Deux lunes

Depuis si longtemps j’attendais ce vertige,
De me sentir à nouveau voyager,
Le nez entre les pages,
Vers de lointaines contrées,
Plus torturées encore que la vie quotidienne,
Mais toujours plus vivantes que la mort qui m’habite.
Un ailleurs magnifique,
Où je vis d’autres vies que la mienne insipide,
Là où la quête est d’encre,
Et le silence est roi.

J’attendais ce moment,
Où mon corps a si mal, mais je ne le sens plus,
Où mon âme rêve si fort, que je suis partie loin.
Ce pouvoir de la Plume,
Qui me fait ressentir en plus vrai que nature,
Le froid contre ma peau en cette journée si chaude,
Ou le bruit de la pluie alors qu’il fait soleil.
Cette magie d’arpenter par le cœur et l’esprit,
Des terres qu’on dit fictives, mais sonnent pourtant si vraies.

J’attendais ces rencontres,
Ces amis de papiers qui me suivront longtemps,
Ceux qui ont tout perdu, mais qui avancent quand même,
Ceux à qui je m’accroche quand je suis dans le noir,
Quand j’affronte le monde seule, mais plus vraiment si seule,
Ceux qui montrent la voie.

J’attendais le tourment,
De mon cœur qui s’emballe,
Des larmes qui coulent à flots et de la rage au ventre.
Même les instants d’effroi, ça en valait la peine,
Pour plus tard découvrir,
Un soupçon de chaleur, ou même d’émerveillement.
Pour me sentir vivante, je crois, tout simplement.

J’attendais la promesse,
De grands nœuds au cerveau,
Errer sans trop savoir où j’ai bien mis les pieds,
Être surprise, souvent,
Me laisser prendre au jeu,
Et embarquer, surtout, dans de grandes thématiques,
Qui vont gratter mes failles,
Me retourner la tête.

J’attendais un périple,
A en perdre les mots,
Puis de les rattraper pour en faire des poèmes.
D’ouvrir les yeux en grand,
Et être éblouie par des images si puissantes,
Que mes dessins ne les capturent qu’à demi,
Mais je les fais quand même.

J’attendais cette flamme,
Cette lueur disparue qui m’anime à nouveau.
Celle qui brille de mille feux et me pousse à sortir,
A hurler à la foule,
En tout temps, en toute heure,
Mon bonheur de lecture,
Et invite à me suivre, à plonger dans les mots,
Car la vie est si belle, quand on lit et qu’on aime !

Alors, aujourd’hui, je ne sais plus très bien,
Si je vis pour te lire ou si je lis pour vivre,
Mais j’ai trouvé tout cela et même bien plus encore,
Le jour où j’ai posé,
Mes yeux sur tes histoires,
Adopté les deux lunes.