La jeune femme se réveilla quelques heures plus tard, la tête sur les genoux de Mathias. Elle se leva doucement et se rendit au comptoir de boissons chaudes pour prendre deux cafés. À son retour, il dormait encore si profondément qu'elle n'eut pas le cœur de le déranger.
Heureusement qu'il ne m'est rien arrivé d'autre, il ne m'aurait pas beaucoup aidée. Il a l'air presque sympathique quand il dort... Presque.
Soudain, la voix d'une hôtesse indiqua que le bateau serait à quai d’ici trente minutes. Maïwenn approcha alors la tasse de café fumante près du nez du jeune homme, car quelques jours plus tôt, il lui avait révélé son addiction pour cette boisson. Le résultat ne se fit pas attendre, la seconde d’après, il était éveillé.
Ils sortirent alors sur le pont prendre un bol d'air et voir le ferry entrer dans le port de Plymouth. À cette heure matinale, il faisait frais, mais le temps était suffisamment dégagé pour apercevoir la côte se dessiner peu à peu.
— Ça y est, nous y sommes, dit Mathias en soupirant.
La voix de l'hôtesse se fit à nouveau entendre pour inciter cette fois les passagers motorisés à récupérer leur véhicule en prévision de l'accostage.
Dans un pays étranger et ne sachant pas du tout ce qui les attendait ni ce qu'ils allaient découvrir, ils se regardèrent, tendus, puis, se dirigèrent vers leur moto.
L'heure suivante, ils atteignaient le centre-ville de Plymouth. Mathias n'avait jamais conduit de ce côté-là de la route et l'adaptation ne se fit pas sans mal. Tout à coup, Maïwenn tira sur le blouson de son conducteur. Elle venait de voir un pub proposant le petit-déjeuner. Mathias se gara donc et ôta son casque, libérant ainsi un visage fatigué et crispé.
À quelques mètres d'eux se trouvait également un petit magasin de souvenirs que Maïwenn s'empressa de visiter pour y acheter une carte routière pendant que Mathias entrait dans le pub. Lorsqu’elle le rejoint, le jeune homme mangeait goulûment. Elle avait l’appétit moins aiguisé et se contenta de quelques toasts grillés. Rassasiés et leur plan de route établi grâce à la carte, ils sortirent de l’établissement pour constater que d'épais nuages s'étaient formés au-dessus de la ville et que la température avait chuté. Avant de monter à l'arrière de l'engin, Maïwenn jeta un œil à Mathias. Le regain d'énergie que lui avait procuré le petit-déjeune avait vite disparu en voyant les conditions météorologiques qui les attendaient. Il finit par pousser un long soupir puis démarra.
— Southampton, nous voici, lança-t-il d’un ton monotone.
Le vent avait gagné en intensité et leur glaçait le sang. Maïwenn, qui sur les cent premiers kilomètres s'était cramponnée, sentait tous ses membres s'engourdir. Ils sortirent enfin de la voie rapide et entrèrent sur une large avenue, bordée d'arbres verts et de maisons en briques rouges. Le soleil, encore timide, se reflétait sur les feuillages mouillés et la petite brise qui soufflait dans les arbres solidement ancrés dans le trottoir, apportait aussi un peu d'apaisement à cette avenue très fréquentée.
Après une quinzaine de minutes, ils trouvaient l'office de tourisme où ils espéraient obtenir des adresses d'hôtels. Plusieurs minutes après leur arrivée, une femme d'âge mûr entra par une porte au fond de la pièce et s'approcha d'eux. À la demande de Maïwenn, l’hôtesse leur indiqua rapidement quelques hébergements et l'emplacement de la banque à l'aide d'un plan avant de les raccompagner vers la porte. Son comportement intrigua Maïwenn, cette femme semblait avoir hâte qu’ils partent. Alors, elle ne put s'empêcher de faire demi-tour pour regarder par la devanture. Elle vit la femme au téléphone et lorsque celle-ci l'aperçut, elle raccrocha aussitôt, comme prise en faute.
Déjà repérés ? pensa Maïwenn en s'éloignant... Non, impossible, se convint-elle.
Munis du plan qu’on leur avait donné, ils empruntèrent une ruelle qui les conduisit au milieu d'une longue avenue, exclusivement piétonne et pavée de dalles grises à l'esprit très moderne. Au centre, des bancs en aluminium et des jardinières de fleurs étaient disposés à intervalles réguliers pour créer deux couloirs de circulation. Cet immense espace en pente comptait un grand nombre d’enseignes de restauration dont les terrasses étaient prises d'assaut. Enfin, au beau milieu de l’avenue, trônait une immense porte de pierre en forme d'arche.
Les deux jeunes gens s'assirent sur un banc pour contempler les deux statues de lion qui gardaient fièrement cette porte, mais surtout, pour définir un plan. La banque se situait à quelques rues de là, mais bien qu'ils aient la clé du coffre, ils n'avaient pas de procuration.
La fatigue accumulée et le stress rendaient l’atmosphère électrique entre les deux compagnons de route. La moindre des suggestions de Maïwenn était aussitôt rejetée sans ménagement par le jeune homme. Excédée, elle décida de s’éloigner.
— Et tu comptes aller où comme ça ? lui cria Mathias, tout en la suivant de loin.
Maïwenn ne prit pas la peine de répondre.
— J'en ai marre et je suis fatigué ! Tu peux comprendre ça ? insista-t-il en agitant ses bras dans le vide comme pour évacuer sa colère.
La jeune femme fit alors demi-tour pour revenir à son niveau :
— Tu te moques de moi ? Tu crois quoi ? Que je suis contente d'être ici ? C'est ça que tu penses ? Et arrête de gesticuler, car niveau discrétion c’est pas terrible !
Mathias remarqua alors le regard médusé des passants. Pourtant, il était hors de question qu'il s'excuse alors, il préféra se taire tout en suivant la jeune femme.