JOUR 7 : Le grillage

Notes de l’auteur : TW : Sang, blessure

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Ce sont les chiffres que l'on entend lorsque la radio se remet en marche, la réception du message est entrecoupé par des bruits blancs effroyables. Un silence a duré deux bonnes heures avant cela. Je pensais ne plus pouvoir espérer. L'adrénaline éveille mes membres, me redressant pour observer Ynes qui teste ce code. Le cadenas s'ouvre. Pendant un court instant, nous échangeons un regard de soulagement mélangé à du triomphe. Je regarde ensuite mon téléphone qui vibre sous mes doigts affaiblis.

À quoi so ▄▄▄▄▄▄▄ les failles ?

Les failles. Je ne comprends que partiellement le texte, et mes pensées s'éclaircissent quelques secondes. Toutefois, je pense qu'on pourra reconnaître la faille que l'on cherche lorsqu'on tombera dessus. Ynes ouvre les portes du garage, parée pour un nouvel affrontement. L'air glacial atteint mon visage, caressant mes bras égratignés. Tout mon corps se met à frissonner. Il fait nuit. Aucune étoile ne brille, comme si le ciel était couvert. J'arrive cependant à reconnaître quelques arbres grâce à la lumière émise par la camionnette rouillée. Ynes semble dépitée car rien ne nous permet d'identifier les potentielles menaces à venir. Elle vérifie encore le véhicule pour s'assurer que nous n'avons rien oublié. Aucun autre élément n'a été repéré ou récupéré. Elle enfile le sac et m'aide à me relever. Je soupire en grimaçant de douleur. Pourvu que nous ne soyons pas loin de la sortie...

— Je suppose que nous devons marcher là-bas. Comme c'est un environnement plus ouvert, il faudra faire attention.

— Oui. La boussole nous indique de marcher droit devant.

— Ce n'est pas plus mal si c'est un détecteur de faille. Tu penses arriver à courir ? Tu préfères que je te porte un peu pour te ménager ?

— Pas dans l'immédiat, mais s'il le faut...

— Je vois. N'hésite pas me dire quoi faire, si je peux t'aider.

Je hoche la tête, touchée par son attention. Nous avançons. Nos pas nous mènent jusqu'au cœur de bois envahis par la pénombre. Je tremble légèrement de froid, et sûrement de peur aussi, en tenant la lampe torche. Mon esprit appréhende une mauvaise rencontre, je souhaite qu'il se trompe pour une fois. Chaque niveau a parfois ses mystères. De ce que j'ai pu apprendre, ces endroits ne respectent pas des règles strictes. Je me demande tout de même par quoi ils peuvent bien être façonnés. Si d'autres sont tombés ici, combien d'autres tomberont encore ? Est-ce possible de tomber de nouveau dans les backrooms ? Bien qu'Ynes demeure posée, sa respiration haletante la trahit. Elle est aussi angoissée que moi tout en tenant à rester concentrée sur notre objectif. J'admire un peu cela. J'observe par moments la boussole. Elle pointe continuellement une seule direction que nous suivons progressivement côte à côte.

Puis, un craquement.

J'éclaire autour de nous. Rien. Nous poursuivons notre trajet, sur nos gardes. Quelque chose de bien plus grand se tient juste devant. Un arbre au tronc gigantesque, mort vraisemblablement, à en croire son apparence et sa curieuse couleur. En le contournant, je ne remarque pas que la flèche de la boussole a changé de route. La flèche s'est tordue tout à coup. Un petit bruit strident a attiré mes yeux dessus. Je sursaute de frayeur. Ynes tourne et trouve, accroché sur l'écorce sèche, une autre page avec des yeux dessinés autour de quelques mots encore griffonnés.

"Je vous vois".

L'atmosphère devient alors oppressante. Une brise funeste atteint ma nuque. Nous sachant suivies à présent, il est certain que nous sommes en danger. Ce n'était qu'une question de temps avant que cette entité ne se manifeste, si ce n'est la même que dans les escaliers. Le moyen de la vaincre reste un mystère. Nous pressons le pas. L'effroi me prend sans scrupules à un point tel qu'il devient difficile de regarder devant moi, imaginant cette chose surgir. Ynes prend ma main avec douceur.

— Il faut éteindre la lumière.

— Mais sans lumière, on ne pourra pas voir quoi que ce soit...

— Il faut semer ce truc. Il ne faudra pas se lâcher.

— D'accord.

J'inspire profondément avant d'appuyer sur le bouton off. Je suis Ynes machinalement. La direction ne peut être que droit devant, je suppose, même si la boussole a changé de trajectoire. La soif se fait sentir, et l'inattendu commence à nous désorienter. Je ne sais plus si nous avons tourné ou si nous sommes restées sur le même chemin. J'évite de justesse un arbre dont les branches griffent ma peau glacée. Mes oreilles reconnaissent quelques bruissements dans des herbes, non loin de notre position. Je suffoque à mesure que nous nous déplaçons. Un grésillement constant, similaire à la radio, rappelant presque les néons du niveau 0, torturent notre ouïe. Je tente de rallumer la lampe.

— Elle ne marche plus. Qu'est-ce qu'on fait ?

— Attends, j'ai entendu quelque chose.

Nous nous arrêtons pour écouter. Je sors mon couteau, prête à me défendre, quand quelque chose se met à nous courir après, exactement là où la boussole devait nous mener. Tétanisées, mes jambes se figent dans la terre humidifiée par ce froid automnal. Ynes prend mon bras et me tire de toutes ses forces.

J'étouffe.

Mes doigts reprennent le peu de lucidité qui me reste pour allumer l'écran de mon téléphone. 10% de batterie. Pour m'assurer que nous ne tombons pas dans un terrible piège, j'allume la lampe. Aussitôt, nous distinguons un piège à ours. Il est trop tard...

Ynes marche dans le piège sans pouvoir y échapper, m'entraînant dans sa chute suivie d'un long hurlement terrifiant et douloureux. Je me lève, totalement paniquée, au bord des larmes. Elle est blessée et je ne peux rien faire, impuissante face à la situation. Elle tente malgré tout d'écarter les dents du piège en accentuant son supplice. Ses mains se teintent du rouge de son propre sang, la plaie est profonde et agrippe le muscle.

— Merde, merde, merde, attends, je vais récupérer le Leatherman !

— Je ne pourrai pas courir de toute façon. Il faut que tu te sauves. Rapidement.

— Je ne peux pas te laisser comme ça.

— On aurait dû partir d'ici ensemble, mais ce ne sera pas possible. Tu dois continuer et en profiter pour fuir. Profites-en avant de rester enfermée ici. Appelle de l'aide quand tu seras libre.

J'enlace ses doigts, remplie de compassion, de chagrin et de regrets. Je lui restitue la hache qu'elle reprend en main avec fermeté, puis lui confie la boussole en espérant qu'elle lui sera utile. Désespérée, je me tourne et cours sans me retourner. Au bout de quelques minutes, je me retrouve face à un grillage. Je ne peux pas le grimper. Je sors le Leatherman pour ouvrir un passage avant de me glisser de l'autre côté. J'entends un cri. L'âme déchirée, je continue ma course, plus vite, la tête en ébullition, le visage brûlant, les poumons en feu, l'estomac renversé, la conscience perdant pied. Bien qu'il fasse noir, mes yeux se sont habitués à l'obscurité. Je touche la pierre se dressant devant moi. En la parcourant de mes mains, je sens une fissure. C'est une entrée ou une sortie. Je ne sais pas. Je traverse ce que je crois être la faille sans savoir ce qui m'attend.

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