Après quelques essais infructueux, elle finit par réussir à détacher le couvercle.
Adam tira du tonneau plusieurs livres et un cahier rempli d’une écriture manuscrite
serrée.
– Alors, voyons voir ce qu’on a... Le Lys dans la vallée, La Loire, recueil d’écrits,
Les Rois et la Loire, Histoire d’un fleuve, Les contes drolatiques... J’en connais
aucun ! En tout cas, le propriétaire de ce tonneau avait l’air d’aimer la Loire.
– Grave, renchérit Mariam, Le Lys dans la vallée et Les contes drolatiques c’est
d’Honoré de Balzac et il y parle beaucoup de la Loire !
– Wouah, y a vraiment plein d’auteurs qui ont écrit sur le fleuve ! s’exclama Adam
qui feuilletait déjà le recueil d’écrits. Ronsard, Flaubert, Balzac, du Bellay... même
Jean de la Fontaine ! Écoutez ça.
Le jeune homme prit une pose fière et se mit à déclamer d’une voix passionnée :
– La Loire est donc une rivière
Arrosant un pays favorisé des Cieux
Douce quand il lui plaît, quand il lui plaît si fière
Qu’à peine arrête-t-on son...
– Mouais, je préfère Aya Nakamura, l’interrompit Éloïse.
– On peut aimer les deux ! répliqua Adam la mine boudeuse, mais c’est bon j’ai
compris, j’arrête de lire.
– Mais non, n’arrête pas ta lecture en si bon chemin monsieur le poète, le son de
ta voix nous manquerait cruellement, rétorqua Mariam avec malice. Tiens, lis-nous
plutôt ce manuscrit, ça ressemble à un journal.
Adam prit le carnet, se racla la gorge et entama :
3 juin 1856
Existe-t-il une plus belle manière de commencer mon journal de voyage qu’en
arrivant à la vue de la Loire ? Les lettrés dont j’ai avidement lu les écrits n’avaient pas
menti et pourtant, de la marquise de Sévigné à Jean Nicolas Bouilly, tous ont échoué
à décrire la grâce de ces eaux. Des hauteurs de Roanne on les découvre, serpentant
entre les collines environnantes, flots bleu et or qui s'écoulent des montagnes en de
tendres et délicates courbes, portant de longs bateaux chargés de houille. Sur les
vagues, quelques embarcations s’entrecroisent, formant un ballet de voiles et de bois autour duquel dansent les oiseaux. Il me faut toutefois me hâter, le batelier qui me
mènera à Nantes ne tardera pas à partir. Là-bas un navire me mènera aux
États-Unis d’Amérique. Quitter ce panorama me coûte, mais j’aurai le temps de
m’émerveiller du fleuve avant d’atteindre l’océan.
4 juin 1856
Les eaux nous portent et Roanne est déjà loin. À mon plus grand regret nous ne
circulons pas sur la Loire même mais sur un canal qui la longe, ce qui rend la
navigation plus aisée selon le capitaine. À la tête d’un petit équipage de trois
bateliers, il mène notre convoi avec l’assurance qu’apporte l’expérience. Il ne s’est
toutefois pas montré intéressé par les livres traitant de la Loire que j’ai amené avec
moi, se contentant de grommeler que ce n’était que des gribouillis écrits par des
riches qui ne font que contempler ses berges au printemps. Selon lui, pour connaître
le fleuve il faut arpenter ses eaux, sentir son poul battre au rythme des vagues. Je ne
sais quoi en penser...
J’ai heureusement trouvé ...
– Oh mais c’est Monsieur Baptiste !
Adam leva les yeux des pages du carnet. Debout sur la berge, Éloïse faisait de
grands gestes vers une petite embarcation qui avançait au milieu du fleuve. Celle-ci
amorça une courbe pour venir à leur hauteur. Éloïse se retourna vers ses amis.
– C’est un ami de la famille, il est pêcheur.
Rapidement, la barque fut là. À son bord se trouvait un homme chauve à la barbe
grisonnante et au visage jovial.
– Salut Éloïse, salut la jeunesse ! Qu’est ce que vous faites dans le coin ?
– On ramassait des déchets quand on a trouvé un vieux tonneaux avec pleins de
bouquins sur la Loire, et là on lisait le journal de son propriétaire qui l’a perdu !
– Ah oui ! Ça m’a tout l’air d’être un sacré trésor !
– Et toi tu vas où là ?
– Moi je travaille, pas de repos pour les marins ! J’allais repêcher mes filets.
Notant les étoiles dans les yeux des adolescents il ajouta :
– Vous voulez m’accompagner ?
Des cris enthousiastes lui répondirent et ils furent bientôt sur l’eau, naviguant vers
l’aval.
Je ne suis pas sûre que la Loire connait des vagues faramineuses mais en tout cas vraiment le rythme de ton écriture est très agréable !