Epilogue

La dépêche de l’Ouest, édition du 02 octobre 1956

Notre belle ville une fois de plus épargnée par le malheur !

Le criminel le plus recherché de France, Marc Menard, a été retrouvé ce matin dans un appartement insalubre près de l’église, qu’il avait illégalement occupé depuis sa fuite de la capitale. Celui qu’on appelait Le Boucher de Montmartre comptait, d’après son propre journal, se faire oublier un peu avant de recommencer à tuer sous un mode opératoire différent. Mais, mes braves concitoyens, il ne fera pas de 21ème victime chez nous pour la bonne raison qu’il a, sans doute dans un éclair de lucidité, préféré mettre lui-même fin à ses jours.

Grâce à cela, notre belle ville reste la plus sûre de France pour la 7ème année consécutive. Notre taux de criminalité extrêmement bas est sans conteste dû à l’efficacité, la persévérance et le dévouement sans borne de notre cher Maire. Lui qui a été maintes fois héros de guerre pendant la Seconde guerre mondiale entame à présent avec brio son deuxième mandat tout en étant le plus jeune maire que nous ayons connu. D’ailleurs, ne manquez pas son discours samedi prochain à 14h devant la mairie.

Une brève signée François Dosineau.

Le fond de la rivière, édition du 02 octobre 1956

Quelque chose ne tourne pas rond chez nous !

Impossible que vous passiez à côté aujourd’hui, Marc Ménard le tueur en série qui a fui Paris s’est suicidé ce matin après s’être caché dans notre ville. Nous sommes d’accord que personne ne va le regretter, mais nous ne pouvons ignorer certains éléments.

Rappelons que c’est le 6ème suicide de criminel depuis le début de l’année chez nous. De plus, n’oublions pas que 13 maris et pères violents ont également mis fin à leurs jours après plaintes de leurs femmes. Sans compter le gang de voleurs des Barboteurs qui se sont entretués en mai dernier après leur dernier casse. C’est grâce à cela et non pas aux campagnes de sensibilisation bidons de la mairie que nous enregistrons le taux de criminalité et de récidives le plus bas de France.

De plus ces étranges évènements n’ont commencé qu’au premier mandat de Monsieur Leroy, il n’y a aucun doute là-dessus. Nous sommes sûrs, à la rédac, que notre bon Maire cache bien des secrets et des moyens de faire régler l’ordre. Police secrète ? Espions ? Milice privée ? Nous savons déjà que nos “chers” confrères de La dépêche de l’Ouest sont complètement à sa botte et tournent toujours l’Information à son avantage, ce qui à notre humble avis entre totalement en contradiction avec le respect de la déontologie du journalisme, mais cela vous le savez déjà.

Nous avons donc mené notre petite enquête sur Monsieur Leroy, ou du moins tenté. Une entrevue informelle à son domaine nous a été refusée, impossible de parlementer avec ses deux étranges majordomes. Impossible aussi de prendre plus d’initiative à cause de la présence de ses cinq molosses. A-t-il donc vraiment quelque chose à cacher ?

Pour vous, pour la vérité, nous allons continuer à garder l’oeil ouvert malgré les nombreuses pressions dont nous sommes victimes pour fermer le journal. Si vous appréciez notre travail et que la vérité est importante pour vous, n’hésitez pas à nous soutenir par chèque à la boite postale de la rédac.

Journal intime de Marthe Clairentin, entrée du 02 octobre 1956

Cher journal,

comme nous l’avions espéré, les informations recueillies par le réseau d’André à propos d’un étranger dans les anciens locaux de l’école infirmière étaient exactes. Personne n’avait clairement identifié Marc Ménard parce qu’il avait réussi à se grimer, mais nous avons visé juste. Un problème de moins.

Plus important, aujourd’hui est un jour spécial. C’est le trentième anniversaire de la mort de Victor. Je me demande souvent ce qu’il serait devenu s’il était né dans une bonne famille, c’était un garçon si gentil et si brillant. Chaque année, je me demande quelles fleurs apporter sur sa tombe. Qu’aimerait-il le plus ? Je sais très bien que sa tombe est déjà fleurie ; Emile y va tous les mercredis. Mais je ne veux pas venir les mains vides.

Je sais que ce que je fais, ce que nous faisons tous ici, pour Emile, est important. Je sais que nous oeuvrons pour le Bien. Mais malgré cela, parfois, je me sens si lasse et envahie d’une si grande tristesse. Victor n’aurait pas dû mourir et Emile n’aurait pas dû traverser toutes ces épreuves. Il s’est endurci maintenant, mais je sais que cela l’a marqué à vie.

Il faut que je me reprenne. Je commence à divaguer comme une vieille femme. Mes élèves comptent sur moi, Emile compte sur moi pour le conseil de cet après-midi.

Je vais aller rendre hommage à Victor et nous continuerons de protéger cette ville.