— Direction l'Angleterre j’imagine ? demanda Maïwenn en prenant place à l’arrière de leur moto.
— Direction l'Angleterre damoiselle. Prenons le bateau, comme ça nous aurons la moto pour nous déplacer là-bas. J'espère qu'il restera de la place sinon nous allons devoir attendre demain matin. Je passe à un distributeur pour retirer le maximum de liquide et on est parti alors.
— Pour ne pas être tracés, futé va ! nota Maïwenn en lui tapant sur l'épaule.
Mathias la regarda fixement, interloqué par son geste familier, mais resta silencieux et démarra. Le détour à un distributeur fait, ils prirent la direction de Roscoff, ville départ des ferries. C'était la première fois que Maïwenn circulait aussi longtemps en moto et la sensation de vitesse sur la voie express était grisante et l’aidait à reprendre ses esprits. Ils arrivèrent juste à temps pour le dernier départ.
La traversée jusqu’à Plymouth allait se faire de nuit, alors Maïwenn s'endormit dans un siège pendant que Mathias faisait le tour du bateau.
Les mouvements du navire sur les vagues berçaient doucement la jeune femme. Bien qu'elle n'ait que son manteau en guise de couverture, elle avait suffisamment chaud... Trop chaud.
Maïwenn était à présent allongée sur une plage de sable fin où le soleil brillait haut dans le ciel et la mer d'un bleu presque transparent. Elle se redressa pour contempler le paysage et prit une poignée de sable dans sa main qu'elle lâcha doucement au vent. Puis, elle décida de goûter l'eau, retroussa donc son jean et marcha jusqu'à avoir de l'eau aux mollets. La température était idéale. Jamais elle ne se baignait habituellement, mais là, elle plongea sans réfléchir et fit la planche, le visage face au soleil. Seul le bruit des vagues se faisait entendre, rien d'autre pour perturber ce moment. Tout à coup, elle sentit quelque chose la frôler. Elle ouvrit alors les yeux et vit une tête émerger de l'eau. Maïwenn hurla de terreur et tenta de s'enfuir à la nage, mais une main lui retint le bras et tous ses efforts pour se débattre n'y faisaient rien, elle était immobilisée.
— Écoute-moi Maïwenn, intima une voix féminine.
Cette dernière cessa de se débattre et fit face à une femme polynésienne. Elle avait de longs cheveux qui recouvraient une tunique bleue.
— Il faut que tu m'écoutes maintenant. Ils arrivent et tu ne dois rien leur dire. Nous serons amenées à nous revoir, mais en attendant, fais-moi confiance.
Soudain, un bruit de moteur se fit entendre. C’était un zodiac qui se dirigeait vers elles à vive allure. À son bord, Maïwenn reconnut deux des femmes qu'elle avait chassée de ses rêves. Lukian était là aussi, de même qu’un homme âgé, qui dirigeait l'embarcation.
— Tu ne dois rien dire, répéta la femme.
Affolée, Maïwenn chercha des yeux la Polynésienne, qui avait déjà disparu. Malgré ses vêtements trempés, elle eut le temps de sortir de l'eau et de s'enfoncer dans la forêt luxuriante qui bordait la plage, avant que ses poursuivants n'accostent.
Elle courut aussi vite qu'elle put, repoussant avec force les branches qui lui barraient le passage tout en prenant sur elle la douleur de ses pieds tailladés par les ronces et les épines au sol.
La chaleur devenait irrespirable et le poids de ses vêtements mouillés rendait le moindre de ses mouvements difficiles. À bout de souffle, elle devait pourtant redoubler d'efforts pour semer ses poursuivants dont les voix se rapprochaient dangereusement. La végétation était dense et elle finit par tomber à terre, son pied coincé par une racine. Elle tenta de se dégager, mais ses mouvements brusques déclenchèrent un mécanisme qui la souleva du sol. Pendue la tête en bas, elle était prise au piège.
Lukian et les deux femmes ne tardèrent pas à la rejoindre et à contempler avec satisfaction sa mauvaise posture. Sans ménagement, le jeune homme saisit son couteau et sectionna la corde qui la maintenait en l'air. Maïwenn fit alors une lourde chute avant que les deux femmes ne la prennent par les bras et ne la traînent jusqu'à la plage.
L'homme plus âgé était resté assis sur le sable et les attendait patiemment. Vêtu d'un costume gris clair, il imposait le respect par sa prestance et son visage dur. À l'approche du groupe, il se releva et arbora un large sourire.
— Nous l'avons attrapée grand-père. Tu vois qu'on pouvait le faire, lança fièrement Lukian.
Maïwenn, sonnée, n'avait pas opposé de résistance, mais elle commençait peu à peu à reprendre ses esprits. Ils la firent s'agenouiller aux pieds de l'homme.
— Où allais-tu comme cela ? lui demanda la blonde.
— Réponds, surenchérit la brune tout en la bousculant. Où vas-tu ?
L'homme leur fit signe d'arrêter.
— Alors comme ça c'est toi qui me causes tant de soucis. Comment cela est-ce possible, tu n'as pas l'air bien dégourdi.
Puis il se pencha vers elle et lui murmura à l'oreille :
— Dis-nous où tu vas et pourquoi, car sinon, nous hanterons chacun de tes rêves à t'en rendre folle.
Maïwenn releva la tête jusqu'à avoir ses yeux plongés dans les siens et éclata de rire. Les deux femmes lui intimèrent alors de se taire, sans succès.
— Vous êtes Richard n'est-ce pas ? Le grand Richard que beaucoup craignent. Vous vous êtes peut-être introduit dans mon rêve, mais je ne vous dirai rien, je suis toujours maîtresse de la situation.
— Ah oui ? Te voyant comme ça là, à genoux devant nous, tu n'en donnes pas trop l'impression, ironisa Lukian.
Le visage de Richard avait changé, il paraissait maintenant méfiant.
— Supposons qu'effectivement tu aies le contrôle, ce dont je doute, qu'en est-il de tes parents ? demanda-t-il.
Maïwenn se releva et les deux jeunes filles qui l'encerclaient reculèrent tout en gardant leur sourire satisfait au coin des lèvres.
— Si vous touchez à un seul de leurs cheveux...
— Pas besoin de les toucher, Maïwenn, nous leur avons déjà rendu visite plusieurs fois, jubila la brune.
— Laissez-les tranquille ou vous aurez affaire à moi ! cria Maïwenn avec une fougue qu'elle ne pensait pas avoir.
— On a peur, comme tu peux le voir !
— Tais-toi Lukian, cria Richard en lui lançant un regard rempli de mépris. C'est très simple jeune fille, ne vous mêlez plus de nos histoires ou je me chargerai personnellement de votre famille.
— J'en ai assez entendu. Demandez-leur ce dont je suis capable et vous allez comprendre ce qui vous attend ! nargua Maïwenn.
Son ton résolu créa un vent de panique au sein du groupe qui scrutait le moindre mouvement suspect. C'est alors que la brise légère s'intensifia, soulevant le sable de la plage qui se mit à voltiger de plus en plus vite autour d'eux. Maïwenn, au centre du cercle, s'écarta pour échapper au sable qui s'insinuait partout. Les yeux, les oreilles, les cheveux, la bouche, la moindre parcelle de leur corps était maintenant attaquée sans relâche. Richard, qui suffoquait, posa un genou à terre avant d'être soulevé du sol par le tourbillon de sable qui s'était formé. Les trois autres ne tardèrent pas à le rejoindre dans les airs, essayant désespérément de se débattre, ballottés de-ci de-là par les éléments et torturés par le sifflement strident du vent au contact du sable. Le ciel si clair s'entrouvrit, comme éventré, pour laisser la place à un trou noir béant dans lequel Richard et ses comparses furent aspirés. Puis, la brèche se referma et le vent cessa.
Le calme était revenu. Maïwenn, qui s'était recroquevillée à terre, se décrispait peu à peu et observait autour d'elle avec méfiance. Les vagues se déroulaient à nouveau sur le sable, plus aucune trace des dernières minutes. Soudain, elle remarqua qu’à l'autre bout de la plage, se trouvait la femme qui l'avait prévenue. Il fallait qu'elle lui parle, qu'elle ait des explications. Qui était-elle ? Maïwenn courut dans sa direction, mais au bout de quelques secondes, elle eut la sensation de faire du sur-place, comme si le sable se dérobait sous ses pieds et c'était le cas. Le sable chaud et fin s'était transformé en un sable mouvant dans lequel elle s'enfonçait. Les jambes immobilisées, elle glissait de plus en plus. Recouverte rapidement jusqu'au cou, elle fut engloutie.
La seconde suivante, le visage d'un inconnu était au-dessus d'elle. Son rêve avait été si intense qu'elle avait hurlé et inquiété ce passager qui s'était approché.
Très embarrassée, elle quitta son siège en s'excusant et partit à la recherche de Mathias qu’elle retrouva sur le pont. Lorsqu'il vit son visage, il comprit que quelque chose s'était passé. Elle s'adossa à la rambarde sans dire un mot et ils restèrent ainsi, en silence. Mathias, conscient qu'elle ne tiendrait jamais sans quelques heures de repos, leur trouva deux places pour s'allonger et resta à ses côtés.
Les pouvoirs de Maïwenn sont vraiment impressionnants, j'espère qu'on comprendra d'où ils tiennent leur origine, car ils semblent impressionner les Guides eux-même.
Sinon Mathias et Maïwenn sont mignons ensemble, j'ai hâte de voir comment évoluera leur relation ^^
Bref, encore un excellent chapitre.
À bientôt !
J'espère que la suite te plaira également!