Les rayons du soleil perçaient les rideaux blancs aux rayures orange. Il se dessinait sur les minuscules lits des raies de pâle lumière. Signore Raffinato ouvrit un œil plissé en grognant mollement. Il s’étira du mieux qu’il le put sur son petit matelas et entreprit de se lever. Luce dormait encore, des mèches dorées devant son paisible visage où un filet de bave ajoutait quelque brillance. Raffi allongea son sourire à cette constatation.
Il fit la poignée de pas possibles dans la roulotte, passant de la chambre à la cuisine d'une enjambée. Raffi s'appuya contre la porte de la douche. Ses pieds nus se recroquevillèrent sur le sol frais pendant qu'il contemplait distraitement le lieu où ils avaient passé la nuit. Au fond, un interstice séparait les deux lits, où se renversaient oreillers, couettes, plaids et peluches dans une explosion de couleurs enveloppantes... leur hôte avait eu peur qu'ils n'attrapent froid. Ce dernier avait offert aux aventuriers sa roulotte pour une nuit. Signore Raffinato s'était empressé de se coucher, épuisé de l'intensité de ses émotions, pendant que Luce continuait de discuter. Le regard brumeux du garçon se posa ensuite sur un placard bariolé qui s'encastrait dans le mur. Il se transformait en petite cuisine avec gazinière, four, et frigo, tous de taille réduite, tous peints de tourbillons psychédéliques. De l'autre côté, une porte cachait la salle de bain, qui ressemblait plus à une grande armoire qu'à une pièce. Une étroite table en bois entourée de ses bancs donnait vue sur le village si l'on repoussait les rideaux striés de rayures orange. Raffi se penchait, toujours endormi, pour observer les maisons qui crachaient des fumées accueillantes.
Un instant plus tard, on frappa à la porte. Le garçon se retourna vers la poignée pour l’ouvrir : leur hôte venait s’assurer que tout se passait bien. C’était un renard dont l’attitude révélait une profonde sérénité. Ses yeux en amandes trahissaient une fine intelligence saupoudrée de bienveillance. Le renard, qui se nommait Modo, ajusta le col turquoise de son ample chemise et sourit à Raffi. Celui-ci avait l’allure encore endormie, un regard errant, et des cheveux bruns plaqués sur son front.
- Bonjour, je vois que je suis arrivé un peu tôt, s’amusa Modo.
- Hum, bonjour. Pardon… enfin… euh…
Modo se délesta d’un panier qu’il avait sous sa patte et le tendit à Raffi.
- Voici quelques provisions.
Raffi s’arrêta dans son bâillement.
- Des provisions ?
- Pour votre voyage.
- Notre…
Raffi se tourna vers la lumineuse silhouette qui émergeait dans un coin de la roulotte. Luce prit un air mi-coupable, mi-malicieux.
- Je vous laisse le soin de converser après que je sois parti, rit Modo, toujours est-il que je vous offre ce panier.
Signore Raffinato le récupéra, les sourcils froncés.
- Merci, se contenta-t-il de déclarer, le regard rivé sur Luce qui s’éveillait.
- Ce n’est rien. Bon voyage !
Modo s’éclipsa avec discrétion et grâce, les pans de son kimono voletant à sa suite. Raffi referma lentement la porte décorée d’une énorme marguerite.
- Tu m’expliques ? soupira-t-il.
Luce bondit hors de son lit, fouilla dans le panier, et avec quelques ingrédients, fit un chocolat chaud. Pendant ce temps, son ami l’observait avec une suspicion qui vacillait de tendresse à une subtile irritation. Quand enfin deux tasses fumantes dans les mains, ils étaient installés sur des poufs moelleux, face à une étroite table en bois, Luce se mit à parler.
- Nous voyagerons dorénavant en roulotte.
- Elle appartient à Modo.
- Je l’ai emprunté.
- Comment ça ?
- Arrête de me couper !
Raffi souffla sur la fumée de son breuvage, boudeur. Il n’aimait pas les cachotteries douteuses de Luce. Celle-ci rayonnait, les yeux scintillants de bonheur.
- J’ai pris au sérieux ce qui s’est passé hier. Je ne peux pas colorer le monde si le tien est encore gris.
- Il ne l’est plus depuis que tu es là.
- C’est bien le problème, Raffi ! Les couleurs ne viennent pas de moi !
Le garçon posa brusquement sa tasse et croisa les bras.
- Il faut que tu saches raviver les couleurs sans moi… Je ne peux pas être la seule source.
- Mais !
Luce sourit avec douceur.
- Il n’est pas bon de se contenter que d’une seule source de couleurs… Il faut que, seul, tu puisses colorer ta vie et celle des autres, c’est important.
Raffi frotta son visage ensommeillé.
- Et le rapport avec la roulotte… ? grogna-t-il.
Le sourire de Luce se renforça.
- Nous allons voyager encore un peu, puis nous nous installerons pour un moment quelque part. La roulotte, c’était pour la rapidité. Modo reviendra la chercher quand on aura trouvé un lieu qui nous plaît pour vivre.
- Tous les deux ?
- Mais oui. Comme ça, nous allons rencontrer d’autres personnes à colorer, et nous allons lier des amitiés solides.
Signore Raffinato demeura dubitatif.
- Mais… je ne vois pas le rapport avec… ma crise d’hier.
- Je veux qu’on soit courageux, persévérant, sans avoir peur des échecs. Il ne faut pas se décourager et se décolorer à la moindre embûche. Affermissons nos couleurs avant de les dévoiler aux les autres. Je veux passer du temps avec toi. Pour ça, et parce que j’ai envie de te connaître plus.
Piccola Luce prit une gorgée de son chocolat, les pommettes saillantes. Raffi joua avec l’anse de sa tasse, intimidé.
- Avec moi ? Mais… comment cela se peut ? Qu’est-ce qui retiens ton attention sur moi ? Je suis toujours, euh, grognon.
Le rire de son amie virevolta avant qu’elle ne réponde :
- Je vois au-delà. Je tiens à toi.
Raffi, touché, n’ajouta rien, muet. Il ne savait pas vraiment comment réagir, alors il préférait ne rien faire, pour ne pas se tromper. Néanmoins, son regard étincelait d’émotion, et Luce, perspicace, le repéra aisément.
- Alors ?
- Oui, murmura-t-il.
Luce finit sa tasse d’un coup, et ses lèvres barbouillées de lait se retroussèrent en un magnifique sourire.
J'ai la (petite ? grande ?) impression que l'auteur n'est pas étrangère à ce trait de caractère...!
Hum. Je vois pas ce que tu veux dire. ^^ (j'espère être comme Luce, mais c'est pas facile toutes les heures x)
Bisou :3