Drame

Par Clara

5 ans ont passé. A part des bagarres d’ivrognes, aucun problème ne se profilait. Des jeunes femmes disparaissaient parfois ; tout le monde disait alors qu’elles avaient dû fuir avec un inconnu de passage qui leur aurait tourné la tête ou reçu une proposition d’emploi plus intéressante ailleurs. La seule chose étrange, c’est qu’une fois qu’on avait constaté et « expliqué » la disparition, on ne parlait plus de la jeune femme. Jamais. Les mères allaient jusqu’à nier l’existence de ces filles. Comme cela semblait normal, j’ai supposé que c’était une coutume locale, un moyen pour la communauté de surmonter leur départ.

Annette et moi étions toujours bons amis. Elle m’offrait des tourtes faites par ses soins quand j’avais des rondes de nuits, afin que je ne reste pas le ventre vide et que je profite d’un peu de chaleur, les nuits étant fraîches même en été. Elle avait pratiquement tous les gardes qui lui faisait la cour, mais les avait tous refusés ; elle m’avait dit qu’elle ne savait pas encore si elle voulait des enfants, ni même si elle voulait se marier. De mon côté, j’avais fini par réaliser que la seule personne avec qui je voulais partager ma vie, c’était elle. Mais je ne voulais pas troubler une belle amitié par un amour qui serait, j’en étais sûr, à sens unique.

Bref, la vie était belle. Mes frères et sœurs venaient me rendre visite, ou j’allais les voir quand j’étais en congés, et j’en profitais pour aider mes parents aux champs. J’étais heureux, je crois.

 

 Jusqu’à ce que ce soit Annette qui disparaisse.

 

Sa mère prétendit qu’elle avait reçu une proposition de travail et qu’elle était partie en plein milieu de la nuit, sans dire quoi que ce soit. Que c’était une petite ingrate et qu’elle était bien contente d’en être débarrassée.

 

Et du jour au lendemain, Annette n’était plus là. Comme si elle n’avait jamais existé.

 

Je ne pouvais pas m’y résoudre. Il y avait autre chose. Annette m’en aurait parlé, elle me parlait de tout. Alors je commençais à fouiller, à poser des questions. Mais je me heurtais à des murs. Sa mère me claqua la porte au nez, et menaça de me signaler au commandant si je continuais à insister pour savoir une vérité qui selon elle n’existait pas. Michel me rabrouait constamment « Pourquoi tu parles de cette fille ? Elle est partie et on ne la reverra plus. Tant pis pour elle ! Elle aurait fini vieille fille de toute façon. Allez, oublie-la ». Les cuisiniers, les domestiques, les palefreniers, les marchands, tout ceux qui avait connu Annette refusait de me répondre et me menaçait quand j’insistais.

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