Epilogue

J'ai survécu. J'ai eu l'immense chance d'échapper aux backrooms, ce qui n'est pas offert à tout le monde. Dans un groupe de parole réservé aux personnes qui ont fait face à ces lieux épouvantables, certains ont témoigné du soutien tout en décrivant leur périple sordide. Des fois iels ont perdu des frères ou des sœurs en croyant que ce serait amusant. D'autres ont vu des gens mourir en cherchant quelqu'un qui a disparu à l'intérieur, et d'autres encore parlent des entités rencontrées. Ce ne sera pas facile tous les jours de vivre avec de tels traumatismes. Heureusement, mon entourage ne se doute de rien. On pourrait imaginer qu'un-e survivant-e va se précipiter sur internet pour relater ce qu'il lui est arrivé, se confier à ses proches. Je ne fais pas partie des aventuriers, et tout ce que j'ai vu et vécu est trop compliqué à raconter pour le moment. Ce lourd secret, je le partage ici en espérant trouver un jour des réponses sur ce qui nous est arrivé.

Jusqu'où sommes-nous capables d'écrire de tels voyages, aussi cauchemardesques soient-ils ? J'y réfléchis constamment quand je regarde les recommandations proposées par l'algorithme. Est-ce qu'on n'est pas un peu étranges à notre manière face à ces récits, et peuvent-ils prendre le contrôle sans que nous puissions nous en rendre compte ? Cela fait beaucoup pour un seul cerveau, me diriez-vous, nourri alors par trop de choses qui m'échappent. Peut-être que je me pose trop de questions aussi.

J'ai plusieurs fois repensé à Ynes avant de recevoir un message étrange.

« Salut. J'espère que tu profites de ta liberté. Elle est très précieuse. Ton soutien, que tu pensais probablement inutile, a finalement porté ses fruits. Des gens sont venus me chercher pour me sauver et j'ai pu retrouver mes proches, merci pour tout. Je ne peux pas tout t'expliquer sur le comment j'ai pu survivre aussi longtemps, ce serait étrange de tout détailler, mais crois-moi, je vais parfaitement bien aujourd'hui, malgré le souvenir douloureux infligé à ma jambe. Prends soin de toi, savoure ce cadeau, on ne sait jamais quand on peut tomber ».

Les yeux humides, je ne peux m'empêcher de sourire intensément.

Finalement, la chance et la lumière nous sont parvenues.

Merci à vous pour nous avoir aidé dans cette terrible mésaventure.