Face de Boe sortit peu à peu de son sommeil. Il se sentait las, ces temps-ci. Las et un peu blasé. Il ne lui était rien arrivé de bien extraordinaire, durant les derniers millénaires de sa vie. Pourtant, il se rappelait d'une époque lointaine, d'une époque faite de passion et d'aventure. De sexe, aussi.
Ça, ça lui manquait beaucoup. Le sexe. Il ne se rappelait pas très bien de la procédure, mais son esprit avait gardé le souvenir de quelque chose d'agréable. Peut-être était-ce lié à la conversation qu'il menait avec ses amants, après coup… Converser, oui, ça, il aimait.
Il conversait souvent, par télépathie, avec cette petite infirmière chat qui passait pour s'occuper de lui plusieurs fois par jour. Il avait aussi eu une conversation agréable avec son vieil ami le Docteur, la dernière fois qu'il était venu. Il avait toujours des conversations agréables avec le Docteur.
Dommage qu'il ne se rappelle jamais de l’ancien lui. Face de Boe, lui, gardait un souvenir vivace de leur rencontre, du temps où il était encore… humain.
Le café. En troisième sur la liste des choses qui lui manquaient le plus. Il se souvenait de l'odeur du café, oui, et des mains qui lui portaient la tasse. Des mains d'homme, musclées, rugueuses.
Ces mains-là lui manquaient, assurément. Pourtant, une petite voix lui susurra qu'elles n'étaient pas si lointaines, ces mains, qu'elles n'attendaient que lui… Il fronça de ses gros sourcils, l'esprit confus. L'infirmière n'était pas un mâle, si ? Non, non, non, il ne s'agissait pas des mêmes mains. Il ne s'agissait même pas vraiment de mains, mais plutôt… d'ailes.
De vastes et majestueuses ailes d'ange, qui n'étaient pas faites de plumes, mais des milliards de mondes qui constituaient l'univers. Autant de mondes qu'il avait visités, lui, Face de Boe. Enfin, sans se vanter.
Il aimait bien se vanter, parfois. Clamer qu'il était la plus vieille créature de l'univers. Conter tout ce qu'il avait vu, et fait, même s'il en avait oublié la moitié. Ça devait faire partie de son caractère, autrefois.
Où en était-il ? Ah oui, les choses qu'il appréciait. C'est ce qui lui permettait de tenir, depuis quelques temps. L'inventaire de tout ce qui comptait dans sa vie. Encore, et encore, et encore.
En première position, il y avait ces particules volatiles qui revenaient quand il se sentait malheureux, comme aujourd'hui. Elles s’insinuaient dans son bocal, papillotaient autour de lui, en haut, en bas, à droite, à gauche…
Elles étaient liées aux ailes… peut-être ? C'était si difficile de se souvenir ! Elles s’accompagnaient d’un nom, aussi, qui miroitait à la lisière de sa mémoire. Jan… ou Tov… ou quelque chose dans ce goût-là.
Parfois, les particules virevoltantes lui faisaient penser à de la poussière d'or. Et d'autres fois, quand elles scintillaient autour de son bocal, il avait l'impression de les voir.
Les étoiles.
Et alors, tout allait pour le mieux.