Piccola Luce marchait tranquillement, sans pourtant savoir où elle se dirigeait. Levant les yeux, elle remarqua de légères nuances violettes sur le gris du ciel. Elle sourit face à ces couleurs qu’elle connaissait mais qu’elle n’avait plus vu depuis… si longtemps.
Elle choisit donc que ce sera par là-haut que son aventure commencerait. Luce, errant dans les rues, dénicha enfin un immense bâtiment, dont le sommet était dissimulé sous la brume. Elle poussa la lourde porte en bois de ses deux mains et pénétra dans un couloir étroit. Guillerette, Luce sautillait sur le carrelage en damier, et l’écho de ses pas joyeux se répercutait dans le corridor vide. Elle ne ne s’attarda pas sur les tableaux grisâtres qui ornaient les murs fissurés, et grimpa quatre à quatre les escaliers grinçants.
Essoufflée, Luce arriva enfin devant la porte qui menait au toit. Avant de la pousser, elle glissa un regard dehors par une petite lucarne empoussiérée. Elle ne discerna que des nuages vaporeux. Luce savoura sa petite victoire, réajusta les lanières de son sac à dos et ouvrit la dernière porte. Rien de mieux que de prendre de la hauteur pour comprendre le problème de la grisaille. L’aventurière survola les quelques marches, et arriva sur le toit. Le vent soufflait, faisait voler ses cheveux blonds, et elle dût ranger son chapeau de peur de le perdre. Luce s’avança à tâtons dans la brume opaque. En approchant, elle remarqua une espèce de géant diamant, gris, évidemment. Du bout des doigts, elle effleura cet élément incongru sur le toit d’un bâtiment. En parcourant de ses frêles mains l’objet, elle sentit des petites marches. Ses yeux s’agrandirent de stupéfaction. Elle n’était pas encore tout en haut, il fallait encore monter ! Luce prit son courage à deux mains et agrippa les deux rampes des minuscules escaliers à même le joyau. Elle commença fébrilement la montée, un peu recroquevillée pour éviter d’être emportée par le vent. Les yeux vers son point d’arrivée, elle découvrit une silhouette, ressemblant à une énorme gargouille avec des ailes.
- Bonjour ? demanda-t-elle timidement.
Luce eut l’impression que sa voix se perdit dans l’air mais, quelques secondes après, on lui répondit.
- Bonjour.
Ragaillardie, l’aventurière contempla l’ombre devant elle. C’était une forme tout à fait humanoïde si l’on omettait les immenses ailes qui s’accrochait à son dos, assise sur le diamant plus ou moins de la manière du penseur de Rodin.
- Qui êtes-vous ? continua Luce
- Quelqu’un, sans doute, répondit la voix grave.
- En effet, mais, ce n’est pas une identité, si ? rétorqua l’intrépide.
- C’est déjà pas mal, tu ne trouves pas ?
Luce s’assit sur une marche étroite.
- Je ne sais pas, finit-elle par souffler.
Le vent sembla enfler soudainement plus fort, et un froissement de plumes fit se retourner Luce. La silhouette s’était mise debout et battait des ailes.
- Hé ! s’exclama Luce. Ne t’en va pas !
La silhouette se plaça face à l’aventurière quelques instants. Luce dévisagea un peu mieux son interlocuteur, mais la pénombre l’empêchait de l’observer vraiment. C’était un homme avec de géantes ailes tel un oiseau, et il semblait nu. L’homme-oiseau filait dans les nuages, tourna autour du diamant, avant de se reposer dessus. Il y eut un silence que Luce ne tarda pas à briser :
- J’ai cru que tu allais partir. Ça aurait été dommage, je suis sûre qu’on a des choses à s’échanger.
- Tu crois vraiment ça ?
Luce haussa les épaules.
- Bien sûr, ce n’est pas parce que je suis petite que je suis bête.
- Oh, je voulais dire que moi, je ne sais pas si j’aurais quelque chose à t’apprendre.
Luce se redressa, et leva les yeux vers les prunelles de l’homme-oiseau.
- Évidemment. Tiens, apprends-moi à voler par exemple.
L’interlocuteur rit doucement, c’était un rire éraillé, comme une porte mal huilée.
- Tu n’as pas d’ailes !
- Et toi tu ris mal, déclara Luce la moue boudeuse.
De nouveau, le silence s’empara du haut du toit, il ne restait plus que le souffle du vent comme une respiration sifflante.
- J’avais juste envie de liberté… souffla Luce. Je veux dire, voler, ça à l’air tellement merveilleux ! Battre des ailes, sentir la brise caresser son corps, plus de gravité. Je n’aime pas la gravité. En l’air, tout doit être plus léger. Plus libre.
- Tu sais, quand on a des problèmes, ils nous suivent toujours, que tu t’enfonces sous terre ou que tu touches les étoiles. Ils peuvent même t’empêcher de voler.
Luce ouvrit de grands yeux.
- Tu vois, tu viens de m’apprendre quelque chose… - elle se tut un instant, hésitante – Tu as des problèmes que tu emmènes dans les airs ?
- Oui...
- Quoi donc ?
- Je suis seul.
L’aventurière fronça les sourcils.
- Ben, non, je suis là. Ça fait deux.
- Avant que tu n’arrives, j’étais tout seul, et quand tu partiras, je le serais de nouveau.
- Oui, mais là, je suis là.
L’homme-oiseau replia ses ailes tout contre lui contrastant avec son menton levé.
- A part toi, personne n’aime me parler.
- Ah bon ? Pourquoi ?
- Parce que j’ai des ailes.
Luce sourit.
- Et alors ? C’est trop bien de pouvoir voler !
- Oui, mais les autres n’aiment pas ça.
Le visage de l’aventurière traduisit sa stupéfaction.
- Ça alors !
- Ils aiment pas, parce qu’ils ne comprennent pas.
Dans la voix de l’homme-oiseau résonnaient des larmes cachées. Luce se mit à parcourir les dernières marches avant d’arriver au sommet du diamant. Se faisant, elle parlait :
- Pourquoi ils ne comprennent pas ? Qu’est-ce qu’il y a à comprendre déjà ? Et pourquoi ils n’essayent pas de comprendre ?
- Ils ne comprennent pas que je puisse être différent d’eux, qu’ils n’ont pas d’ailes et moi si.
Luce se concentra sur l’équilibre qu’elle maintenait, les yeux rivés sur le diamant pendant que l’homme-oiseau se décalait.
- Je ne comprends pas parce qu’il n’y a rien à comprendre… soupira Luce. Tu es né comme ça, tes parents devaient être comme toi, et puis voilà.
L’homme-oiseau hocha la tête.
- Je leur ai expliqué, mais… Ils me regardent toujours avec méfiance.
- Ils ont peur de ta différence, alors.
- Sans doute.
Luce leva les yeux vers son interlocuteur, doucement souriante.
- Tu sais, si tu leur a expliqué ta différence, mais qu’ils ne l’acceptent pas, je crois qu’il n’y a plus rien à faire de ton côté. Ils verront peut-être un jour qu’il n’y a pas à avoir peur de tes ailes, s’ils réfléchissent un peu. En attendant, je suis sûre qu’il y a d’autres gens comme moi, qui aiment ta différence !
- C’est gentil. Mais, je crois tu es la seule, lâcha l’homme-oiseau.
Luce leva les yeux au ciel.
- C’est moi qui ai dû venir jusqu’à toi, maintenant, à toi d’aller vers les autres. Comment peux-tu savoir qu’ils ne t’aiment pas ?!
L’homme-oiseau soupira.
- Ça sert à rien de rester comme ça, triste, tout seul. Faut te bouger.
- Mais… - il se mit à sourire, gêné – j’ai… j’ai un peu peur.
- Et alors ? Tu vas te battre contre tes peurs, comme devraient le faire les gens qui ne t’aiment pas. Faut se battre un peu, tout ne vient pas d’un claquement de doigts !
Luce se mettait à gesticuler dans tous les sens, faisant des roulis avec ses bras, et bougeant sur ses pieds pour conserver son équilibre. Ajoutée à cela sa mine en colère, l’homme-oiseau ne put se retenir de sourire.
- Ne bouge pas comme ça, tu risques de tomber.
Il lui tendit la main. Sans hésitation, elle la prit fermement.
- Tu m’as écoutée ?
- Oui.
- Et tu vas le faire ?
- Oui.
Un sourire rayonnant fendit le visage de Luce. L’homme-oiseau ressentit une étincelle briller et réchauffer son cœur. Ses ailes passèrent du gris à un blanc aux nuances violettes. Sous leurs pieds, le diamant rosit et étincelait grâce aux rayons de joie. Luce rit de son rire cristallin.
- C’est parfait ! chantonna-t-elle.
L’homme-oiseau acquiesça, puis demanda timidement :
- Quel est ton nom ?
- Piccola Luce.
- Merci, Piccola Luce.
Sur le dos de l’homme-oiseau, Luce respirait l’air qui fouettait son visage. Elle riait à gorge déployée dans le ciel. À une vitesse fulgurante, son compagnon volait dans le ciel teinté de violet. On aurait dit une étoile filante.
- Quel est ton nom à toi, homme-oiseau ? demanda l’aventurière.
- Libero.
- C’est joli, j’aime beaucoup !
Enfin, après le petit tour dans les airs, Libero déposa Piccola Luce sur le trottoir d’une rue déserte.
- Hum, Luce ?
- Oui ?
- Tu pourrais m’apprendre à rire ?
L’aventurière hocha vigoureusement la tête.
- Il faut juste être joyeux, mais vraiment, sans faire semblant. D’accord ?
- D’accord… acquiesça l’homme-oiseau un peu perdu.
Elle plongea ses mains dans son sac à dos et farfouilla pendant quelques secondes. Pour finir, elle sortit des feuilles, ainsi qu’un flacon.
- Voici des partitions de rires, mais n’hésite pas à improviser et de t’en détacher quand tu seras à l’aise. Ensuite, des petits comprimés pour que ton rire ne te fasse pas mal. C’est comme un mal de gorge qu’il faut soigner. Prends-en pendant les coups de déprime, mais pas trop non plus.
Libero récupéra ses cadeaux avec des yeux pétillants pendant que l’intrépide ramassait une plume violette tombée au sol.
- Merci, Piccola Luce.
Mais la jeune aventurière avait déjà reprit sa route, le cœur débordant de joie, et une plume dans la main qu’elle ne tarda pas à ranger dans son sac à dos, comme un précieux souvenir.
Prendre les choses comme elles viennent, ne pas se torturer de questions ou d'a priori .
Se contenter de la beauté.
Luce s'est promis d'effacer la grisaille... en fait, ce n'est pas si compliqué héhé ;)
Je me permets (comme tu es nouvelle) de te dire, déjà bienvenue ! Ensuite, n'hésites pas ici à critiquer (j'entends par là le positif comme le négatif) les écrits, en pointant ce qui te semble ne pas aller (incohérences, style lourd, répétitions...) ou ce qui t'as plu. La majorité des Plumes sont vraiment ouvertes aux critiques (tant que c'est bienveillant évidemment x) pour progresser et améliorer nos écrits. J'espère ne pas t'avoir fait peur avec mon laïus aha XD Sens toi liiiiiiiibre comme l'air !
Merci d'être passée sur mon humble écrit, ça me fait très plaisir <3 Installe-toi bien sur Plume d'Argent !
J'ai vu que d'autres t'ont déjà fait des relevés précis de fautes, c'est pour cela que je n'en ai pas parlé. Et puis, si tu les corriges, le commentaire reste, non? Ca serait sans doute mieux en commentaire privé, on peut en faire sur ce site?
Enfin bref, désolée de parler technique x)
♥
Les partitions de rires sont une très belle trouvaille, surtout avec la recommandation qui va avec, de s'en éloigner quand il sera prêt ♥
Merci énormément, ça me fait plaisir de voir que mon humble conte plaise ! <3
Quelques suggestions, à toi de juger :
« comprendre le problème de la grisaille » : « étudier » ou « saisir » à la place de « comprendre » ?
« L’aventurière fila dans les quelques marches » : fila dans, pas sûr que ça se dise. « fila le long des quelques marches » à la place ? Ou : « survola les marches » ?
« Luce s’avança » : « Luce avança » ?
« En s’approchant » : « En approchant » ?
« une espèce de géant diamant » : « une espèce de diamant géant »
« des petites marches » : « de petites marches » ?
les deux côté(s)
« et agrippa les deux côté des minuscules escaliers à même le joyau » : je ne comprends pas cette phrase.
« Ne t’en vas pas » : « va pas »
« je parlais que moi » : « je voulais dire que je ne sais pas… » ?
« C’est moi qui a dû venir » : « C’est moi qui ai dû venir »
« Tu m’as écouté » : « Tu m’as écoutée » si c’est Luce qui parle.
« ne te fasses pas mal » : « ne te fasse mal »
Merci de tes suggestions, je note et corrigerai au besoin :)
J'espère que ta lecture te plaît,
Peace :)
Mais est-ce que c'était bien ? Voui, bien sûr.
C'est, pour moi, quelque chose qui respecte vraiment l'essence d'un conte de fées. C'est absolument adorable, les métaphores de-ci de-là sont simples mais assez futées, les personnages sont très bien amenés, très bien caractérisés sans trop en faire des caisses et ça les rend vraiment attachants, c'est adorable, le monde aussi est très bien présenté (j'avoue qu'un monde dépourvu de couleurs, ça m'a fait penser à "De Blob", même si ça n'a rien à voir mais dans tous les cas, c'est un compliment de ma part) et, ah oui, C'EST TROP ADORABLE !
Donc, ouais, j'avoue que ce début d'histoire me plaît bien et que j'me demande où ça va aller. Ça va dans ma Pile à Lire et crois bien que s'il arrive quelque chose de mal à Luce, je maudirai pour les treize prochaines générations tout ce qui lui fait du mal ou l'empêche de réussir sa quête. Même si c'est quelque chose d'immatériel, rien à battre.
Rolala, contente que tu aimes même si ce n'est pas ton domaine de prédilection, raaaah, je ne suis que joie !
Cette histoire, je la découvre en même temps que je l'écris (même si j'ai quelques idées en vrac que je voudrais placée) et j'avoue apprécier l'exercice. Je rencontre les personnages avec les cartes du Dixit et j'écris en fonction du coup, j'ai même très hâte que le lundi arrive et que je puisse découvrir les nouvelles aventures ^^ (je connaissais pas De blob, j'ai fait un tour sur la page wikipédia et j'avoue qu'il y a quelques similitudes) :)
Enfin bref, je me demande moi-même où je vais exactement, mais j'espère que ça te plaira x)
Ahaha, oui, ce serait terriblement injuste pour Luce, *prépare une malédiction au cas où on lui fait du mal*
Vraiment, merci beaucoup pour ton commentaire, ça me touche en plein coeur ! <3
(Bonne nuit ^^)