Entendre

Notes de l’auteur : Il manque des jalons avant, ce n’était pas une très bonne histoire. Un jour, je conjuguerai mes verbes.

Si son propre nom était un étranger, Busra n’avait de cesse d’inventer celui des autres. Et de raconter l’histoire de leur reflet, en elle même, à voix basse, comme un conte et deux chansons. Elle faisait rimer leurs ombres. Un visage au fil d’un pont, une main au bord d’une couture, une jambe nerveuse au gouffre d’un trottoir, un souffle, un ton, un plis, une oreille. Le monde était rempli de récits, de bois, de murmures et les files inconnus étaient toujours plus facile à glisser dans l’aiguille; elle préférait tisser sur l’eau que sur sa peau. En vérité, c’était son propre échos qui partout la poursuivait. Elle cherchait quelqu’un qui fracasserait le bourdonnement de sa lituanie. 

Elle n’avait pas encore compris que parfois, certains racontent avant même que l’on n’ai pu s’approcher. 

Il y avait des connus. 

 

La première fois qu’elle la vu, elle coupait des fraises. Elle était de dos et c’était la casserole manquante. Sa colonne était une flammèche, elle fondait la matière en une pièce unique et elle aurait pu faire rentrer la forêt entière dans sa cuisine. Elle découpait les fraises en quatre et les décapuchonnait. Elle dansait de la cagette à la marmite : son balancement battait la mesure des soupirs heureux entre les secondes. Quand Busra s’approcha, de côté, elle vu ses mains teintées de rouge. Il n’y avait pas de sang. C’était la couleur des taches de rousseurs, des peaux fraîches, des ongles tièdes, du bois et des matins. Elle avait, éclaboussée au creux de ses mains, la sève des aurores. Busra pouvait sentir chaque goutte glisser sur la planche comme au dégel, les quartiers de fruits avaient la forme de ce qui tombe du ciel et la femme, le regard des pluvieux, des ronds, des chauds, des clairs. Elle avait l’épiderme-confiture. Son couteau était couvert de ce jus vif comme d’un alliage floral, et c’était une plume entre ses doigts épais et sagaces. Sa lame semblait doucement sourire pour elle. Ses cernes étaient émoussées, son regard savait qu’elle avait déjà tout dit. 

 

Il y a des fois, où le temps rentre à l’intérieur de lui même exactement comme lorsque le dernier fil du tricot remonte les mailles pour boucler l’ouvrage. Il a des gens qui ne laisse pas d’échos mais beaucoup d’espace. Il y a des instants et des éternités dans l’air qui déploient des poumons. 

Souvent, il y a tout à la fois. 

Parfois, il n’est qu’un. 

Il n’est pas toujours utile de compter.

 

La première fois qu’elle la vu, elle séchait son visage face à l’immobilité. Il y avait des pierres où s’assoir, du soleil pour dessiner l’ombre, une voûte où respirer, des murets, un peu de mousse, et un corps. Elle avait le sourire aussi étiré que la brise et l’heure. On était entre chien et loup, au dessus de ses sourcils déjà, sautillait un feu ancestral. Sa peau sentait l’ambre, elle était froide, elle était vivante. Elle le savait. 

Elle a réveillé le silence. 

 

La première fois qu’elle le vu, son torse dressait des colonnes autour de lui pour jouer et prier. Il était plus beige que l’ocre lui même, il était plus poudreux que l’ocre lui même, il était précieux que l’ocre lui même. C’était un lynx, il avait peur du noir. Il ne savait rien, surtout pas qu’il portait la connaissance comme du cuir à même la peau. Il a rendu la vue à tous les recouverts. 

 

La première fois qu’elle le vu, il était aloe vera suspendu au dessus des rayons de poussières. Il était fragile et ses mailles flottaient sans attaches. Il attendait l’unification sans hâte, il n’avait aucune urgence, il était heureux. 

 

La première fois qu’elle la vu, elle était un corbeau à la loupe au milieu des épines. Sa voix était un croessement, rien n’était plus juste. 

 

La première fois qu’elle la vu, elle modelait son histoire avec de l’argile. Elle avait les mains dans la boue et les cendres, elle n’avait aucune pulsions, elle travaillait, elle était vraie. 

 

La première fois qu’elle la vu, elle imitait le soleil en riant au milieu des pavés et elle avait raison. 

 

Un jour, Busra comprendrait qu’il existe quelque chose qui encadre les vides entre les sonneries du téléphone.

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Alice_Lath
Posté le 04/07/2020
C'est super beau à nouveau haha, et oui, on sent bien Zarathoustra dans son aspect "livre mythique" et dans les phrasés. C'est vraiment super joli à nouveau et je me régale de lire tes productions, elles sont vraiment très touchantes et avec un style singulier qui les rend belles et agréables à lire. Je savoure chacune de ses parties avec beaucoup de régal, je dois dire !
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