Durant une nuit froide et glaciale, une seule chose trottait dans l’esprit d’Anaïca. Rendre le mal pour le mal. Avec raison. Dans sa vie perpétuelle, elle était jugée comme quelqu’un de pas très spéciale. Elle était étudiante à l’école secondaire de Saint Marie-Lou, en Abitibi. Une ville très peu côtoyée par les gens des grandes villes. Pourtant, elle était à part de ses gens. Elle le savait. Elle n’avait jamais pu s’introduire dans le cercle d’amie des filles les plus populaires du secondaire. Faute d’avoir essayé. Cependant, elles avaient grandi ensemble et l’on pouvait même dire que pratiquement tous les gens de la ville se connaissaient.
Tout de même, ces filles n’en faisaient qu’à leur tête. Elle dominait l’école, les sportifs étaient à leur pied, les autres les enviaient. Anaïca, elle était leur souffre-douleur. Il n’y avait pas une journée qu’elle ne se faisait pas harceler par ces filles. Surtout par la chef de la bande, Alexandra. C’est elle qui orchestrait tout. Pour faire court, c’était la fille parfaite. Elle avait comme amoureux le capitaine de l’équipe de football, elle était danseuse de ballet et en plus de ça, la maudite était fortunée. Quant à Anaïca, elle était tout le contraire. Timide, il lui était difficile de s’intégrer. Surtout avec Alexandra dans les jambes. Elle la harcelait, l’intimidait, la rabaissait même en public. Pour quelle raison ? Tout simplement parce qu’elle n’aimait pas sa personne.
Un jour, elle lui avait dit que son existence était tellement insignifiante, qu’il aurait été mieux qu’elle ne soit pas née. Anaïca se sentait faible. Que pouvait-elle faire de plus ? Il n’y avait personne de son côté. Elle était seule et rejetée des autres, car tout le monde prenait le parti d’Alexandra. Acceptant son suicide social, elle se demandait si elle devrait aussi mettre fin à ses jours. Peut-être qu’Alexandra avait raison. Peut-être qu’elle était tout simplement une moins que rien. Elle était une perdante. Elle était un paria. C’est ce qu’elle se disait à journée longue. Le comportement de son opposante n’affectait pas uniquement sa vie à l’école. Elle perturbait aussi sa vie habituelle. Elle repensait sans cesse à ce qu’on lui faisait subir. Elle éprouvait une telle mélancolie. On pouvait dire qu’elle n’avait pas une jeunesse facile.
Toutefois, il y avait un jour où Alexandra avait dépassé les bornes. Oh que oui ! Elle avait commis un acte qui était impardonnable aux yeux d’Anaïca. Un acte qui n’avait pas lieu d’être et qui était parmi tous, inadmissible.
Cette journée-là, durant la pause de midi, Anaïca s’était dirigé vers les toilettes publiques de l’école, pour faire ses besoins. C’est alors que des filles sont entrées. Toujours assise sur la cuvette, elle entendit des voix qui l’appelaient.
— Anaïcaaaaaaa ? Ah, te voilà !
— Je suis occupée, répliqua-t-elle. Que me voulez-vous cette fois ?
C’est alors que la cabine de toilette se mit à trembler. De façon terriblement forte, cette fois-ci, elles étaient violentes. On pouvait croire que la cabine de toilette allait céder tellement que leurs comportements étaient agressifs. Subitement, tout d’un coup, plus rien. Aucun bruissement, aucune cabine qui tremblait. Toujours assis sur la cuvette, Anaïca se leva tranquillement pour regarder dans l’embrasure de la portière de la cabine, pour voir si ses assaillantes étaient toujours présentes. Elle l’ouvrit pour découvrir son pire cauchemar. Elles étaient toujours là. Rapidement, elle tenta de refermer la porte derrière elle pour les empêcher d’entrer, mais elles étaient trop nombreuses. Il fallut quelques secondes avant qu’elles arrivent à ouvrir la portière. Toujours debout, le pantalon baissé, Anaïca les implora.
— Laissez-moi tranquille, vous entendez ? Laissez-moi tranquille !
— Tu peux toujours rêver, lança Alexandra. Tenez là.
Les trois amis d’Alexandra maîtrisèrent Anaïca pour qu’elle ne bouge plus. Elles la misent à genou sur le sol, devant la cuvette.
— Mais qu’allez-vous faire ? déclara-t-elle en sanglot.
De concert, ce fut Alexandra qui décida d’enfouir la tête d’Anaïca dans la cuvette remplie de ses propres excréments.
— Non ! hurla-t-elle. Pitié ! Arrêtez !
— C’est tout ce que tu mérites, répliqua Alexandra, en riant. Tu n’es qu’une merde de toute façon.
L’eau de la cuvette noyait littéralement Anaïca dans l’inconscience. Elle cessa de se débattre. Elle se laissait littéralement faire. À quatre contre une, que pouvait-elle faire de plus ? Lorsqu’elles virent qu’elle ne bougeait plus, les filles décidèrent enfin d’arrêter leurs méfaits et se dirigèrent à l’extérieur de la toilette laissant Anaïca dans la honte la plus totale.
Quelque temps après, elle décida de se lever du sol. Elle avait toujours les larmes aux yeux. Elle se dirigeait vers la glace et se rendit compte de son état. Elle était dégoulinante de la tête au pied. Elle avait même avalé… Aussitôt, elle se retira l’image de ses pensées. Elle baissa sa tête proche du lavabo et tomba sur une brosse à cheveux. Celle d’Alexandra. Surement qu’elle l’avait oublié. Puis c’est alors qu’elle eut une idée. C’était à ses yeux l’une des meilleures idées qui ne lui avait pas traversé l’esprit depuis bien longtemps.
Elle décida de quitter l’école automatiquement, sans même prendre le temps d’amasser ses effets personnels, pour se préparer à réaliser sa tâche. Une tâche ardue, mais réalisable. Dans les circonstances du moment, c’en était même primordial. La revanche sera exécutée.
Cette nuit-là, assis dans la forêt, sur le sol enneigé, Anaïca avait apporté dans son sac à dos tout ce dont elle avait besoin pour concocter son envoutement. Pour commencer, elle sortit les aiguilles de son sac, par la suite, c’était la brosse à cheveux d’Alexandra et enfin, la poupée ballerine au regard et au sourire neutre.
Pour ce coup, elle savait exactement quoi faire. Sa grand-mère lui avait déjà tous expliqué. Au début, elle trouvait cela absurde, mais maintenant, elle croyait que l’instrument de ce désir était vital. C’était le seul moyen d’empêcher que son ennemie jurée ne recommence plus ces horribles actes envers elle. Faire un rituel vaudou pour incarner les esprits n’était pas des plus aisé. Il fallait ressentir des émotions fortes et vraies pour pouvoir les invoquer. Pourtant, tous ses sentiments, elle les avait. La haine avait envahi son cœur. Il était maintenant dans la noirceur des plus total. Elle repensait à tout ce qu’elle avait subi, la violence qu’on lui avait infligée durant toutes ces années. La laideur qui se retrouvait en elle, car en fin de compte, elle avait fini par les croire.
Donc, elle prit une mèche de cheveux de la brosse et entoura le cou de la poupée avec. Elle pointait le jouet du doigt pour qu’elle prenne possession du corps d’Alexandra et déclarant ces mots :
— Tu es Alexandra ! Tu es Alexandra ! Tu es Alexandra !
Elle ferma les yeux en invoquant les esprits du mal. Elle mit toute son énergie psychique dans la prononciation de ses mots.
— Esprits de vengeance. les « Loas », qui englobent le peuple de la terre, esprit de la mort, je vous incarne ce soir. Les « Loas ». Je vous incarne ce soir. Venez exécuter ma requête.
Avec rage, elle prit une aiguille et l’enfouit dans la cuisse de la poupée. Elle le fit avec une telle férocité, que l’aiguille traversa littéralement la jambe de celle-ci. Ensuite, elle en prit une autre et l’enfouit cette fois-ci dans le bras de cette dernière.
— Esprits noirs et occultes de la nuit, les « marassa jumeaux », force du mal, je vous incarne ce soir. Je nous incarne ce soir !
Elle prit une autre aiguille et avec colère elle le fourra dans la tête de la poupée. Subséquemment, elle attendit que quelque chose se passe. Rien ne se produit. Le silence total s’était enfoncé dans la forêt aride et réfrigérante. Alors rageusement, elle prit trois aiguilles d’un coup et l’enfonça en plein milieu de l’objet. Toujours rien.
— Mais je croyais… déclara-t-elle, détruite.
Agressivement, elle retira les aiguilles de la poupée et enterra l’objet dans la neige glaciale avant de s’en aller. Durant la route qu’elle avait entamée pour se diriger chez elle, une tristesse effroyable envahit l’esprit d’Anaïca. Demain encore, elle serait la proie à l’intimidation comme à l’accoutumée. Elle ne pouvait rien faire pour changer cela.
***
Le lendemain matin, elle apprit par le biais de sa mère une nouvelle des plus bouleversante. Partout dans les médias, il était question d’Alexandra, qui était morte de froid, dans son lit.
C'est du très bon travail en tout cas :D
Cette carte révèle une facette très intéressante de ta plume, et ô combien jouissive... c'est toujours un plaisir de voir les petits prendre leur revanche sur leurs oppresseurs, d'autant plus que l'aspect vaudou apporte vraiment quelque chose !
C'est une question de goût (donc bien évidemment à prendre ou à laisser), mais je pense que tes phrases gagneraient parfois à s'alléger, cela pourrait donner plus d'impact à tes mots. Rien de bien grave cependant, mais je tenais à le souligner !
Bravo et merci pour ce moment de lecture ♥
Le genre d’histoire que j’aime beaucoup. Une pointe de surnaturel mais pas trop. Le pire c’est que ce genre de harcèlement est très fréquent dans les écoles. C’est a la fois triste et horrible comme nouvelle.
Mais t’en mieux qu’elle ai réussi a se vanger.
Le coup des toilettes, j’ai préféré ne pas me l’imaginer, rien que l’odeur c’est trop pour moi !!
tout de même, merci beaucoup pour ton commentaire ! C'est vraiment apprécié :)
En dépit de quelques petites maladresses - qui se corrigeront très facilement avec une relecture -, ton texte est très réussi. C'est une très bonne interprétation de la carte. Bravo !
Bon moi il en faut beaucoup pour me choquer, donc ça va xD Mais ça reste en effet des thèmes très durs (surtout en ce qui concerne le harcélement).
J'ai vraiment préféré cette Nouvelle à la précédente (même si tu as des petits soucis de temporalité de ci-de là).
C'est agréable à lire puis bon... moi y'a du voodoo... je dis OUI au voodoo...
Ouf ! je suis contente que ça passe ! Merci du commentaire ! <3
Quelle bande de peta**** ces filles !
Et cette scène des toilettes... J'ai préféré faire comme ton personnage et balayer l'image que j'avais dans la tête !
La fin est bien amenée et cette fille n'a que ce qu'elle mérite !
Une chose m'a interpelé. Perso, jamais de la vie j'ouvre une porte des toilettes si mon pantalon est baissé 😅
OMG !
J’hésitais tellement à mettre l’histoire sur PA.
J’avais peur que ça choque un peu trop les gens, mais comme tu peux le voir, j’ai osé.
Du coup, merci énormément de ton commentaire. Cela me rassure et tu m’as redonné confiance ! Encore une fois, merci !!!! <3 <3 <3