Entracte - Le Plan

Annie ne riposta pas contre le sentiment de faiblesse qui s'insinuait dans son esprit, et dans ses veines. En effet, l'humaine ne se sentait pas seulement faible, mais carrément impuissante. Guingoise. Oui, elle n'était qu'un bibelot de verre fragile, mise à l'écart. Pour ne pas tomber, pour ne pas éclater en mille fragments de larmes. Annie était faible.

Elle n'était qu'un pantin effiloché ; affaissé, abandonné sur la scène, le tissu de ses membres piétiné par les rires et les pas des enfants. Un pantin qui finirait par recevoir la bouillasse matinale, qui se désarticulerait lentement, péniblement, jusqu'à devenir un morceau de laine et de bois informe. Annie était faible.

Cette impression, flottant dans sa tête depuis bien longtemps déjà, s'était à présent mise à naviguer dans son corps, dans le moindre recoin de son être. Elle circulait dans son sang. Contrairement aux autres Wolkenais, ce n'était pas la magie, qui coulait dans ses artères : c'était la faiblesse. Annie, quoi qu'on y fût, demeurait faible.

Ce sentiment l'enflammait tant qu'elle n'avait même plus possession de son corps. Oui, Annie ne bougeait plus, plus vraiment. Seul le mécanisme de ses pensées continuait infernalement de fonctionner, de lui remplir le cœur d'idées noires. De doutes. Son cœur en était tellement submergé présent qu'il se faisait lourd, éprouvé. Dans la poitrine d'Annie, il pendait à ses fils, faible et douloureux, comme elle. Comme le pantin.

Et la fleur de ses paupières demeurait fermée. Même si de la pluie traçait des chemins sinueux au coin de son regard timide, sur ses joues flasques de sommeil, flaques à larmes. Annie ne savait pas où elle résidait, actuellement. La surface que ses doigts tâtaient s'avérait lisse et douce, comme les pétales d'une rose fanée. Il s'agissait de sa seule certitude. Le reste n'était plus que chaos, brouillon de voix, éclairs de couleurs, battements de cœur fébriles. Pour la première fois de sa vie, Annie voulait abandonner la partie. Réellement. Se laisser absorber. Définitivement.

 

Du moins, ce n'était pas ce qu'espérait une certaine créature, à quelques kilomètres de là. Cette créature, tourbillon de rouge et de noir étroitement frappé par un sourire majestueux, descendait les marches d'un escalier dans un chuchotis de robe écailleuse. Le pourpre de ses yeux détonnait au milieu du lait de sa peau. Ils ressemblaient à deux flammèches prisonnières de la cire blanche de leur socle. Oui, c'était irrévocable, il se dégageait une telle royauté de cet être que quiconque passerait devant serait immédiatement saisi par l'envie de se prosterner.

Mais personne dans la pièce n'était là pour accomplir ce geste.

Cette femme restait seule, seule avec un oiseau étincelant perché sur l'épaule. Un filament de dentelle écarlate lui magnait quelque peu son impressionnante tignasse nocturne, qui ruisselait sur l'escalier comme la traîne d'une mariée maudite. Ses lèvres épaisses disparaissaient sous des couches d'un rouge brillant, rouge qu'elle approcha bientôt de l'oreille de son animal ailé. Quand elle lui murmura un chant au creux de l'esprit, il parut soudain terriblement excité. Ses ailes ardoisées se déployèrent, tandis qu'un piaillement assourdissant s'évadait de son bec argenté. Un rire de la même nature affleura de la gorge de la femme, un rire complètement démoniaque.

Autant qu'il était magnifique.

 -  Et n'oublie pas, Minuit, sourit Schyama, et ses fossettes s'accentuèrent. Je la veux vivante.

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Alice_Lath
Posté le 03/11/2020
Oooh, j'ai toujours aimé ces passages un peu introspection haha, et là je dois dire qu'il tombe à point nommé. En plus, ça rappelle un peu Schyama et on se reconnecte avec Annie par rapport au chapitre précédent
Bref, une partie courte et efficace, qui intrigue et surtout, j'ai envie de dire : Schyama, si ton piaf fait du mal à Annie, y'aura du poulet fermier à table dimanche midi
Pluma Atramenta
Posté le 03/11/2020
Oooh, merci <3 Je ne m'attendais absolument pas à ce que cet entracte plaise autant ! Je ne savais pas si une scène aussi différente des autres avait vraiment sa place dans ce récit... Merci, tu me rassures !
Haha, tu le découvrirais par toi-même x)

A très très bientôt !
Pluma.
Prudence
Posté le 10/10/2020
Hello, hello,

J'adore ce petit bout de texte. Il apporte de la fraîcheur, je trouve, beaucoup par son format très court, et efficace dans les informations qu'il transmet !

Schyama me fait drôlement penser à la Reine Noire du Paris des Merveilles, de Pierre Pevel (que je viens de finir de lire d'ailleurs xD)

La fin, tout en suspens, est parfaite. Magnifique réplique !
A part le début du chapitre aux phrases un peu biscornues parfois (mais il y a des phrases rondement menées qui sont superbes ! - le truc c'est qu'elles sont mélangées...), je trouve que tout marche bien et que l'essentiel est là. On veut savoir la suite. ^^

Bref, mon commentaire reste un peu flou, si tu veux des précisions, n'hésite pas, ou des questions... Voilà ;-)
Pluma Atramenta
Posté le 11/10/2020
Merci beaucoup Prupru ! <3 Ta lecture aiguisée me fait toujours autant plaisir (surtout quand elle transmet autant de compliments xD)
Je n'ai jamais lu Paris des Merveilles, la Reine noire ne fait donc pas du tout partie de mes inspirations !
Effectivement, j'aimerais peut-être que tu relèves les phrases biscornues, pour ne pas que je les confonde avec celles "rondement menées" en relisant ! XD

A bientôt ! ;)
Prudence
Posté le 15/10/2020
Oui, oui, je vais les relever ! Je reviens un peu plus tard (quand j'aurai attrapé un peu de temps) ! Avec les phrasounettes ! ^^

A bientôt ^^
Prudence
Posté le 20/10/2020
Donc, je reviens avec les phrases/mots qui me semblent "biscornus" :
-Guingoise -> je ne suis pas sûre que cela se dit
-Entre "l'écart" et "Pour", je mettrais une virgule plus qu'un point pour lier et fluidifier la lecture.
-Tu pourrais approfondir l'idée de scène et de pantin. Je trouve que c'est une bonne idée mais qu'elle reste un peu incomplète en comparaison à Annie. Je ne comprends pas bien, justement, le rapport qu'il y a entre elle et le pantin (au niveau de la métaphore) : Pourquoi "ressemble"-t-elle a un pantin ? Souffre-t-elle autant ? A préciser, je pense. (désolée si je ne suis pas très claire ou si je suis maladroite dans mes remarques... x))
-"bouillasse" -> c'est un peu brutal XD
-J'aime beaucoup la figure de style qui répète : "Annie était faible", ça donne un rythme. ^^
-quoi qu'on y fût -> je ne comprends pas la formulation
-le "Comme le pantin" à la fin du 4e paragraphe (je crois) me laisse dubitative. Je ne comprends pas pourquoi Annie se trouve si mal (même remarque qu'avant). Et le "le" suggère un personnage ou un objet plus qu'un simple comparant. C'est perturbant. Peut-être changer pour "Comme un pantin" ?
-"Annie ne savait pas où elle résidait" -> je ne suis pas sûre que "résidait" soit le bon mot.
-"Oui, c'était irrévocable" -> irrévocable : pas sûre que ce soit le bon mot (indéniable peut-être ?). ^^
-"magnait quelque peu" -> je ne comprends pas cette formulation non plus ^^'

Voili voilou !
Pluma Atramenta
Posté le 20/10/2020
Dakour, c'est plus clair comme ça ! XD Merci d'avoir pris le temps de relever tout ça, tu m'aides franchement <3
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