— On va courir ? proposa Tony.
— En tenue ?
— Avec le sac de matériel sur le dos, évidemment, dit-il.
— Ok.
Chris éteignit l’eau et s’essuya vite les mains, le reste de vaisselle attendrait. Elle se dépêcha d’aller se changer. Elle n’arrivait pas à être aussi décontractée que son mentor. Lui se baladait en caleçon dès qu’il était à la maison parce que ça lui permettait de s’habiller bien plus rapidement ensuite. Il lui avait demandé si ça la gênait, elle avait dit non. Ce n’était pas que ça la dérangeait, mais il fallait être honnête… il était son modèle. Il n’avait jamais peur. Il allait au-devant du danger sans jamais hésiter. Les spectres reculaient devant lui ! Mais quand elle le regardait traverser la pièce en bâillant, en caleçon et chaussettes… Son aura de héros en prenait un sérieux coup.
Elle ressortit parée pour le combat, sac sur le dos. Comme toujours, Tony était prêt avant elle. Elle le rejoignit et ils partirent au pas de course. Quand elle le vit préparer son grappin, elle arma le sien. Il avait parlé de courir, non ? Pourtant elle se retrouva à mélanger exercices de voltige, atterrissages, escalade de bâtiment et sprint. Tony, ça l’amusait, il avait l’air content de ses petits pièges. Elle se dit qu’il aimait bien être mentor et que ça lui réussissait bien. Elle le trouvait beau dans ces cas-là. Il perdait un petit peu son teint fatigué et devenait plus ouvert et heureux.
Il s’arrêta aux pieds du volcan et en observa le sommet.
— Tu es plus endurante, dit-il sans la regarder. Tu penses que tu t’en sortiras, toute seule dans les limbes ?
— Je vais bientôt le savoir, répondit-elle.
Il était juste devant le soleil et son profil était auréolé d’or. Elle se demanda si un jour elle aurait son degré de puissance. Ils avaient vingt ans de différence. À quoi ressemblerait-elle quand elle aurait quarante ans ? Si c’était à lui, alors elle avait hâte de vieillir.
— Mais je préfèrerais rester en duo avec toi.
— C’est vrai qu’on fait une bonne équipe, dit-il avec tendresse. Mais nous avons une charge. Il faut qu’on parvienne à sauver Eïr. Je sais que toi, tu ne rêves pas d’en sortir…
— Je suis née ici.
— Ça aide. Mais ma famille me manque. Je n’arrive même pas à imaginer ce que doit ressentir ma femme…
— Je n’ai pas dit que je ne voulais pas sauver cette ville. Ne raconte jamais un truc pareil à Strada. Mais si le reste du monde nous a enfermés derrière ce mur en nous laissant nous débrouiller avec les monstres, je ne suis pas sûre que j’ai envie d’avoir affaire à eux.
Il se retourna vers elle et la considéra, pensif.
— Ne sois pas rancunière. Personne n’est responsable de ce qu’il se passe, des explosions de ce volcan. Ce mur, c’est la seule réponse qu’ils ont pu donner.
— Une réponse ce n’est pas figé, insista-t-elle. Ce n’est pas parce qu’ils ont construit un barrage pour empêcher les monstres de sortir qu’ils doivent nous priver de tout et nous concéder des vivres à prix d’or. Ce n’est pas normal que nous devions payer si cher pour survivre alors que nous les protégeons.
— Ça, c’est vrai que ça me choque aussi. Il se passe quelque chose derrière les murs et j’aimerais bien savoir quoi. Je n’arrête pas de me dire que peut-être… peut-être qu’ici c’est difficile, mais si ça se trouve, là-bas ils subissent un truc encore pire.
Il se frotta le visage.
— Allez, ça ne sert à rien de se faire du mouron. On ne sait rien, ne rien savoir ne veut pas dire que ça se passe mal.
— C’est bien toi qui…
Elle se tut et écouta avec attention. Leurs regards se croisèrent. Elle vit de la compréhension dans ses yeux et tout de suite, ils se mirent à chercher les premières lueurs annonciatrices d’une éruption.
— Tu es sûre ? demanda-t-il après plusieurs secondes tendues. Tu l’as encore entendu ?
— Oui, affirma-t-elle. Ça va exploser.
Et comme pour lui donner raison, le sol commença à trembler dans un vacarme progressif et impressionnant. Une secousse plus forte que les autres les jeta tous les deux à genou. Les alertes se déclenchèrent dans toute la ville et tout le monde se rua en direction d’un abri, sauf eux deux qui se mirent à chercher les premières lueurs, les prémisses d’un couloir.
— Là-bas, prévint Tony.
Elle regarda dans la direction qu’il montrait, elle ne voyait encore rien. Ils couraient depuis une bonne minute lorsqu’elle décela les premiers cristaux, tout juste apparus. Ils se postèrent en dessous. La Brigade n’était pas encore là. Ils étaient largement en avance. Comme à chaque fois, ils firent basculer leur sac. Du coin de l’œil, Chris vit deux molosses tomber dans le vide au-dessus d’eux. Ils s’écrasèrent à leurs pieds. Tony les avait abattus dès qu’il les avait aperçus.
— C’est mouvementé, aujourd’hui, souffla-t-il.
Chris avisa une nuée de spectres qui sortait de la brèche à peine formée, loin au-dessus d’eux. Elle changea le mode de tir de son arme pour passer en rayons longs et continus et visa l’un d’eux. Une boule de guenille se recroquevilla et tomba, légère comme une plume, disparaissant avant de toucher le sol. Tony en abattit une autre, mais retint Chris alors qu’elle visait à nouveau.
— La Brigade s’en chargera, c’est son job. N’use pas ta batterie avant d’entrer dans les limbes. Ils arrivent.
Elle hocha la tête et repassa en ondes courtes et ponctuelles.
— Est-ce qu’on va vraiment y aller ? Ça a l’air…
— On y va, assura Tony. Sauf si tu ne le sens pas. J’irai seul.
— Non, c’est bon.
Le couloir était presque formé maintenant et tous les deux virent la camionnette de la Brigade surgir d’une ruelle et s’arrêter brusquement vers eux. L’équipe sortit rapidement et s’installa de sorte à empêcher d’autres débordements.
— Hop hop hop ! cria Strada. Il se passe un truc, il faut qu’on sache quoi.
— On est prêts, chef, annonça Tony.
— Vous êtes en avance. Allez-y, mais soyez prudent. Si ça craint, ne vous éloignez pas du portail et ne progressez pas trop vite.
— Ne t’en fais pas, répondit Tony. Nous sommes toujours prudents.
Ils se mirent en place, tirèrent et furent propulsés dans le couloir de cristal. Des larves étaient sorties, c’était la première fois que Chris en voyait hors du tunnel. Ça arrivait que la faille s’ouvre à un endroit où étaient massés une horde de monstres des enfers comme aujourd’hui, ça ne lui faisait pas particulièrement peur. Tant qu’elle était avec Tony, elle savait que tout irait bien de toute façon.
Ahhh bon ben du coup je crois que j'ai mieux compris à qui était la petite fille du premier chapitre... le pauvre, séparé de sa famille depuis si longtemps, j'ai de la peine pour lui.
Je ne pensais pas qu'il y avait autant d'écart d'âge entre élève et mentor, étant donné que Chris se retrouve très vite mentor à son tour, je pensais qu'on était plus dans les 5 à 10 ans d'écarts maxi. Mais j'aime bien cette idée, et ce moment où Chris s"identifie à lui en espérant lui ressembler plus tard est bien fait, touchant.
Mes quelques petites remarques / suggesitons :
- "Ce n’était pas que ça la dérangeait, mais il fallait être honnête… il était son modèle, il n’avait jamais peur, il allait au-devant du danger sans jamais hésiter, les spectres reculaient devant lui. Mais quand elle le regardait traverser la pièce en bâillant, en caleçon et chaussettes, son aura de héros en prenait un sérieux coup."
-> j'ai l'impression le découpage des phrases a un peu nuit à ma compréhension ; j'aurais tenté de garder dans une même phrase le début et la fin logique "il fallait être honnête (...) son aura de héros en prenait un sérieux coup", du style : "Ce n’était pas que ça la dérangeait, mais il fallait être honnête ; lui qui n’avait jamais peur, qui allait au-devant du danger sans jamais hésiter, devant qui les spectres reculaient devant lui... Il avait beau être son modèle, quand elle le regardait traverser la pièce en bâillant, en caleçon et chaussettes, son aura de héros en prenait un sérieux coup."
- "Médusée, elle se retrouva à mélanger exercices de voltige, atterrissages, escalade de bâtiment et sprint."
-> L'emploi de "médusée" m'a rendue perplexe ici ; paradoxe volontaire ?
- "Tant qu’elle était avec Tony, elle savait que tout irait bien de toute façon."
-> cette fin me fait très peur ! j'espère qu'il ne va rien arriver à Tony !!! (surtout maintenant que j'associe la voix de la petite fille du début à sa fille à lui)
Chouette chapitre en tout cas, à très vite !
Je suis navrée de te dire que… non. Chris n’est pas la petite fille de l’introduction. D’ailleurs c’est un petit garçon. Tu n’es pas loin, cela dit. Tu auras ta réponse dans la partie 2 (je crois que c’est le prochain chapitre que tu liras. )
Je comprend le problème que tu as soulevé avec ta première suggestion, mais la suite de «qui» me perturbe. Du coup, j’ai plutôt misé sur la ponctuation.
Médusée, je vais changer. J’ai tendance à oublier d’où vient le sens de ce mot…
Et pour le dernier et bien… et bien tu sais, maintenant !
Merci pour tes retours !
Bien que Chris semble vouloir ne jamais être séparé de Tony, la fin me laisse perplexe. dubitative. Je sens bien évidemment que ça va pas durer et qu'ils vont être séparer contre leur grés .
Horribles souffrances pour mon petit cœur d'artichaud lol
Oh ! Je suis désolée pour ton cœur artichaut ! <3 Mais oui, hein… si tout se passait bien, il n’y aurait pas grand chose à raconter.
Merci pour ce commentaire !
Quand ça parle pas de copie double ça me plaît mieux ^^'. xD
On en apprend un peu plus sur le lien entre le monde extérieur et intérieur ainsi que sur Chris et Tony, qui sont né chacun dans l'un des deux côtés du mur, ce qui est bien pour avoir des ressenti différents sur le monde.
On perçoit aussi mieux la relation entre Chris et Tony à travers cet entraînement et j'aime bien. Le chapitre suivant à l'air de promettre.
Merci pour la lecture !
Merci pour ce commentaire et bonne lecture !
J'aime bien le fait que les personnages, ayant des passés différents aient des réactions différentes :) enfin, la dernière phrase me fait dire : "ok, donc ils vont être séparés" ;)
Merci pour le partage!