On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
Les tilleuls bordent la promenade
et dans leur feuillages s'illuminent
les guirlandes éclatantes
Se reflètent dans les verres de bière
Se reflètent dans les rires sonores et les sourires de désir
Se reflètent dans les regards langoureux
sur les peaux brillantes, les gestes amoureux
On a dix-sept ans et on est grisé
De beauté d'été et d'alcool
C'est un vent frais, senteur d'humus
Qui vous pousse hors de la fête
Pour un répis, sur un coup de tête
On avance entre les troncs moussus
Quand passe, dans un rayon de lune,
derrière une rangée d'ifs,
un éclat fugitif -
Un visage embrumé, un visage oublié
Une figure du passé qu'on croyait effacée
Ce sont les traits, ce sont les joues
Ce sont les boucles salées de ce petit être
Qu'on appelle l'Enfance.
Il vous regarde de ses grands yeux ronds
Détaillé votre vêture, admire votre stature
Et ébloui de cette apparition
On laisse échapper le verre de bière
Qui se répand et imbibe la terre.
Le minois enfantin de ce lutin
Vous interpelle-t-il, vous effraye-t-il ?
On a dix-sept ans
On sort fêter à la nuit tombée
On danse avec les filles et avec les garçons
Et on se saoule
On se veut grand, quand on a dix-sept ans
Mais on oublie trop rapidement
Nos rêves d'enfant, nos espoirs d'adolescent
Ces mirages ces émois et ces amitiés
Ont-ils été emportés
Par le souffle du temps ?
Ce petit être entre les ifs
Au visage nimbé d'argent
Vous regard et vous attend
Il espère de vous
Non pas un geste, un pas ou une parole
Mais un regard profond comme une mer
Un regard qui dira : je me souviens.
Alors c'est lui qui viendra à vous
Vous prendra la main et vous dira :
"Garde en mémoire
Tes émois enfantins
Et garde au fond du cœur
Un rêve d'espérance. "
On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans
Un soir on s'éloigne un peu des bruits de la fête
Et on tombe nez à nez
Avec ce que l'on avait oublié.
Sa main menue est dans la votre
"Allons !"
Aux rêves d'enfants
Succèderont les actions des grands.