Epilogue
Face à moi, toujours cette même porte gravée: « Daedalus Anima ». Sauf que cette fois, elle n’est pas fermée mais entre-ouverte. Etrange…
Au fur et à mesure que je pose un pas, le spectacle commence et le tableau se boursouffle de collines, chemins escarpés, végétation dense et animaux en tous genres. Je marche droit devant et la scène se décline sur des montagnes enneigées épousant un lac.
J’aperçois un pic rocailleux qui monte vers un sommet sans fin, il porte le ciel à bout de bras tout en frôlant des poissons volants.
Une nappe toute ridée d’un liquide visqueux déborde du lac pour arriver à mes pieds. Pour l’éviter, je lévite.
Là où la pointe du pic touche les nuages, une brèche vient de se former et laisse couler une chute d’eau. Elle se jette dans le vide sans toucher le sol. Sur l’autre versant, c’est l’opposé qui se produit, un torrent jaillit de nulle part et s’élance dans l’atmosphère en tourbillonnant.
J’emprunte une route sinueuse et étroite. J’y croise une flore et une faune fantasmagoriques.
Ici, c’est chez moi, je ne risque pas d’y rencontrer quelqu’un. Le climat évolue au fil de mon humeur.
Je sais que ce lieu est là depuis bien avant moi et pourtant il me semble que cette terre a existé de m’attendre, comme une promise.
J’arrive enfin à l’orée du manoir. D’une silhouette moyenne et discrète, il se situe en contre-bas d’un pré, masqué par des arbres feuillus qui prétendent s’ouvrir sur une clairière. Contrairement au reste, ce lieu ne se transforme jamais.
Je pénètre par l’entrée principale qui donne sur un escalier à paliers forgé dans une matière qui ne doit sans doute pas porter de nom. Dans la salle du rez-de-chaussée, le décor s’enrichit d’une suite de portraits aux regards fixes, tous tournés sur le canapé qui trône au milieu de ce tout, face à une cheminée taillée dans un bois noble. Je suis interpellée par les flammes déjà hautes alors que je n’ai rien allumé…
Par endroits, la peinture s’effrite mais ça ne gâche en rien l’ambiance chaleureuse et le charme de ce lieu de repos. Un immense tapis réchauffe le parquet et de longs rideaux satinés ne laissent filtrer que quelques rayons jaunes. Ici, il fait toujours beau, la pluie a ses appartements à l’étage.
J’évolue dans les rayons sombres du soleil quand j’entends du bruit là-haut. Ce n’est pas possible ! Je suis la seule à pouvoir parcourir ces lieux : MES lieux. Les roulements de ce vacarme sont si forts qu’ils me torturent presque les tympans. Je m’y rends immédiatement.
Une fois à l’étage, je traverse un long couloir assez large pour s’y tenir à cinq sur une ligne, bordé de fenêtres à carreaux. Aucun rideau ne les habille, les vitres sont nues et perpétuellement éclaboussées par la mélodie de la pluie. Face à elles, une autre salle, un bureau et trois chambres.
Le tapage semble se déplacer d’une pièce à l’autre. J’entre dans chacune d’elles et ce que j’y découvre m’effraie. Il y fait anormalement noir et angoissant. Tout y a été saccagé. Les toiles, les fauteuils, les statues, les meubles, les tapis recouvrant les sols et les murs sont couverts d’un sang encore frais qui dégouline et dont les clapotis se confondent avec le chant tonitruant de la pluie.
Quelque chose se pose sur mon épaule pour se retirer aussitôt. Je fais volte-face, terrifiée, et j’entends un battement d’ailes. C’est le moineau ! Je le poursuis. Sur son passage, une fenêtre s’est ouverte. Je ne comprends pas.
Dans ce monde, tout est censé être relatif à mes émotions et ma volonté. Je me risque à sauter par la fenêtre et je tombe effarée devant la vue d’un paysage blanc qui fige mes réflexions.
De mes doigts suspendus dans le vide, j’effleure l’inaccessible. L’oiseau n’est plus qu’un point presque imperceptible sur une toile transparente. Et là ! Je chute ! Tout n’est que glace, je m’étale sur un lac gelé sous un horizon infini.
Dans ce désert nacré, l’air se propage dans un sillon parcouru d’électricité dont je peux voir le déplacement sous formes d’éclairs bleutés. Je le suis et j’entends: « Lema Sabachtani! ».
Quelque chose avance lourdement sur la glace, une croix. Toujours cette croix ! Je sais que je dois la porter et je la traine tant bien que mal.
L’oiseau réapparait et entre-ouvre son bec pour laisser sortir cette voix d’une puissance incommensurable. Une voix enfin claire, celle d’une femme.
J’éprouve alors une sérénité sans bornes et un amour intense qui n’a besoin de personne pour exister. L’oiseau reprend son envol tout en criant: « Lema Sabachtani ».
Je cours à toute vitesse pour le rejoindre.
Dans son élan, une foudre soudaine s’abat sur lui et voilà qu’il prend forme humaine. C’est le corps d’une femme que j’ai du mal à reconnaitre parce qu’un léger brouillard se manifeste et la cache…
La glace se brise et je la vois s’effondrer. Je plonge sans hésitation, pétrifiée par le froid.
Ses émotions me pénètrent et je souffre. Terriblement. Je ressens sa tragique solitude. Je nage, de plus en plus vite, de plus en plus profond comme pour échapper à cette douleur tenace, jumeau parasite qui ne la quitte jamais. Qui est-elle ? Que fait-elle dans mon univers ? Comment est-ce possible ?
Une nuée de questions se présentent encore à moi. Je ne dois pas la perdre, cette fois ! J’y suis presque ! Encore quelques mètres ! Quelques centimètres ! Ca y est !!
Je la tiens et à son contact, je sens que je ne pourrai jamais plus la lâcher ! Je remonte le corps. J’émerge, en sueur malgré la température. Je le retourne délicatement et le visage que je découvre n’est autre que le mien…
Je la tiens longuement. Je me tiens, devrais-je dire. Je reste inerte, silencieuse jusqu’à ce que les larmes coulent à flots à tel point que mon souffle est coupé et mon corps secoué. Mes soubresauts agitent le paysage jusqu’au tremblement de terre. Le ciel se fissure, parcouru d’ondes de choc.
Mes ailes refoulées apparaissent enfin, je les referme tendrement sur « nous » pour me fondre avec moi-même et… je m’envole.
Avez-vous déjà été poursuivi dans la nuit sans trouver d’issue quoi que vous fassiez ? Vous pensez être à l’abri et le prédateur ressurgit. Avez-vous déjà subi une chute interminable telle que votre cœur vous précède ? Etes-vous déjà morts et aujourd’hui vivants ? Avez-vous connu tout cela ? Avez-vous vu ne fût-ce qu’une infime partie de tout cela ? Très probablement. Parfois, il suffit simplement de s’assoupir et le grand voyage commence. Mais quelque soit l’origine ou l’issue de ce voyage, faites-vous la promesse de ne jamais, JAMAIS vous abandonner…
Je pense me prénommer Camille et avoir 30 ans ou la moitié, ou peut-être même le double. Du lieu où je me trouve, de l’année de cette histoire, je n’en suis pas certaine.
Je ne sais pas si tout ceci est réel, je sais juste que c’est vrai…
Dieu t u m'as abandonné
qui est dieu...existe t'il...
j'ai compris , pour aimer quelque chose ou un livre, il n'est pas nécéssaire de tout comprendre pour aimer
Ce livre se ferme sur un...j'ai encore faim
il y a des questions qui sont restées en suspens
pour moi, ce livre appelle une suite !
Ce n'est pas parce que tu ne comprends pas qu'il doit y avoir une suite lol. Tu ne lis parfois pas avec assez d'attention, j'ai pu remarquer ah ah 😉
Par exemple, tu termines cette histoire avec la croyance qu'il est écrit "dieu, pourquoi m'as tu abandonné". Jamais je n'ai écrit cela... C'est comme l'histoire du collège... je n'avais pas écrit collège....
Lema Sabachtani signifie " pourquoi m'as tu abandonné".... Y a pas de Dieu ici. J'aurais écrit "Eli"... qui signifie dieu.
Et il est très clairement dit qui l'a abandonnée, j'utilise même un JAMAIS dans la phrase...
Merci pour ta lecture et tes commentaires, ce fut d'agréables échanges.
et pour l'histoire du collége
mae culpa mea culpa ( je suis meilleur en latin!)
Je me suis laissé influencé par une autre personne qui disait que ses souvenirs de collége....effectivement...tu ne l'avais pas dit !
Bon , je le redis, voilà, j'aimerai qu'il y ai une suite, voila, c'est clair, je la dévorerai !
c'est dimanche ma famille m'attend
je te promet que je te ferai un post
ou je te donnerai mon point de vue plus poussé
en tout cas, oui je ne lis pas avec assez d'attention car
ce média m'est un peu étranger...je ne suis pas né avec...mais je le maitrise de mieux en mieux
mon esprit est plus facilement volatile que quand je lis sur un support papier
surtout ce texte ne fais pas parti de ma zone de confort...
je ne lis pas ça d'habitude
mais venir sur P A ou( un autre site ou je suis plus actif et dont je n'ai pas le droit de dire le nom) et se cantoner à ce qu'on connait...n'a aucun sens!
et lacher le livre a la premiére difficulté...c'est moyen
j'ai tout lu, je vais tout relire, il y a des choses que je n'ai pas compris (manque de temps ,manque d'attention et manque de préparation à ce genre de livre)
mais je me suis accroché
et toi, tu comprend tout chez moi ?
dans mes écrits
et dans ma façon de m'exprimer et de réfléchir et de répondre ?
Voilà, la boucle est bouclée et c'est fait avec brio. Ce fut une plongée des plus intéressantes dans les méandres des rêves et de la folie, toute en poésie, en mélancolie et aussi en horreur je dois bien l'avouer. Le mélange aurait pu être casse gueule, tu t'en es bien sorti, terriblement bien. J'ai été prise tout le long jusqu'aux derniers mots.
Un grand bravo pour Daedalus Anima et j'espère te retrouver dans quelques mois avec ton nouveau projet (j'ai lu tous les commentaires avant le mien et ce que tu devrais nous proposer m'a l'air passionnant)
J'ai rédigé le prologue et 12 chapitres, jusqu'à présent... Vivement que je le sente prêt pour le partage!
Merci de tout coeur pour ta fidélité et tes retours!
A bientôt sur ton histoire dont je continuerai bien vite la lecture!
Bravo !
Juste quelques petites remarques :
- il me semble que cette terre a existé de m’attendre, comme une promise : cette terre n'a existé rien que pour m'attendre ? Mais le sens est un peu différent.
- l’air se déplace dans un sillon parcouru d’électricité dont je peux voir le déplacement sous formes d’éclairs bleutés : déplace / déplacement
plus que ravie que tu aies apprécié cette fin, en espérant t'avoir surprise, même un peu lol
Merci pour ta fidélité, ta présence tout au long de ce partage et tes remarques toujours constructives et bienveillantes!
Amicalement
Écrire de la poésie ? Je le fais déjà lol.
Des poèmes, tu veux dire? J'en ai écrit quelques uns en alexandrins mais plus envie...
Je préfère écrire des histoires avec de la poésie 😊
Puisse le prochain roman plaire au moins autant...
Merci 😊
Cet épilogue répond à quelques unes de mes questions, bravo pour la superbe phrase de fin !
J'ai cru comprendre que tu as fini cette histoire depuis quelques mois. Quels sont tes projets actuels ? Comptes-tu publier d'autres textes sur PA ? Si oui, je serais au rendez-vous.
Comment t'es venu l'idée de cette histoire ? Quelles sont tes inspirations ?
Quoi qu'il en soit je te félicite d'être allée au bout de ce beau projet !
J'espère que mes commentaires auront pu t'aider un peu.
A très très vite (=
oui, cette histoire a été finie en avril 2020.
Mon projet actuel: Abdita, mon nouveau roman et je suis également en train de faire le livre audio de Daedalus Anima.
Je publierai normalement Abdita mais pas avant de nombreux mois, quand il sera fini quoi lol
Pour Daedalus, l'idée m'est venue en pensant au fait que je rêvais énormément d'un tas de choses très différentes ainsi que de mon métier. Regarder autour de soi, lire, se laisser penser... et voilà...
Tes commentaires ont été très intéressants, oui :-)
A bientôt
Il y a nettement moins de personnages aussi. Bien qu'il y ait des retours vers le passé, ce sera plus linéaire aussi...
L'histoire repose sur l'impact des mots à travers le vécu d'une femme qui quitte son pays européen pour aller en Colombie Britannique afin de fuir son bourreau, son passé. On constate le poids et les incidences de son vécu sur sa vie...
On apprend pourquoi elle a tué sa mère avec cette question: comment a t elle fait? Car elle dit clairement, dès le prologue, qu'elle n'ira jamais en prison, ayant commit le crime qui n'existe pas. Crime qui est un assassinat vu que prémédité...
Etc. Etc.
Merci pour ton intérêt !!! :-)
Bon courage pour l'écriture !
Elle colle bien à ton histoire en plus.
Sympa de l'avoir souligné! Vraiment!!!
A bientôt "chez toi"
A bientôt !