Ensommeillée

Ensommeillée

L’eau était présente partout ici.

La surface ne représentait qu’un centième de la taille réelle de la cavité, mais l’endroit n’était pas sombre. Des plantes aqueuses, ça et là sur les rochers humides, diffusaient une lumière étrange aux alentours. Flore et faune ne restaient jamais au même endroit, de sorte que les ombres mouvantes dansaient à la surface de l’eau. On aurait dit une énigmatique et fascinante représentation cinématographique.

Au bord, une silhouette se mit à observer au plus profond de la Source.

On voyait que le fond était gorgé de lumière grâce à la clarté limpide du liquide. C’est pourquoi elle plongea, rejoignant le fond des abysses. Une fois dans son élément, son corps se disloqua en une infinité de particules qui formèrent diverses créatures, plantes ou éléments dans un ballet continu avant de se reformer en elle.

Elle promena ses doigts dans l’eau et imagina tout un tas de choses qui commencèrent à prendre forme à leur extrémité.

Une goutte d’eau, deux gouttes d’eau puis trois…

Un flocon, une edelweiss, un colibri…

Un chat, un renard, un ours…

Une baleine, un dragon, un yôkai…

Une montagne, des nuages…

Puis une pluie de gouttes qui se transformerait à nouveau dans un cycle sans fin. Le tout prenait les teintes d’un camaïeu de bleu et de violet agrémenté de pointes d'autres couleurs qui scintillaient pour souligner la grâce de l'exercice.

Ce jeu d’imagination était la chose la plus plaisante au monde. Elle aurait souhaité que cela ne se termine jamais…

Elle resta là, un moment, à contempler ses reproductions plus ou moins fidèles des éléments du Monde.

Lorsqu'un courant se forma et tenta de l'entraîner encore plus profondément. La silhouette, d’abord surprise, chercha naturellement à s'échapper de l'attraction. Mais elle finit par se laisser porter toujours plus loins dans l'eau.

“Tous les courants mènent à Mère” soupira t-elle avant de sourire au souvenir de la justesse de ces mots.

Son corps pivota dans l'axe du courant. Et elle se mit à nager pour aller plus vite. Elle rejoignit rapidement les prémices de la ville.

Dans l'eau, la gravité n'ayant pas les mêmes propriétés qu’à la surface, le haut se confond avec le bas. Ainsi, la cité sous-marine d’Aquatempus était bâtie à l'envers, sous plusieurs cavités. De ce fait, elle était invisible depuis la surface.

Plus l'eau de la Source était profonde, plus l’eau était pure. C'est sur ces critères que se basait la richesse de ses régions. La qualité de l'eau était primordiale. Exceptée faite d’Aquatempus.

En effet, la ville regorgeait de richesses grâce à son emplacement stratégique au plus proche de la surface ce qui favorisait les échanges commerciaux avec le Monde et les autres pivots.

En songeant à tout cela, la jeune aquatempusienne traversa la ville en un éclair et manqua presque de s'arrêter à destination.

Enfin… un peu de son temps continua de filer dans le courant. Mais “il reviendra en temps voulu” se disait-elle. C'était du moins ce que prétendait toujours sa grand-mère.

Elle finit par trouver le bout de son parcours où se tenait une silhouette plus massive qui l'attendait de pied ferme.

Mais une voix troubla la quiétude des lieux :

Ondine, c’est l’heure ! Réveille-toi ! On va être en retard pour aller à l’école.

Comme la jeune fille sortait de sa torpeur l’œil hagard, la “voix” reprit de plus belle :

Prépare-toi vite, prends ton petit-dèj et n’oublies pas ton cartable avant de partir.

 

Hmmm ? … ?

Les questions restaient en suspens sans obtenir de réponses, la “voix” s’étant aussitôt éclipsée. “Ondine” regarda autour d’elle et se demanda intérieurement où elle était. Elle ne reconnaissait pas cette petite pièce encombrée qui contrastait parfaitement avec l’univers immense et aquatique de la Source.

Elle tenta de rassembler ses esprits et de se concentrer, son cœur battant à tout rompre. Au dehors de la chambre une fille plus âgée se préparait à toute vitesse et fonça dans une petite salle, tout en repoussant un petit garçon qui se dirigeait vers les mêmes lieux.

Prem’s !

J’y allais avant toi ! Ce n’est pas du jeu !

Trop tard, minus !

Elle rejeta son opposant avec force avant de verrouiller la porte.

“Ondine” resta silencieuse face à la scène, sans comprendre.

Ondine, tu n’es toujours pas habillée ?

La voix qui l’avait réveillée plus tôt appartenait à une grande dame, les cheveux châtains et les yeux verts. Celle-ci était revenue observer l’évolution de sa petite troupe. Avant d’ordonner :

Enfile vite tes vêtements, ton petit dèj t’attends dans la cuisine !

Tout en parlant, elle lui désigna la tenue du jour qui traînait au pied du lit avant de repartir en trombe.

“Ondine”  s'habilla tout en se déplaçant au dehors de la pièce. Quand elle eut fini, elle souffla quelques paroles au garçon qui patientait tout en se tortillant devant la porte verrouillé  : “Pardon… mais…”

Si tu veux aller aux toilettes, tu attendras ton tour, lâcha t-il implacable.

C'était qui, la dame de tout à l'heure ?

Il se retourna pour la regarder comme si elle était la dernière des idiotes avant de répondre machinalement :

Bah, c’est maman !”

Elle ne comprit pas tout de suite. Son esprit était toujours perdu dans la grotte remplie d’eau et de tous ses éléments merveilleux. Faisait-elle un rêve ? Ou était-elle dans la réalité ? Son esprit avait du mal à se focaliser.

Elle entendit une autre voix dans la chambre voisine qui pleurait à chaudes larmes. Cela contribua à embrouiller son esprit. Elle plaqua ses mains sur ses oreilles pour étouffer le brouhaha environnant et focalisa son regard sur un dessin affiché sur le miroir qui séparait les chambres, non loin de là.

Il représentait une famille. Elle lui semblait familière…

Son regard s'échappa du dessin avant de s'attarder sur son reflet. Tout en s'observant dans la glace, elle aperçut une petite fille aux traits fins et la peau mate, l'air méfiant.

Soudain, tout lui revint en mémoire : elle était une petite fille de 7 ans ordinaire; les deux enfants qui se disputaient la place des toilettes étaient son grand frère Nicolas et sa grande sœur Garance qui avaient chacun 2 et 5 ans son aîné. Le bébé qui pleurait, était son petit frère de 9 mois. Et leur mère, Evangeline, avait toujours autant de mal à gérer la crise du matin.

Elle se dépêcha de s’habiller avant de rejoindre la cuisine où cette dernière l’attendait pour prendre place à table. Elle désigna le bol qui avait été préparé à son intention. C’était des céréales. Lesquelles étaient déjà toutes ramollies vu le temps qu’elles avaient passé dans le lait.

La journée commençait mal.

Plus tard, dans la voiture, elle essaya de rester près de sa mère, le plus loin possible de son frère et de sa sœur qui étaient trop turbulents à son goût lorsqu'ils étaient ensemble. Sa petite taille aurait pu l'y aider : elle avait le droit de se mettre à la place avant de la voiture sur un coussin réhausseur toujours installé à côté du siège conducteur.

“Pourquoi c'est toujours Ondine qui est devant ? S'indignaient ses aînés

Parce que c'est la plus petite.

C'est faux ! C'est Sacha le plus petit d'entre nous.

Oui, mais il n'est pas là. Il est avec Mamy parce qu'il est malade. Donc vous filez à l'arrière ou je me fâche. Allez ! Zou !

Non, je refuse !

Devant la situation ingérable, sa mère capitula en faveur de l'aînée.

Ondine s'en fichait et voulait en finir au plus vite : elle n'aimait pas être dans le garage.

En effet, les lieux étaient toujours imprégnés d'une odeur au mélange d'humidité et de moisi qui finissaient par embaumer la voiture. Elle chercha à se changer les esprit en regardant les paysages urbains à travers la vitre. Mais son ventre se tordait de douleur.

Alors, Ondine profita d'être assise à côté de son frère pour lui poser une question. Elle ne voulait pas que sa grande sœur l’entende parce qu’elle se sentait mal à l’aise avec elle.

Nicolas ? Dis, tout à l’heure je ne reconnaissais plus rien en me réveillant. J’avais l’impression d’être dans un rêve. Comment tu sais quand on est dans un rêve ou dans la réalité ?

Nicolas la regarda à nouveau de travers.

Comment ça ?

Je ne me souvenais plus de qui j’étais… ni qui était maman ou vous… et encore moins où je me trouvais.

Nicolas constata que sa petite sœur était très sérieuse. Il soupira avant de lui dire : Quand tu rêves, tu n’as aucune sensation de douleur. Tu peux te pincer pour vérifier.

Garance qui avait l’ouïe fine compléta :

Très juste, les minus, tout en leur assénant des coups durs mais discrets. Là, vous êtes sûrs de pas rêver ! “

Bientôt, la voiture s'arrêta. Leur mère déposa rapidement les plus jeunes en les accompagnant uniquement du regard jusqu'á l'école avant de redémarrer au quart de tour vers le collège de Garance puis à son travail.

Lâchés dans la cours de l’école, les enfants frissonnaient. Nicolas sorti de son sac quelques gâteaux qu'il dévora devant sa sœur. Elle le regardait faire impassible. Ondine le suivait toujours. Il avait la faculté de s'adapter et de se fondre avec les autres enfants qu'elle n'avait jamais eue. Alors elle le suivait comme une ombre. Lui, n'y prêtait jamais attention.

Dans cette matinée de septembre, le ciel avait décidé de se montrer bougon. Il affichait des nuages gris et crachait de la pluie à n’en plus finir.

Ondine était vêtue des anciens habits de Garance et Nicolas qui étaient bien plus amples qu’elle. Le tissu lâche et traître de son pull laissait le vent s’engouffrer jusqu’à son corps démuni. Elle se recroquevilla sur elle-même pour ne pas gaspiller sa chaleur. Malgré ses gants et ses bottes, ses extrémités étaient déjà glacées.

Ses yeux lui piquaient de fatigue. Il était toujours très tôt lorsqu'ils arrivaient. Du coup, elle observait les éléments de la cours tout en rêvant. Les enfants arrivaient de plus en plus nombreux suivant que l'heure d'aller en classe approchait.

“Vous avez vu le dernier épisode de Poket Monster ?”

Ondine prêta une oreille attentive à la suite de la conversation et s'approcha discrètement du groupe d'enfants. Elle aimait bien cette série.

“Oui, c'était vraiment chouette quand pikapika a sauvé Sachu devant cette horde d'oiseaux !”

Ondine se contentait d’acquiescer sans jamais parler. Non pas qu'elle dédaignait ses camarades, mais plutôt qu'elle ressentait un trac immense. Cette angoisse profonde l'empêchait de regarder les gens dans les yeux. Et chaque fois qu'on s'adressait à elle, elle rougissait instantanément en fixant ses pieds. Mais sa couleur de peau ne laissait jamais rien transparaître, de sorte que ses camarades interprétaient souvent cela comme un manque d'intérêt. Et ils le prenaient mal.

Du coup, elle avait l'habitude d'être en retrait dans les cercles formés, avant d'abandonner totalement l'idée de s'intégrer.

La conversation dériva rapidement sur des jeux de garçon barbares, cela ne l'interressait plus. Elle était de nouveau ailleurs. Elle observait les nuages pour tromper l'ennui, tout en détaillant leur forme à travers une flaque au sol et imaginait mille scènes. Elle s'imaginait au milieu d'une aventure, sur une île que le cumulo-nimbus voulait bien lui inspirer.  

Seule la cloche l'arrachait à ses escapades imaginaire. Car même en classe, son esprit finissait par s'égarer. Ce n'est pourtant pas faute de chercher à comprendre les sons qui sortaient de la bouche de la maîtresse.

Elle a toujours fait des efforts pour comprendre ce qui se disait, mais elle voyait bien qu'elle était différente : elle ne comprenais jamais l'évidence. Et sa timidité maladive l'empêchait de poser les innombrables questions qui se bousculaient dans sa tête.

Alors, au fil du temps, toutes les leçons qu'elle recevait en classe revêtaient la sonorité d'une langue inconnue à ses oreilles. Elle n'était pas sourde, au contraire, elle percevait parfaitement le moindre son, mais son cerveau refusait d'interpréter la moindre information.

“Ondine ? Tu es avec nous ?”

Elle détestait cette question plus que tout. Elle voulait être invisible et que la journée se termine. Elle se contenta d'ailleurs de hocher la tête positivement pour répondre.

“Dans ce cas, peux-tu répondre à la question s'il te plait ?” Encore une question piège. Pourquoi fallait-il qu'elle tombe toujours dans le panneau ? Elle ne répondit pas et chercha à fuir le regard de toute sa classe réunie sans pour autant pouvoir s'échapper de sa place. Tout ceci était très inconfortable.

Bientôt, la maîtresse perdit patience. “Es-tu vraiment la sœur de Nicolas ? Parce qu'on ne dirait pas”

La phrase assassine lancée, elle blessa instantanément Ondine qui refusait de se donner en spectacle devant les gens. C'était sa mère qui lui avait appris que ce n'était pas digne de pleurer pour rien. Mais déjà des larmes roulaient sur ses joues. Alors, pour atténuer la douleur au creux de sa gorge elle fixa les nuages au loin qui la portaient vers un ailleurs très loin d'ici.

La cloche retentit de nouveau, c'était la récré. Elle traîna un peu avant d'aller au dehors. Ce qui permit à trois filles de sa classe de l'encercler.

“Dis, pourquoi tu ne dis jamais rien ?

“Je n'ai rien à dire”, pensa t-elle. Mais elle savait que cette réponse ne ferait pas bon accueil. Alors, elle répondit “je ne sais pas” dans un murmure, presque inaudible.

“Pourquoi tu regardes toujours vers la fenêtre ? C'est Floriant que tu regardes ?

C'est qui Florian ?

La petite fille tendit un doigt vers un garçon au joli visage. Elle reprit :

“T'es amoureuse ? Je te préviens, Jean est pour moi, Charles pour Héloise et Logan pour Florence. Du coup, tu peux prendre Florian.”

Ondine ne comprenais pas la question. Et ne voyait pas pourquoi cette fille traitait ses camarades comme des trophés. Il n'était jamais question d'amour à la maison. Alors le sens du mot lui échappait.

“ça veut dire quoi, amoureuse ?

C'est quand tu veux faire des bisous à quelqu'un.

Alors non, je ne suis pas amoureuse, dit-elle en détournant le regard, gênée par la nature intime de la question.

Ouh la menteuse ! Elle est amoureuse !!! “

Les trois filles entonnèrent ce chant comme étant la meilleure nouvelle de l'année. Bientôt, tous ses camarades étaient au courant de la rumeur. L'interressé compris. Sa réponse ne se fit pas attendre : “Moi, non. C'est dégoûtant !”

Humiliée, elle ne quitta plus la fenêtre de la journée sauf pour aller à la cantine et recevoir un repas dont l'aspect ne lui disait rien. Elle grignota quelques bouts de pain sans grande conviction. Son seul réconfort étant de voir des nuages de pluie aux formes complexes, ce qui lui permettait de rendre ses aventures plus palpitantes.

Celui-ci n'avait-il pas la forme d'une île au trésor ? Il y a bien une immense montagne entourée d'une jungle qui se termine par une baie. Et l'autre là ? Une baleine qui pourrait faire s'échouer un navire mais qui semble tellement sympathique.

Le soir, sa mère arrivait toujours tard. Les autres enfants ayant souvent tous déjà regagné leur foyer. Alors, elle écoutait la gardienne lire des histoires pour les plus petits qui attendaient eux aussi leurs parents. Elle adorait les histoires car elles lui permettaient de se propulser ailleurs que dans sa vie. Son frère, lui, concevait tout un tas de choses avec des pièces qu'il assemblait.

“Salut les enfants ! On rentre, il est tard! Oh ! Mais il est super ton vaisseau, mon grand ! Bravo, Nicolas !

Nicolas sourit, fier de sa création, tout en bombant le torse et tendant son œuvre à sa mère.

Par contre, il va falloir y aller. Et cette fois-ci, c'est Ondine devant, pas de discussion !

Dans le véhicule, le regard noir qu'elle récoltait depuis le rétroviseur ne contribuait qu'à accentuer son malaise d'être en voiture.

En fin de journée, c'était toujours le même rituel : leur mère demandait si tout s'était bien passé. Ce à quoi, Garance répondait en monopolisant la conversation pour se plaindre de tout et de rien.  Puis rentrant à la maison, leur mère préparait à manger pour tout le monde.

Mais ce soir, sa mère l'a prise à part. “Ondine, il y a eu un souci à l'école ? On m'a raconté que tu avais la tête ailleurs toute la journée…”

Ondine perçu la tristesse de sa mère comme une déception. Alors elle fixa le sol. Elle décida d'occulter la partie où elle avait pleuré et se focalisa sur un souci moindre et une curiosité plus accrue sur un sujet dont on ne parlait jamais.

On m'a demandé si j'étais amoureuse.

Et tu l'es ?

Non, bien sûr que non ! Je ne veux faire de bisous à personne !

Tu n'es pas obligée, tu sais ?

Ah bon ? Alors ça veut dire quoi “être amoureuse”?

Evangeline réfléchit un temps avant de répondre.

ça veut dire “vouloir être avec quelqu'un”, “penser à cette personne quand elle n'est pas là”, être triste si tu n'es pas à côté d'elle. L'amour peut se voir à travers une femme et son enfant, comme toi et moi. Mais si tu ressens un lien encore plus fort pour quelqu'un d'autre, c'est que tu es amoureuse de lui.

Ondine réfléchit en son for intérieur et aucuns de ses camarades ne correspondaient à ces critères. Et la définition que sa mère lui donnait de l'amour la réconfortait, au sens où elle ne se limitait pas à des bisous baveux. Rien que de se souvenir des visages de ses camarades, elle en avait la nausée.

Alors, non, je ne suis pas amoureuse, conclut-elle.

Bien, sourit Evangeline, ce n'est pas une obligation. Maintenant, on va appeler tes frères et sœurs et on va passer à table, dit-elle avec un clin d'oeil.

“Dites, les enfants, Ondine me parlait d'un sujet très intéressant ! Que savez-vous de l'amour ?

C'est ce qui unit des gens qui s'aiment ! Intervint Garance.

Ou alors quand on aime ses parents. C'est de l'amour aussi !

Oui, mais moi, j'aime maman plus que toi.

Non c'est faux !

Si c'est vrai ! Moi je l'aime comme ça ! Garance décrivit un grand espace entre ses deux mains.

Alors moi, je l'aime comme ça ! Nicolas élargit l'espace pour former un plus grand écart.

Alors moi, je l'aime comme ça ! Garance repoussa ses bras jusque dans son dos.

Hahaha ! Tu es bête ! L'espace est plus petit que le mien !

C'est toi qui es idiot, minus, l'angle que je forme avec mes bras est un angle obtu. C'est plus grand que ton mini angle aigu !

C'est pas vrai ! Maman ! Dis lui que c'est faux !

Evangeline riait à gorge déployée : j'ai bien peur que Garance ait raison pour son histoire d'angles. Mais je sais que vous m'aimez tous beaucoup. Et vous savez quoi ? Je vous aime moi aussi énormément !

Mais elle m'aime plus que vous deux parce que je suis l'aînée, clama Garance.

ça, non. Et je te rappelle qu'il y a Sacha, votre petit frère à tous qu'il ne faut pas oublier. Je vous aime tous de manière égale et je voudrais aussi que vous vous aimiez très fort les uns les autres.

Suite à ce discours, chacun se disputait les câlins de Evangeline. Et tout en enserrant ses enfants de ses bras, ils se repoussaient les uns les autres en s'écriant des “beurks” à tout bout de champs.

Ils riaient tous les quatre et chacun attribua un bisou au plus petit d'entre pour qu'il ne soit pas mis à l'écart.

“Maintenant, c'est l'heure de dormir ! Lavez-vous les dents et allez au lit !”

Ondine allait beaucoup mieux à présent. La nuit était son moment préféré de la journée. Même si elle devait subir les chuchotements de ses frères et sœurs avant de rejoindre la magie de ses rêves.

Mais un son de porte retentit depuis l'entrée. S'ensuivit une dispute qui se voulait étouffée mais que les enfants avaient très bien perçus. Ils cherchaient à comprendre ce qui se passait sans oser franchir la porte.

“C'est l'abruti qui est revenu, cracha l'aînée.

C'est pas bien de dire des gros-mots, Garance.

Je dis ce que je veux.

C'est quand même papa…

Il s'occupe pas de nous, c'est pas mon père. “

Ondine n'avait pas d'avis sur le sujet. Elle était simplement inquiète et souhaitait que la dispute cesse. Ils en étaient là de la conversation lorsque la porte s'ouvrit brusquement.

“Mais enfin ! Laisse les ! Ils dorment !

Ils dorment pas puisque j'entends des bruits ! “

Pris en flagrant délit, les enfants regardaient leur père affichant des mines différentes. Pleine de colère, de curiosité ou d'angoisse.

“Pourquoi tu me regarde comme ça, Garance ?

Je te regarde pas “”comme ça””.

Si, tu le sais et ne me réponds pas sur ce ton ! dit-il en lui assénant une giffle.

Evangeline intervint : ça suffit comme ça ! Ne te défoule pas sur les enfants !

Pourquoi tu prends toujours leur défense ? Tu vois bien qu'ils sont insolents ! Ils seraient dans mon pays, ça se passerait pas comme ça !

Oui, mais on n'est PAS dans ton pays ! Alors sors de cette chambre et laisse-les !

Sacha qui se réveillait, pleura devant cette agitation.

Bravo ! C'est malin, tu as réveillé Sacha ! Maintenant, tu sors de la chambre et tu les laisse tranquilles !

Leur “père”, les toisa un long moment d'un regard sévère avant de partir.

Connard ! Souffla Garance.

Chhhhhhht !!! Il va t'entendre !

Ondine observait sans un mot, les sens aux aguets. Mais il ne revint pas sur ses pas.

Evangeline quitta la chambre, en souhaitant la bonne nuit à ses enfants avant de refermer la porte.

Allongés tous les trois, ils n'osaient plus dire un mot. Mais tous étaient secoués par l'intrusion.

C'est Nicolas qui brisa le silence.

C'est vrai que tu ne te souvenait plus de rien, ce matin, ondine ?

Elle se contenta de hocher la tête.

ça doit faire étrange de tout oublier…

à cette pensée, tous les trois se turent. Ondine médita sur le sujet : elle avait toujours eu du mal à concevoir une frontière entre ses songes et le monde réel. Mais ce soir, elle avait fait une découverte majeure qui allait changer sa vie. La douleur était bien réelle, et le monde dans lequel elle vivait était pour elle un enfer. Elle aurait tellement préféré rester vivre dans son monde imaginaire…

Maintenant qu’elle voyait la différence et qu’'il lui semblait avoir le choix, elle décida de passer le maximum de temps dans ses rêves et songeries pour oublier son quotidien sinistre.

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