Pendant le banquet donné en l’honneur de la guérison de sa fille et de ses fiançailles avec Petit Bois, le Roi prit le jeune homme à part et lui dit :
— Je ne comprends toujours pas ce que ma fille avait bien pu perdre et que vous avez réussi à retrouver. Pouvez-vous me l’expliquer ?
— En fait, c’est simple : la Sorcière Noire vous a persuadé que votre fille serait victime d’une étrange mélancolie dont elle ne guérirait pas. Au fil des années, vous étiez tellement convaincu que cela arriverait, que votre fille s’en est aussi convaincue ; petit à petit, elle s’est détournée de tout ce qui pouvait la rendre heureuse, puisque c’était sa destinée. En fait, la princesse avait perdu l’insouciance de son enfance.
— Admettons, dit le roi encore sceptique. Mais pourquoi un lutin, une petite sorcière, un magicien et un dragonnet ont-ils réussi à la guérir ?
— Parce qu’eux aussi avaient perdu une part de leur insouciance et de leur enfance, mais ils ont réussi à les retrouver. Ils étaient donc les mieux placés pour savoir ce dont avait exactement besoin la princesse.
— Admettons. Mais en ce qui vous concerne, je ne comprends pas…
— Sa gentillesse ! répliquèrent à l’unisson Arion, la petite fille et Makiavel qui avaient discrètement rejoint le Roi et le jeune homme.
— Pardon ? s’étonna le Roi.
— Petit Bois est l’homme le plus gentil que je connaisse, expliqua Arion. Le seul a accepté les gens tels qu’ils sont, sans les juger et sans se moquer…
— Le seul à comprendre leurs blessures et les mauvais choix ou actes que leur souffrance les a amenés à faire, ajouta la petite fille.
— Le seul à pardonner et croire que l’on peut changer pour devenir meilleur, déclara Makiavel.
— Le seul à se montrer optimiste en toute circonstance et à aider les autres spontanément sans rien exiger en retour, conclut la princesse qui déposa un tendre baiser sur la joue de son fiancé.
— Peut-être y a-t-il un peu de cela, reconnut timidement Petit Bois, mais je n’ai fait que vous montrer ce qu’il y a de meilleur en chacun de vous et que vous aviez oublié.
Puis il se tourna vers le Roi et lui dit :
— Je vous rends l’épée que vous m’aviez confiée. Finalement, elle ne m’a servi qu’à casser la chaîne qui retenait Dragonnet prisonnier.
Le Roi reçut l’épée en souriant. Ils retournèrent dans la salle du banquet. Le Roi invita Petit Bois et sa fille à se placer à sa gauche et il s’adressa aux convives :
— Chers amis, j’ai l’immense plaisir de vous présenter officiellement Petit Bois, le fiancé de Luxa, le jeune homme qui a su rendre la joie de vivre à ma tendre fille !
La salle retentit aussitôt de vivats et d’applaudissements. Le Roi leva la main, le silence se fit aussitôt.
— Laissez-moi vous présenter la nouvelle Guérisseuse du Royaume, experte dans la préparation des remèdes rares, capables de venir à bout de toutes les maladies. Autrefois connue sous le nom de la Sorcière Noire et aujourd’hui appelée la Petite Demoiselle.
D’un geste de la main, il invita la Sorcière Noire à se placer à sa droite et indiqua aux invités qu’il n’avait pas fini.
— Voici Makiavel, le nouveau chef cuisinier du château, le plus grand et le plus célèbre magicien des fourneaux !
Tout en faisant virevolter autour de lui ses cuillères en bois, Makiavel vint se placer aux côtés de la Sorcière Noire.
— N’oublions pas notre nouveau conseiller et dédramatiseur des situations délicates : Arion, le Lutin.
Ce dernier vint rejoindre ses amis.
— Pour finir, je vous présente un animal merveilleux et que l’on pensait à jamais disparu : Dragonnet ! Dernier dragon de notre royaume, il sera le compagnon fidèle et loyal du couple princier.
Le petit dragon s’envola au-dessus des convives, laissant derrière lui un nuage mauve pailleté, illuminant aussitôt la pièce de magnifiques reflets, accompagné d’une fragrance délicate qui apporta immédiatement un sentiment de plénitude. Dragonnet alla se poser sur l’épaule de Petit Bois qui le gratifia d’une caresse.
Les convives, charmés, souriaient et faisaient des petits signes de tête amicaux aux nouveaux venus de la cour.
Le Roi leva triomphalement son épée et lança fièrement :
— Pour conclure, je déclare officiellement qu’à partir d’aujourd’hui, la gentillesse est désormais la plus grande vertu de notre royaume ; elle ne sera plus jamais perçue comme une faiblesse, car elle est l’arme la plus puissante pour lutter contre le rejet, l’indifférence et la solitude !
Une salve d’applaudissements vint conclure le discours du Roi.
Depuis ce jour, tous vécurent heureux et en harmonie.
Lorsque Petit Bois devint Roi, il gouverna avec justesse ; sa gentillesse, sa bonté d’âme et sa générosité de cœur permirent à son peuple de connaître la sérénité, la paix et le respect mutuel.
Un Royaume dans lequel rejet, indifférence et solitude furent à jamais bannis.