Les deux conseillers de la Guilde des Musiciens furent les premiers à quitter la réunion. A peine sortis du bâtiment, ils sautèrent dans un carrosse à orgue de barbarie et filèrent en direction du port. Le véhicule tressautait sur les pavés, au rythme du pédalage du conducteur et de la mélodie enfantine de l’orgue.
— Rahh ! Cette musique m’énerve, elle m’empêche de me concentrer ! bougonna la cantatrice en tapant du pied.
Le danseur qui essayait d’installer confortablement son corps longiligne sur la banquette opposée à la chanteuse ouvrit un œil en gémissant :
— Moi je trouve qu’elle berce cette musique… Franchement, vous représentez les musiciens et leurs arts, le critiquer gratuitement c’est petit…
— Là, maintenant, je déteste tout et tout le monde. Ça vous va !?
L’homme en face d’elle leva les mains en signe d’apaisement et tenta à nouveau de placer ses jambes de la manière la plus confortable possible.
— Non mais franchement !? lui hurla la cantatrice qui avait trop longtemps contenu sa rage, on s’est fait insulté combien de fois là-dedans !? Tout ça parce qu’ils se sentent impuissant, il faut qu’ils la ramènent, moi je vous le dis…
— Déjà la prochaine fois lisez les notes, la coupa le danseur d’une voix grinçante, pour la Valfreyja vous ne seriez pas passée pour une empotée face à l’académicienne…
La cantatrice émit un son qui brisa un instant la mélodie de l’orgue. Le véhicule tressauta et se balança dangereusement. Le corps du danseur décolla de la banquette et retomba dans le désordre.
Le conducteur freina et tapa sur le panneau de bois qui le séparait de ses passagers.
— Sauf votre respect Madame, Monsieur, si vous pouviez faire gaffe. Je sais bien que je dois pas trop vous dire des trucs mais si c’était possible qu’on ne se renverse pas, ça m'arrangerait.
La cantatrice bredouilla quelques mots d’excuse avant d’encourager fermement l’homme à poursuivre leur chemin. Puis elle reporta son attention sur le danseur agacé qui essayait de retrouver une bonne position pour dormir.
— Ne me jouez pas de la flûte, lui lança-t-elle d’une voix plus basse, vous allez me faire croire que vous lisez les notes des enquêteurs ? Vous ?
Le danseur-étoile soupira avant de fixer intensément la cantatrice de ses yeux verts.
— Il y a deux façons de danser en politique, on peut faire comme vous, imposer sa présence, essayer d’avoir le dernier mot… Ou on peut être plus discret, bosser ses dossiers, laisser les autres parler et écouter. Puis agir. C’est dans les actes qu’on se révèle, pas en paroles et en fanfaronnades.
— Est-ce que ce sont des insultes déguisées qui me parviennent ou j’entends des voix ?
— Je n’ai pas dit ça, mais vous le savez bien… C’est comme ça qu’on agit, vous faites la forte tête et je suis celui qui se fiche de tout. Vous êtes dans l’affrontement, le combat d’opinion, je suis dans la mesure et la préparation…
La cantatrice rit. Un rire puissant qui fit ralentir le chauffeur du véhicule. Au cas où…
— Comme quand vous avez failli attaquer le Bateleur ?
Le danseur jura dans une langue aux accents gutturaux :
— C’était une erreur… C’est à cause du danseur.
— Le danseur ? Ah oui, le danseur… J’ai bien vu qu’il vous avait perturbé celui-là… Qui est-ce ?
— Je ne suis pas sûr… Mais si c’est celui auquel je pense, c’est un gros problème !
Les deux conseillers s’enfermèrent petit à petit dans le silence, chacun réfléchissant à tout ce qu’il s’était dit.
— En tout cas, si jamais cette gardienne des chimères réapparaît, reprit d’un ton calme la chanteuse, il faudra agir. Aujourd’hui c’est notre guilde qui est sur le devant de la scène, pas question de repartir en arrière. Tout ce qui se place entre nous et les chants de victoire doit être éliminé.
La cantatrice fanfaronne déborde d’arrogance, et sa colère est presque palpable. Voilà un personnage qui, du haut de sa prétendue supériorité, supporte mal d’être remis à sa place ! Sa conduite dans le carrosse, cette voix qui désaccorde tout autour d’elle… c’est brillamment mis en scène, on s’y croirait. Quelle antipathie elle dégage !
Mais voilà que Gaelyn vient perturber ses plans, et la voir vaciller ainsi, prise à son propre jeu, a quelque chose de délicieusement satisfaisant. J’ai hâte de voir jusqu’où cette tension va nous mener !
A bientôt
Oui elle se voit déjà dans l'équipe gagnante ça aide à être arrogante, mais il préférable de ne pas vendre la peau de l'ours...
Bonne journée!
Je ne sais pas si c'était ton objectif, mais moi en lisant la fin je me frotte les mains à l'idée que justement, la gardienne des chimères aille bousculer leurs plans XD
C'est amusant qu'à force de crier elle fasse "dérailler" le véhicule ! je me suis dit ouah ! trop bien trouvé ! En plus je visualise très bien ^^
Je n'ai plus grand chose à dire sur la forme / fond, c'est bientôt la fin (snif) mais je continuerai à lire et à te lancer des fleurs !
Oui ce n'est pas un mal d'aller enquiquiner les musiciens qui font bien les malins!
Pour le véhicule, c'est un carosse à orgue de barbarie, donc il fonctionne à la musique.
Le problème de la musique c'est que c'est puissant mais volatil, et si le rythme se brise...
C'est pour ça que le transport par musique n'est pas si évident et doit être canalisé, d'où le train à orgue par exemple. J'ai une petite nouvelle qui parle un peu du début de cette nouvelle ère technologique musicale et métallique...
Toute bonne chose à une fin (toute mauvaise aussi, la preuve...). C'est tout gentil les fleurs! A moins que tu ne comptes me lancer dessus des rafflesias !
Et merci, merci et... Encore merci de m'avoir lu avec tant d'enthousiasme !