Je suis dans un train qui regarde défiler les gares. J'ai passé celle où tu m'attendais, dans le paysage bucolique que tu m'as offert. Je t'ai observé par la fenêtre, vêtu de douceur, ton bouquet d'amour à la main. Ton regard a accroché le mien, avec tout ce qu'on aurait pu être. C'est une destination parmi d'autres, une parmi toi.
Tu m'as jeté une promesse au vent dont je n'ai capté que l'essence, sans l'attraper. Alors je me précipite en avant, en essayant de mieux voir tes détails et tout ce qui va me manquer. Tu deviens petit, tout petit, minuscule sur ma rétine, pourtant, rien ne saurait t'effacer. Toi et ton paysage bucolique, dans cette vie que je regrette avant de l'avoir vécu. Toi dont les yeux reflètent une vie pensée, insensée.
C'est un hurlement sourd à cette vision que je m'arrache. Je te crie moi aussi une promesse qui s'envole avec une larme de coeur par la fenêtre. Tu sursautes lorsqu'elle touche ta joue, souris devant sa chaleur et tu t'éteins à son sens.
Maintenant, je regarde ma vie avec une tâche dans l'oeil. Celle que tu m'as laissé quand je t'ai aperçu sur le quai, forte d'une connexion brusquement interrompue. Elle ne m'empêche pas de voir, elle m'enrichit d'un oeil usé au filtre brillant d'une unique paillette.
Alors oui, je suis en deuil d'un rêve,
En deuil de nous.
C'est un très texte, bien structuré du début à la fin. Tu nous amènes progressivement vers la dernière phrase, c'est bien construit.
Tu nous décris un instant fugace qui définit durement la vie de la narratrice. Un instant qui a tout changé alors qu'il n'a duré que quelques secondes (ou quelques minutes si le train s'est arrêté). C'est une façon très élégante de décrire ce que l'on peut ressentir lorsque l'on laisse passer une opportunité.
Ton texte est aussi beau qu'il est tragique. Pourtant, la narratrice a choisi. Peut-être qu'elle aurait simplement pu descendre du train mais... elle a préféré continuer ?