Eireann • « Les pâquerettes de l'Amazonie »

Notes de l’auteur : CW • Discriminations

« Vingt minutes. »  Nivens ne nous a donné que vingt minutes pour nous préparer. Selon la lieutenante Mikhaïlovna, c’est beaucoup. Dans les vestiaires de l’armurerie, alors que j’enfile mon armure de combat, l’ambiance s’alourdit de plus en plus. Anastasia, à ma gauche, s’agite plus que d’ordinaire. Les lèvres pincées, inquiète quant à la stratégie – si on peut appeler ça ainsi – que j’ai pu élaborer, je ne m’empêche pas de l’interpeller :

— Lieutenante Mikhaïlovna ? Il y a un problème ?

Ses longs doigts se plongent dans sa courte chevelure blonde. Elle ne daigne pas me répondre, ceignant à sa taille la ceinture de son armure, dans laquelle elle y accroche plusieurs types de grenades.

— Il y a un problème avec ma stratégie ?

Un sourire, cette fois, elle ne me tourne pas le dos, mais l’absence de réponse m’inquiète ; mon cœur cogne avec fureur, tant et si bien que j’ai l’impression qu’il va quitter ma poitrine. C’est sans compter ma bouche pâteuse et les légers tremblements de mes doigts qui m’empêchent de mettre correctement une des boucles de mon armure du premier coup.

— Votre stratégie est bonne, aspirante, ce n’est pas le problème.

Son accent roule, sa voix chante, mais son sourire est faux. Des petites rides creusent son front, et quelques mèches les dérobent à ma vue. Ses dents pincent sa lèvre inférieure ; elle soupire, mais demeure silencieuse. Je m’interroge, fouille dans ma mémoire n’importe quelle information qui m’aurait échappée. Rien. 

Un mouvement à l’extérieur attire mon attention, et Sasha s’appuie contre le chambranle de la porte. Ses traits fins font de lui un homme agréable à regarder, quand bien même j’ai toujours une large préférence pour Ethan. Il me sourit, me salue chaleureusement ; le contraste entre son attitude présente et celle à sa sortie de l’IEV me rend mal à l’aise.

Sasha Iounevitch appartient à cette catégorie de personnes qui sont indéfinissables, parfois aussi incompréhensibles que ces œuvres d’art moderne. Si l’espace d’un instant, en le voyant, j’ai songé à la cruauté de Nivens, la chaleur dans sa voix, quand il m’a saluée pour partir au vestiaire après que la lieutenante lui ait dit qu’il partait en mission m’a plus que déroutée.

Ce qui me perturbe encore plus reste l’attitude d’Anastasia. Elle me fait l’effet d’une femme forte, qui n’a besoin de personne ni pour vivre ni pour se battre, qui fait fi de ce que l’on pense d’elle. Et là, je la trouve bien trop calme pour ça. Le silence m’a toujours mise mal à l’aise, alors je préfère me concentrer en inspectant mon ICP, comme s’il y avait soudainement quelque chose de bien intéressant :

— La navette est prête, aspirante, m’informe Sasha de sa voix coulante. 

Je pince mes lèvres ; je suis techniquement sa supérieure hiérarchique, là où Anastasia est la nôtre. Je me contente de hocher la tête pour le remercier, préférant le silence à l’inconfort de ma situation. Dans mon esprit, mon jeune âge et mon inexpérience m’interdisent d’être au-dessus de lui. Pourtant, même si je sais que je dois m’y faire, que c’est comme ça et pas autrement, ça coince. Alors, j’hésite. Et je préfère me taire.

— Vous pouvez m’appeler Sasha, aspirante. Leytenant sera d’accord avec…

— L’Amazonie, c’est la merde, coupe Anastasia.

Ça, je m’en doutais. Qu’il s’agisse de l’Amérique du Nord ou du Sud, de nombreuses zones sont parsemées des divers codes de danger ou de prudence. Seul le Brésil s’en sort relativement bien. Je soupçonne la présence de l’amiral Pereira au sein de l’amirauté de la Confédération d’être un large coup de pouce à cet effet.

Néanmoins, par égard pour la lieutenante qui sort de son mutisme, je me contente de l’observer.

— Vous vous rappelez quand je vous ai dit que vous risquiez de vous en prendre plein la gueule à cause de votre attitude ?

— Je me rappelle.

— Elle est là, la punition. L’Amazonie. Parce que Vénus, c’est pépère ! Quelques rondes de surveillance, un peu de discussion avec les touristes et les colons, et surtout, un petit quartier libre fort sympa. Vous êtes déjà allée dans les sources d’eau chaude de la plaine d’Atalante ?

— Non. Je n’ai que rarement quitté la Terre.

« Sauf pour aller sur Mars. » 

— Dommage, parce que c’est génial...

La voix de ma supérieure se fait lointaine, sourde ; mon esprit s’échappe de la réalité. Le souvenir de la planète rouge m’assène sans pitié que je n’ai jamais fait mon deuil. Les points serrés sur mes cuisses, j’inspire profondément, et refuse de laisser l’affliction m’envahir. Nous sommes sur le point d’aller en mission et Anastasia a l’air d’avoir des choses à dire concernant cette punition amazonienne. A-t-elle compris que je ne l’écoutais plus ? En tout cas, elle me jette une œillade qui ne trompe pas. « Putain de merde… » Toute l’angoisse que j’avais laborieusement réussi à verrouiller dans un coin de mon esprit menace de faire sauter mes barrières.

Mes poings se serrent encore un peu plus, et seul le cuir de mes gants protège mes paumes de toute blessure ; oui, j’ai merdé. Je n’aurais pas dû provoquer Cooper, j’aurai mieux fait d’en référer à Matiades, même si, rappelons-le, en tant qu’aspirante, je reste malgré tout la supérieure hiérarchique d’un quartier-maître. Sauf que je ne suis pas du genre à tendre l’autre joue sans broncher après m’en être pris une.

Les yeux bleus d’Anastasia ne trompent pas ; ils me hurlent à quel point j’ai sauté à pieds joints dans la merde. Je m’en veux. D’aucuns me diraient que c’est envers Nivens que je devrais avoir des griefs, et pourtant, c’est bien à cause de moi si on en est là. Et il m’avait prévenue ! « L’Enfer n’est rien à côté de ce qui m’attend. » La panique ne doit pas prendre le pas sur ma lucidité, surtout si la mission est aussi galère que la lieutenante ait l’air de le craindre.

— … On a une escouade équilibrée, aspirante, vous inquiétez pas, ça va le faire.

Je réalise que je n’ai pas entendu le début de sa phrase, bien trop recentrée sur moi-même. Une grave erreur qui pourrait me coûter la vie sur le terrain. Je détourne le regard. C’est ma faute, parce qu’Anastasia n’a pas à être punie à cause de moi, même si elle est ma « tutrice ».

Et cette mission aussi ! Me retrouver en plein cœur de la pampa, à chercher un crétin de diplomate qui a cru être plus fort que tous les cartels les plus violents réunis, ce n’était pas ce que j’espérais comme première mission ! Il a fait ça pour quoi ? Pour prouver que les Naturels équivaudraient un seul instant les Augmentés ? La blague. Ceux-ci nous crachent dessus sans vergogne et cet abruti nous décrédibilise encore un peu plus. 

Ma mâchoire se contracte, tant et si bien que mes dents crissent. Le son strident vrille mes oreilles.

— Leytenant a raison, aspirante. On a une bonne force de frappe au besoin. Et au pire, on va juste prêter renfort aux forces armées françaises. On ne sera pas en première ligne.

Ce n’est pas ça qui m’inquiète malgré tout. C’est ma première mission, ma stratégie et, pour ce qu’elle vaut, elle reste malgré tout risquée. 

J’attrape un fusil d’assaut et un autre de précision, quelques grenades aveuglantes. Je préfère ne pas répondre, tandis que je me replonge dans ce que j’ai décidé de faire.

Quand disparition il y a, on sait qu’il y a une latence de vingt-quatre heures durant lesquelles les chances de survie sont plus élevées. Ensuite, elles diminuent. J’ai jugé bon de réduire drastiquement cette possibilité ; la frontière entre la Colombie et le Brésil est une zone rouge et le transit terrestre y est fortement déconseillé, pour ne pas dire interdit.

Que ce diplomate ait choisi d’outrepasser des directives gouvernementales m’importe peu, mais sa survie optimale passe de vingt-quatre à huit heures, et sa disparition a été signalée il y a deux heures. « La zone de recherche s’élargit de minute en minute », songé-je alors que nous grimpons à bord de la navette. Si cette mission nous a été donnée, ce n’est que parce que nous sommes les plus proches et les moins occupés par rapport aux autres SSAS.

J’active machinalement mon ICP, dévoilant sous les yeux du reste du trinôme la carte de la zone. En bleu, un point signale la présence du camp temporaire des forces spéciales françaises. La ligne imaginaire séparant les deux pays brille d’un vermillon intense.

— Si Panoptès est responsable de la disparition de Beaupré, annoncé-je, les chances de survie sont basses, voire inexistantes. L’organisation cherche à éliminer le plus grand nombre de Naturels possible au profit des Augmentés. Beaupré est une anomalie dans notre système.

Ni Anastasia ni Sasha ne daignent dire quoi que ce soit. Parce qu’ils savent que j’ai parfaitement raison sur ce point. Songer aux maintes discriminations de ceux qui ont choisi de ne pas se foutre un implant subissent refait éclater la colère en moi. Je remue légèrement sur mon siège, un sentiment d’inconfort m’envahissant, comme si mon armure était trop petite. Alors qu’elle est faite sur mesure. Bref, ce n’est pas le sujet. La navette tremble un peu et quitte la soute de l’Alecto, rejoignant la noirceur de l’espace que je ne prends même pas le temps de regarder.

— Si c’est un cartel, une demande de rançon devrait arriver, intervient Sasha.

Anastasia secoue la tête et lève le nez vers le haut de l’habitacle de la navette.

— Il n’y a rien pour le moment. Les canaux sont silencieux.

— Pour le moment, admetté-je. On ne va cependant pas attendre avant de commencer à ratisser la zone. S’il y en a une, les Français seront tout à fait à même de s’en occuper. Nous, on ne s’en mêle pas.

— Sauf si c’est Panoptès ! s’exclame Sasha.

Oui. Si l’organisation à la plume de paon est derrière cet enlèvement, la Confédération a pleinement le droit d’agir. Elle supplante même toutes les directives militaires nationales et internationales. Je masse l’arête de mon nez, souffle, inspire.

— La zone circulaire est immense, et nous ne sommes que trois. Nivens avait suggéré qu’on se sépare, mais j’ai refusé.

Mon ICP affiche la zone supposée de la disparition du secrétaire. J’inspire profondément ; pour le coup, je me retrouve dans un domaine qui me correspond. J’aurais peut-être dû devenir logisticienne ou me cantonner aux stratégies.

— J’ai donc pris le partie de réduire le temps de recherche à huit heures.

— Pourquoi si peu de temps ? interroge Sasha, visiblement surpris.

— Rien que se retrouver dans un secteur rouge amazonien tronque énormément les chances de survie, expliqué-je pragmatique. S’agissant d’une disparition inquiétante, et supposément d’un enlèvement… 

— Vous pensez qu’il est déjà décédé ? intervient Anastasia.

Je bloque ma respiration ; pour moi, Éric Beaupré a signé son arrêt de mort dès lors qu’il a choisi de ne pas emprunter les voies aériennes de circulation. Je me perds un moment dans les iris céruléens de la Russe, puis baisse le nez.

— S’il a survécu, vous pourrez m’appeler Germaine pendant un mois.

Les deux soldats éclatent de rire, et je me fends d’un sourire en coin, observant notre rentrée dans l’atmosphère. La température augmente quelque peu, et mon IV embarquée annonce dans mon oreillette que la régulation de la chaleur est en cours. Anastasia cesse de rire et s’installe correctement sur son siège.

— Pourquoi Germaine ? C’est français en plus, vous êtes irlandaise !

— Parce que c’est ridicule. Et je n’irai jamais dire qu’un prénom irlandais est ridicule.

— Chauvine va !

Mon sourire s’élargit ; ça, pour être chauvine, je le suis. Je n’irai surtout pas contredire la Slave à ce sujet.

— Alors, deal. Si Beaupré est vivant quand on le retrouve, attendez-vous à ce que je ne vous lâche pas avec ça.

Je me contente de hausser des épaules. Après tout, je suis à l’origine de ce pari ridicule. En présence de la lieutenante, le stress que je subis à longueur de temps du fait de ma présence sur l’Alecto réduit significativement. Je me sais soutenue et accompagnée, là où Cameron Nivens ne cesse de vouloir me pousser dans mes retranchements de la pire des façons qu’il soit.

Les côtes brésiliennes se dessinent sous mes yeux. La vitesse de la navette de transport me laisse tout juste le temps d’entrapercevoir le Christ Rédempteur, majestueux et éternel. Véritables joyaux d’une époque révolue pour certains, je lui adresse une prière, me coupant de fait de mon environnement. J’ai toujours la sensation de devoir composer avec une colère que je ne m’explique pas, la frustration de me retrouver dans un corps trop petit pour moi, comme s’il me manquait un élément pour que ma vie soit parfaite, mon être plein et entier.

La navette survole l’Amazonie, mais mon attention se perd sur mon ICP. Les différentes alertes que j’y reçois me font serrer la mâchoire ; un quartier d’Avignon vient d’être détruit. Un quartier uniquement occupé par des Naturels. Mikhaïlovna pose sa main sur mon avant-bras, et mon esprit se reconnecte à l’instant présent.

— Panoptès finira par tomber.

Mais les choses ne s’arrangeront pas. Même si l’organisation terroriste venait à être démantelée, cela fait beaucoup trop longtemps que les Naturels sont de plus en plus mis au ban de la société. Nous sommes vus comme des faibles, des pestiférés ou des idiots de croyants. Je préfère cependant croire en un dieu que de perdre ce qui fait de moi que je suis humaine. Être augmenté ne fait pas de nous quelqu’un de bien ou de mieux.

Alors, je ne réponds pas, retirant mon bras de la poigne pourtant douce de la Russe. Le pilote nous informe que notre destination est en dessous de nous. La marge de manœuvre pour se poser est faible, mais pas inexistante, mais notre chauffeur du moment démontre toute son habileté à naviguer à vue. L’épaisse végétation ne nous cache qu’un temps la base temporaire des forces spéciales. Et une fois celle-ci visible, Sasha siffle d’admiration, tandis que je reste stoïque.

— Ces Français, ils ont toujours su s’adapter vite et bien !

Le pied à peine posé au sol et j’entends déjà un sifflement retentir, ainsi que quelques rires gras. Nul besoin de chercher à savoir qui sont les auteurs, les quatre soldats français qui nous regardent de haut.

Non. Ils me regardent de haut, et ce n’est pas difficile de savoir pourquoi ; des circuits imprimés verts fleurissent sur les peaux de Sasha et Anastasia, leurs armures sont prévues pour l’utilisation de leurs pouvoirs ; les batteries sont plus endurantes et leurs gants permettent la diffusion des émanations télékinétiques. Mon armure, elle, n’a d’exceptionnel que la puissance des boucliers, qui doivent compenser mon statut de Naturelle. Et ils le savent !

J’inspire profondément, en dépit de la colère qui se remet à pulser dans mes veines. Ils mériteraient, tous autant qu’ils sont, de se manger une droite en pleine face ! Et même si ça me gonfle, je représente la Confédération Terrienne, et je dois faire un minimum honneur à cet insigne aux épées courbes gravées sur le métal de ma tenue de combat.

— Nous sommes l’escouade envoyée par la Confédération Terrienne.

La lieutenante Mikhaïlovna me vole mon temps de présentation et s’impose en chef d’équipe. Je grince des dents, non pas parce qu’elle le fait – au contraire, ça m’arrange –, mais plus parce que je crains que Nivens aille fouiller dans nos IV embarqués et se rendent compte que nous n’avons pas obéi strictement à ses ordres.

Le petit sourire narquois qui a fleuri sur les lèvres de la Russe m’envoie un signal bien clair : elle prendra toute la mesure des conséquences de son geste, et je l’en remercie intérieurement.

Je la remercie d’autant plus que les injonctions moqueuses se sont tues dès que sa voix de Stentor a résonné dans les airs. Forces Spéciales ou pas, Mikhaïlovna dégage la prestance et l’assurance de ceux qui se contrefichent de ce que pense autrui. Elle doit se sentir bien supérieure à eux. « En même temps, elle est dans la Confédération Terrienne… » Je suis plus que consciente que je dois ma place à du népotisme, que ma mère a forcé la main de l’un ou l’autre des amiraux pour que je me retrouve à bord de l’Alecto.

— Vos numéros de matricules. Qu’on vérifie que vous êtes bien des agents de la Confédération et non pas des infiltrés.

— 16V18 – VDV – 72877, récite Anastasia d’un air las.

Je cligne des yeux. Mon numéro de matricule ? Je l’ai tellement peu utilisé que j’ai bien peur de me tromper dans les chiffres. L’un des soldats, dont le visage m’est dissimulé par le casque intégral noir qu’il porte, se tourne vers moi.

— Ta langue a été bouffée par un piranha, petite ?

Je me renfrogne. Petite ? Connard.

— 10K21 – TC – 62315, répondé-je en mobilisant mes souvenirs.

Sasha ricane et énumère le sien sans la moindre hésitation. Je note que l’acronyme VDV fait également partie de son matricule. A-t-il connu Anastasia dans les troupes aéroportées russes ? Je songe à leur poser la question plus tard, pour tisser des liens plus solides.

Je me sens tout à coup bien fébrile, mes doigts tremblent, nos identités sont passées au peigne fin. Un drone scanne nos visages, la rétine de nos yeux et au bout d’interminables minutes de silence, le chef d’escouade nous fait signe d’approcher. Je souffle, de soulagement. Nos identités sont validées.

Une partie de mon stress s’échappe de mes épaules et quand bien même la sensation d’être toujours à l’étroit dans mon corps ne me quitte pas, j’ai l’impression que je pourrais être plus utile.

Même pas le temps de faire un pas que le bras d’Anastasia me barre la route. Le bleu de ses yeux me cloue sur place. Envolé la douceur avec laquelle elle pouvait me couver. Mon cœur s’emballe alors qu’elle agrippe mon épaule et m’entraîne plus loin, non sans intimer à Iounevitch de rester sur place.

Une fois à l’abri des oreilles indiscrètes, la mâchoire serrée, Mikhaïlovna siffle entre ses dents :

— Je ne sais pas ce qu’a réellement le capitaine contre vous, mais vous allez rester.

— Nivens va…

— Je suis la commandante en second de l’Alecto, O’Brian, et vous êtes sous ma responsabilité. L’Amazonie est terriblement dangereuse, gangrénée par les gangs et les mercenaires. Et vous êtes...

Elle se tait. Une Naturelle incapable de se sortir un doigt ? Incapable de se défendre ? Sous son aile ? Quoi donc, Mikhaïlovna, crache le morceau ! Son regard coule vers les Forces Spéciales françaises.

— Je vais appliquer votre stratégie, mais vous restez au camp de base. Loin de ces têtes brûlées.

Mon attention reportée sur les soldats français, je fronce des sourcils ; leur casque ne cache pas la condescendance qui transpire dans leur attitude. La façon qu’ils ont parfois de taper du pied, comme s’ils s’impatientaient, m’importune.

Hors de question de paraître pour une petite chose fragile qu’on laisse dans un coin, une poupée de porcelaine dont on craint la terrible fissure qui viendrait gâcher sa beauté. Ma mâchoire se serre.

— Je viens avec vous ! grommelé-je.

— C’est non, O’Brian ! Vous gardez votre cul au camp de base !

— Et je vais faire quoi, tresser des colliers de pâquerettes, peut-être ?

Le sourire que me lance la Slave est sans équivoque ; je peux bien tenter ce que je veux, Anastasia ne changera pas d’avis.

— Pourquoi ? J’vais encore me faire…

— Je prends la responsabilité de ma décision, O’Brian.

— Dites-moi au moins pourquoi ! Vous ne pouvez pas me laisser dans l’incompréhension !

— Oh que si, et c’est exactement ce que je vais faire ! Tressez vos fleurs, O’Brian, vous en avez pour plusieurs heures.

Elle tourne les talons, ne me laissant désormais plus voir que son dos. Ses pas, plus longs que les miens, l’éloignent trop vite et j’ai beau chercher à la rattraper la porte de la navette se ferme sous mon nez. Dans mon dos, un rire goguenard. Je me contente de tourner la tête vers l’imbécile qui ose se foutre de moi. Mes lèvres s’entrouvrent, mais aucun mot ne sort. Vingt-trois ans et même pas foutue de fermer son clapet à un idiot. Frustrée, je m’éloigne et m’installe sur une souche pourrie. Je joue avec la mousse sous mes doigts, alors que la chaleur humide de l’Amazonie m’enveloppe un peu plus et je souffle du nez.

— Un collier de pâquerettes… J’lui en foutrais, des colliers de pâquerettes !

Bordel, les six prochaines heures vont être atrocement longues.

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Julien Willig
Posté le 07/03/2022
"S’il a survécu, vous pourrez m’appeler Germaine pendant un mois." : très bonne réplique xD
Encore un super chapitre, bravo. Toujours un très bon rythme, de très bon dialogues, les situations sont cool, vraiment j'adore !
J'aime bien le lien que tu fais entre les titres de tes chapitres, et la conclusion de ceux-ci. Le coup de la cigarette, c'était déjà bien, mais là c'était vraiment trop drôle^^

J'ai juste une seule remarque :
"Songer aux maintes discriminations de ceux qui ont choisi de ne pas se foutre un implant subissent refait éclater la colère en moi." : ça serait plutôt "QUE ceux qui ont choisi [...] subissent", non ?
Fenkys
Posté le 07/07/2021
J'ai hâte de savoir si elle va les faire ces colliers de pâquerettes.

Un bémol dans ce chapitre, on n'a aucune idée de la taille de l'escouade française. Tu parles bien de quatre quand Eireann débarque, mais il peut y en avoir d'autres. En tout cas, ils sont assez nombreux pour avoir monté un camp (ce qui m'avait fait penser qu'ils pouvaient être entre 15 et 20 à un moment).

En dehors de cela, ce chapitre est excellent. J'ai l'impression va être amené à jouer un rôle dans la vie d'Eireann, en compagnie d'Anastasia.
TheRedLady
Posté le 01/09/2020
Les fameuses pâquerettes d'Amazonie ! Pour moi, ce chapitre est excellent !
J'aime beaucoup la façon dont tu présentes les armures, pas quand ils les enfilent, mais quand ça un sens dans le contexte donné.
tes personnages sont très vivants et je suis vite rentrée dans ton monde (bien que la SF est loooin d'être mon genre favori)
bref, GG ! keep going !
AislinnTLawson
Posté le 01/09/2020
EH OUI les très fameuses pâquerettes d'Amazonie
Qui n'en sont pas d'ailleurs mais chut chut

Oui, j'ai du mal à décrire les armures, alors du coup, m'enquiquiner à le faire pendant qu'ils les enfilent ça me convenait pas trop

Le fait quand ça paraît pertinent quant à leur usage, comme tu dis, c'est mieux !

En tout cas, je suis contente que tu continue à rentrer dans l'univers ♥ C'est très important pour moi et ça me fait très très plaisir ♥
Laurence Acerbe
Posté le 01/09/2020
Bonjour bonjour!
Je m'absente a cause d'un nouveau boulot et il y a une pluie de chapitres !
Chapitre plaisant et bien rythmé. Je comprends tout à fait la foi d'Eireann que je trouve vraiment bien représentée (même si je suis totalement à l'opposé de son avis x ) ).
Quelques indices sur son traumatisme qui DONNE ENVIE DE SAVOIR (bien joué! Mars cette coquine!)
Tu as aussi fait quelque chose que je DETESTE (mais qui marche bien et qui donne forcément envie de lire la suite): l'interrogation sans réponse! Alors j'ose douter que le fait qu'elle ne va pas sur le terrain provient de son matricule, je verrais plus tard si j'ai raison ;).
En tout cas c'était cool, il y a des passages bien drôle ("Connard" ; bref mais intense). Continue ! :)
AislinnTLawson
Posté le 01/09/2020
Ahah les fameuses interrogations sans réponse, le pire étant que, je le dise sans honte là, c'est un petit fusil de Tchekhov que j'ai posé (et j'avoue aussi que la réponse mettra pas 12 mille ans à arriver haha)

Mars, là aussi, c'est un mauvais running gag dans la vie d'Eireann :( ça aussi ça va revenir souvent !

En tout cas, je suis contente que ça t'ai plu (le connard aussi me fait encore rire, alors que c'est moi l'auteure XD)

En tout cas, à très vite pour la suite huhu
drawmeamoon
Posté le 27/08/2020
Coucou Ais'!

J'ai adoré lire ton chapitre, la dynamique entre Eireann et Anastasia est juste excellente !

D'ailleurs note spéciale au titre et à la fin de ton chapitre parce que c'est drôle de faire un collier de pâquerette (et que ca me rappelle un extrait que tu nous avais partagé qui viendra sûrement plus tard 👀)

La discrimination exercée sur les naturelles est intéressante je trouve : je me faisais la reflexion en lisant qu'en général c'était ce qui n'était pas "normal" qui était jugé mais c'est intéressant justement car ici c'est le fait que les gens veulent rester "naturel" qui est anormal aux yeux de la société et c'est habilement démontré, j'aime beaucoup !

Bref : j'ai hâte de lire la suite et merci d enous partager ton histoire 🥺
(PS : Les soldats sont méchants)
AislinnTLawson
Posté le 27/08/2020
Eh oui le famoso collier de pâquerettes qui a tant fait hurler Eireann dans ma tête xD
La dynamique entre Eireann et Nastia est importante, d'autant qu'elle scellé beaucoup de choses 😏
Quant aux naturels, je voulais renverser un peu la vision établie générale comme tu dis, on a tendance à mettre au ban ce qui n'est plus normal. Et ici la "normalité" dont être naturel, tend à devenir anormal et donc mal vu !

Je suis contente que ça t'ait plu et j'espère que la suite continuera de te plaire ;-; 🧡

(PS : oui ce sont de gros casses pieds !)
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