, qui écrivait une carte postale pour sa marraine, et s’installa sur son lit avec un bon roman policier (d’après Sélène un très mauvais choix de lecture). D’une voix apparemment nonchalante, Sélène demanda à sa compagne de chambre qui est-ce qu’elle allait inviter à la boum de fin de camp, le lendemain :

- Oh, euh… J’aimerais bien que Julien m’invite à danser, mais je crois que je n’obtiendrai pas la moindre danse si ce n’est pas moi qui demande. Sauf que ce n’est pas vraiment à la fille de demander à l’homme de danser alors tu vois… Peut-être que Yohann m’en accordera une, mais je ne suis pas sûre de vouloir danser un slow avec lui. Et en plus, j’ai peur de blesser Léo encore plus que je ne l’ai déjà fait. Et je sais que lui et Yohann sont de bons amis, donc j’en ai aucune idée.

- Ah… D’accord.

- Moi je trouve qu’il ne mérite pas même une seule danse. De toute façon, c’est un vrai petit con… pardon Sélène, débile, intervint Maria, une italienne de sang pur explosive, mais après tu fais comme tu veux, ma bestie.

- Qui ça il ?

- Ben Julien… Remarque, Yohann ne vaut clairement pas mieux.

Sélène les laissa débattre cinq bonnes minutes sans parler. De toute façon, elle trouvait que ni l’un ni l’autre ne valait celui qui accaparait son cœur, en dépit de ce que pouvait leur trouver Norelia. Les mots s’alignaient sur sa carte postale représentant le port de Dinard. De travers, parce qu’elle n’avait pas de règle sous la main. Soudain, les mots brûlants de Norelia parvinrent à son cerveau, glaçant son sang jusqu’au cœur. Elle n’avait pas vu venir la question, loin de là.

- Et toi, Sélène, n’as-tu aucun secret à cacher ? Pas de mec en vue ? Tu sais, tu peux me le dire : je sais bien garder les secrets, il faut juste me préciser que c’est un secret important, parce que sinon je ne sais jamais quand est-ce que je peux parler sans risques.

- Oui, contrairement à moi ! renchérit Maria.

Dans ces mots si anodins, Sélène se sentit touchée par la sincérité de son amie. Elle ne se confia toutefois pas à Norelia, parce que Maria ne lui inspirait pas vraiment confiance. Elle répondit « non », comme à son habitude, sauf que ce jour-là, Sélène se promit que la toute première personne à qui elle avouerait son amour serait Norelia. Cette dernière était toute désignée pour assumer ce rôle, Sélène l’honorerait donc. Une autre camarade de chambre pénétra dans la pièce, stoppant net la conversation.

<3

Sélène entra dans la chambre 304. Elle était la première arrivée après avoir dîné en bas, à la cantine. Les autres ne tarderaient pas à venir. Cinq minutes tout au plus. Les profs leur avait à partir de maintenant laissé une heure au total avant de commencer la boum. D’après Sélène, certain ne venait que pour ça, et elle ne leur donnait pas tort. C’était un évènement tant attendu !

Pour les filles, une heure ne suffirait clairement pas. Elles avaient déjà commencé à se doucher, bien sûr, mais aussi à coiffer leurs cheveux, voir même les boucler. Pour Sélène et ses compagnes de la 304, elles avaient décidé de garder la surprise pour leur tenue et… leur maquillage ! Sélène avait emprunté une jupe noire à une de ses meilleures amies, Alya. Celles-ci étaient devenues très proches depuis qu’elles s’étaient retrouvées seules parce que leur meilleure amie avait déménagé. Avant cela, elles se détestaient toutes les deux !

Justement, Alya et Audrey s’engouffrèrent dans la pièce alors que Sélène s’habillait de noir. Ses trois-là formaient un magnifique trio d’amies depuis deux ans. Les inséparables. Audrey l’obligea à porter du maquillage en plus de son collier et du parfum : Sélène ne s’y opposa que pour la forme. En réalité, elle était enchantée que ses amies s’occupent autant d’elle. Les va-et-vient entre les chambres n’avaient jamais été autant intenses. Vernis à ongle, mascara, fard à paupières, rouge à lèvres, fer à friser… Sélène s’amusa à observer le monde s’agiter autour d’elle.

- Si vous êtes prêts, rendez-vous dans la salle commune !

Trois quarts d’heure plus tard, les profs s’étaient agités dans le couloir de l’hôtel pour que les élèves déjà prêts puissent se retrouver dans la salle Vivaldi, le « quartier général » du collège Sainte-Anne où avait lieu la boum. Alya, Sélène et Audrey s’y rendirent sans tarder, accompagnées de Norelia. Arrivée en bas des quatre interminables escaliers, elles se retrouvèrent nez à nez avec le mec d’Audrey, Jonathan, qui l’attendait tranquillement. Ce dernier restait depuis l’enfance le meilleur ami de Léo, et depuis quelque temps, il incarnait aussi le rôle de petit ami d’Audrey.

Quinze minutes plus tard environ, tous les élèves s’étaient rassemblés en bas. Déjà de la musique avait mis l’ambiance, mais la vraie boum commença à ce moment-là. Musique, boissons bonbons, terrasse accessible à l’extérieur, tout demeurait parfait. Mais mieux encore, il y avait les choses plus subtiles qu’une personne extérieure aurait eu du mal à remarquer. LA musique de la semaine, Ne reviens pas de Gradur, passait en boucle dans les amplis ;  les slows rendaient bien plus d’un aux anges, et la terrasse donnait sur la baie de Dinard. Les couples se cassaient ou se créaient dans un fracas étourdissant, ou alors jetés dans les bras l’un de l’autre par leurs amis, ce qui fut le cas d’Audrey et Jonathan, par exemple. Certain menait la ronde, d’autres se faisaient plus discrets au bord de la piste de danse. Les tubes traditionnels tels que la Macarena, la Chenille, Chante ! des Forbans, ou A la queue leu leu. Au milieu de la soirée, les profs demandèrent le silence à l’assemblée, choses non aisée à travers le brouhaha environnant.

Peu à peu, le silence se fraya pourtant un chemin dans la foule d’élèves ; ils s’assirent alors sous les ordres des profs. Ces derniers voulaient faire la remise des prix du concours de vitesse de voile en solo. Ils commencèrent par les filles, depuis la dernière place pour remonter. Quelle ne fut pas la surprise de Sélène quand elle entendit son nom pour le meilleur temps ! Visiblement, elle s’était déniché un nouveau passe-temps, la voile. Les acclamations de ses amies lui rendirent juste assez de lucidité pour se lever et aller chercher son prix, et monter sur le podium de fortune que les moniteurs, appelés mono, avaient décidé de fabriquer tant bien que mal. Elle se redressa en montant sur ce petit promontoire, se sentant fière d’avoir remporter la victoire. Sélène embrassa la foule du regard, et elle s’arrêta un bref instant sur celui qu’elle aimait. Grand, aux cheveux noirs, à la mâchoire virile, aux yeux bruns pétillants, Sélène se rendait maintenant compte que l’homme de sa vie semblait tellement évident…

Les profs la renvoyèrent s’assoir après avoir reçu son prix. C’était au tour des garçons. De nouveau, le dixième, le neuvième, et ainsi de suite… jusqu’au premier. Ils n’eurent même pas besoin de dire son nom, parce qu’il était hurlé par tout le monde à travers la pièce : « Léo, Léo, Léo ! ». Ils avaient raison. En se levant, Léo se fraya tant bien que mal un chemin entre les élèves, passant si près de Sélène qu’il lui fit un courant d’air, l’effleurant presque. A ce moment précis, elle se rendit compte qu’il n’évoluait pas seulement dans ses rêves, mais aussi dans la société : Léo restait un meneur d’homme, quelqu’un de populaire, un centre de gravité. Sélène entendait par là que si on s’approchait de lui, impossible de s’en détacher. Ce soir-là, elle comprit qu’il existait l’amour, et l’Amour. Le premier pour sa famille, ses amis, les petits copains de passage ; et l’Amour, le vrai, qui n’arrivait qu’une seule fois dans la vie. La véritable âme-sœur.

Les danses reprirent, avec en premier Ne reviens pas. C’était des paroles immondes, mais sa popularité au collège la rendait supportable. Sélène était en nage après avoir tant sauté et dansé, et ce malgré les ventilateurs à plein régime. Elle s’était vite rendu compte qu’elle n’affichait pas la même personnalité si Léo demeurait dans les parages. Sélène devenait plus ouverte, plus enthousiaste, plus motivée, plus parfaite. Sans le vouloir, elle le draguait, en quelque sorte ; Sélène essayait de lui ressembler, inconsciemment. Quand elle fut à bout de souffle, un slow surgit des amplis pile au bon moment. Une chanson douce, limpide, lourde d’émotions et de sens. Cette chanson, le slow le plus connu, était triste. Juste triste, si on prenait la peine de traduire les paroles, comme l’avait fait Sélène. Et d’ailleurs… elle venait d’apercevoir que Léo, eh bien, était en train de danser. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle reconnut une de ses amies dans ses bras !

Sélène n’était pas du genre rancunier. Sur le moment, elle reçut un coup au cœur, sachant pertinemment qu’elle aurait voulu être à sa place, dans les bras de son « namoureux », comme aurait dit sa petite sœur Maëlys si elle avait été là. Sauf qu’avec un minimum de recul, et une incroyable certitude, elle pensa qu’il finirait forcément par tomber sous son charme. Dans son esprit, c’était sûr, limpide comme de l’eau de roche. Quelle naïveté ! Si elle avait su…

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Tizali
Posté le 12/02/2024
Bonjour, un peu plus de mouvement dans ce chapitre et un suspense lié au fait que Léo va la voir toute belle à la boum, mais toujours une envie de plus puisque l'héroïne n'obtient décidément aucun rapprochement avec lui et qu'on ne sait pas à quoi s'attendre pour la suite. Les dernières phrases semblent d'ailleurs indiquer qu'elle n'est pas près de se rapprocher de lui, ce qui est plutôt inquiétant xD J'ai un peu peur qu'une bonne partie de l'histoire ne fasse que mentionner le fait qu'il lui échappe, sans jamais aucune interaction avant la toute fin. C'est malheureusement ce qui fait lire, le fait qu'on nous donne des petites choses à grappiller au fil de l'histoire. Donc attention à ça !

Ci-dessous mes remarques sur la forme :
pour ses cinq jours => ces
Un tombeur- BG => supprimer l'espace après le tiret ou supprimer le tiret
trois mecs, qu'elle avait finis par oublier => fini
ce qui avait déjà été fait par Sélène => maladroit, ça ne reprend pas correctement le reste de la phrase. "comme Sélène avant elle" ? Sinon, faire en deux phrases ?
L’école avait cette année eu la chance de louer des chambres d’hôtel => bizarre, l'école a la chance de "pouvoir" louer. Ou les filles ont la chance que l'école ait loué.
Sélène demanda [...] qui est-ce qu'elle allait inviter => redondant entre "qui" et "est-ce que" (ça passe mieux dans un dialogue, pour du langage oral) => "qui elle allait inviter"
mais après tu fais comme tu veux => Commencer une nouvelle phrase, sinon c'est la suite de "pardon Sélène, débile"
Soudain, les mots brûlants de Norelia => répétition avec "Les mots s'alignaient" juste avant
Les profs leur avait à partir de maintenant laissé => avaient
certain ne venait que pour ça => certains, venaient
un évènement tant attendu => événement avant la réforme de 1990 (il faut faire tout avec ou tout sans, la plupart font sans, à toi de voir ce que tu préfères et ne plus changer)
Celles-ci étaient devenues très proches => on parle d'Alya, et juste après le pluriel est utilisé, ce serait plutôt "Celle-ci était devenue très proche d'elle depuis qu'elles etc." On ne comprend pas du tout que Sélène est compris dans le "celles-ci"
Ses trois-là formaient => Ces
Arrivée en bas => Arrivées
boissons bonbons => Il manque sans doute une virgule ?
les slows rendaient bien plus d’un aux anges => maladroit, inverser les sujets ? "Plus d'un danseur était aux anges pendant les slows" ou quelque chose comme ça ?
ou alors jetés => ça reprend "se cassaient ou se créaient", il manque l'auxiliaire => "ou alors étaient jetés"
Certain menait la ronde => Certains menaient
A la queue leu leu => À
choses non aisée => chose
Peu à peu, le silence se fraya => répétition "silence" avec la phrase juste avant => "il se fraya" ?
d’avoir remporter la victoire => remporté
A ce moment précis => À
coeurfracassé
Posté le 16/02/2024
Rebonjour !
Je viens de relire attentivement ton commentaire, comme toujours très utile.
En effet, tu as vu juste sur le fait qu'il lui échappe sans cesse, mais qu'il ne se passe pas grand chose d'autre... Le but, au départ, était de montrer justement que son amour grandissait de plus en plus, sans qu'il n'y ait aucun retour. Elle l'aime, n'ose pas l'approcher, mais elle l'aime encore plus en le voyant au loin... Je crois que cette boucle fonctionne sur un chapitre mais pas beaucoup plus... Heureusement que tu es arrivée pile au moment où je commence la réécriture, car je serais passée à côté de ça sans toi ;-)
Ici, je pense que durant la boom, je vais lui faire tenir la main de Léo une fois ou l'autre. Se rapprocher, sans lui parler pour autant.
Je ferai aussi attention aux petites remarques sur la forme.
Merci pour tout !
Bien à toi <3
A.
Tizali
Posté le 16/02/2024
Pas de souci ^^ en fait, je pense que l'amour grandissant marcherait bien s'il y avait une intrigue secondaire qui nous occupe et nous intéresse, et que son envie de se rapprocher de Léo soit mentionnée par-ci par-là. On pourrait patienter plus facilement comme ça. C'est clair que c'est plus réaliste raconté comme tu le fais, mais on peut rarement se permettre un réalisme complet dans la fiction ^^
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