EPILOGUE

PRESENT : ELIJAH

Il sentit quelque chose lui secouer l’épaule et se décida à ouvrir un œil.

- Alors, petit ours, on hiberne ? lui demanda Jake avec un sourire malicieux.

- Laisse-moi dormir, Jake. maugréa le jeune adulte.

- Pas question ! Aujourd’hui tu dois aller témoigner au palais de justice de Nirim !

- Le LERM attendra pour mon témoignage. De toute façon, ils attendent la date du procès depuis trois ans…

- Lève-toi, je te dis !

Le chef des Libellules le tira par el bras, le forçant à s’asseoir. N’ayant plus d’autre choix, il sortit des ses draps confortables et posa les pieds sur le sol tiède.

- Apporte-moi une chemise, s’il te plaît, Jake.

Il reçut le vêtement sur le nez. Décidément, Jake ne faisait pas dans la dentelle. Enfin habillé, il se leva. Jake lui vola un bisou sur la bouche et il ne put s’empêcher de rougir. Son ami, qui était un peu plus que cela, maintenant, poussa un rire moqueur.

- Non mais regarde-toi ! Un tout petit bisou et tu t’apprêtes à exploser !

- Ça va, lâche-moi !

Il attrapa un coussin qu’il lança sur le jeune homme et sortit de la chambre, suivi par Jake.

            Le nouveau quartier général des Libellules était grand. Et surtout, il n’était pas sous terre. Que c’était bon de sentir les rayons du soleil réchauffer sa peau dès le matin ! Il se rendit en salle commune pour prendre un bouillon chaud. Dans deux heures, il témoignerait en défaveur du LERM dans le procès qui allait bientôt commencer. Lorsqu’il entra, Abigail le salua joyeusement. Ethan, remarquant la présence de Jake, lança :

- Toujours fourrés ensemble, vous deux ? C’est pour quand les enfants ?

- Ferme-la, si tu n’as que des conneries à dire. rétorqua Aya.

Le garçon soupira, se renfrogna, provoquant le rire de ses amis.

- Gringe et Evvy ne sont pas là ? demanda Elijah.

- Penses-tu ! s’exclama Abigail : Elles dorment à poings fermés !

- J’aurais bien aimé faire pareil.

Il lança un regard faussement accusateur à Jake qui leva les mains devant lui en riant.

- Tu devrais être honoré d’être convoqué en tant que témoin avant le procès !

Elijah ne répondit pas, avala une gorgée de sa boisson brûlante. Il balaya la salle commune du regard. C’était une grande pièce éclairée par une baie vitrée qui s’étendait sur tout le mur du fond. Placée dans un quartier peu peuplé de Nirim, l’organisation des Libellules était désormais une association officielle d’aide aux mages en difficulté. N’importe quel mage pouvait y venir et rester le temps qu’il voulait. Le quartier général s’étendait sur huit étages. Cinq étages de logements, deux pour les loisirs et l’infirmerie. Le dernier était réservé aux anciens membres des Libellules. En particulier à ceux qui avait activement participé à l’opération du LERM. Ils se retrouvaient ici, tous les jours, discutaient, riaient ensemble.

            Quand la situation s’était calmée à Nirim, beaucoup de mages étaient partis de l’organisation pour mener leur propre vie. Elijah était heureux de voir que les choses reprenaient le cours. Lui était resté. Avec Jake. Il prit la main du jeune homme et la serra. Il l’aimait. Jake lui rendit son étreinte.

- Bon. Je crois qu’il est temps d’y aller. annonça le chef de l’organisation.

Sur ces mots, il entraîna Elijah à l’extérieur de la pièce. Une fois seuls, il se tourna vers lui.

- Bonne chance, pour le témoignage.

- Merci. Tu m’accompagnes ?

- Quelle question !

Ils rirent, descendirent les marches quatre à quatre. Ils étaient un peu en retard. C’était ça, la jeunesse. Profiter du temps qui passe.

PRESENT : JIO

            Jio posa la pile d’assiettes sur la table du parc. Il essuya la sueur sur son front d’un coup de manche. Lij avait commencé. Les températures devenaient plus chaudes. Il jeta un regard vers le ciel. Trois ans. Trois ans s’étaient écoulés depuis les évènements de la guilde. Les mercenaires n’existaient plus. Chaque pays avait son mode de gouvernement et les mages noirs pouvaient être au pouvoir. Trois ans. Jio avait 20 ans, maintenant. Elijah devait en être à sa 22ème année. Et Nethan ? Il rit. Au moins son septième millénaire. Trois ans. Il y avait eu tant de changements… Elijah était reparti sur la face sciento-magique. Le monde s’était rééquilibré et Nethan l’arpentait de part en part, en voyageuse aguérie. Et Soö ? Il était là, quelque part. Pas en liberté, en tout cas.

- Jio ?

Il se retourna. Nilt lui sourit gentiment.

- Prend une pause, va. Tu en as assez fait.

- D’accord. Je te laisse t’occuper du reste.

Il s’éloigna. Nilt et lui avait continué à s’occuper du foyer. Il y avait eu de plus en plus d’enfants, si bien qu’ils avaient dû engager d’autres personnes pour les aider. Nilt allait rendre visite à son frère, de temps en temps. Il avait l’air serein. Jio l’était aussi. Il renversa la tête, offrant son visage au soleil. Rit. Il était heureux. Il aimait cette vie.

- Qu’est-ce que tu fais ?

Il sursauta, manqua de perdre l’équilibre, se baissa pour voir qui lui parlait. C’était une fillette d’à peine cinq ans, qui s’était beaucoup attachée à lui. Il s’était aussi attaché à elle. Nesk était une jeune mageresse dont le pouvoir s’était éveillé précocement. Elle ne savait pas encore le contrôler, mais elle travaillait dur pour y arriver. Jio se baissa, la prit dans ses bras.

- Qu’est-ce que tu faisais ? redemanda la fillette.

- Je pensais à mes amis.

- Ils sont au ciel ?

- Non ! Non, pas du tout ! Ils sont là, sur Sambremonde !

Au nom de l’omniscient, les enfants étaient beaucoup trop francs.

- Et toi, Nesk, ça va ? demanda-t-il pour éviter une nouvelle situation embarrassante.

- oui. Avec les amis, on a commencé à construire une cabane.

- Vraiment ? Je peux voir ?

- Nan. C’est secret.

- Bon… Si c’est secret alors…

Il savait très bien que la petite finirait par lui montrer cette cabane. Il srestèrent là, à regarder le ciel, pendant une bonne dizaine de minutes. Puis, ajustant sa position pour mieux voir Jio, Nesk reprit la parole :

- Jio…

- Hm ?

- Tu peux me refaire le tour de magie ?

Il sourit.

- Bien sûr.

Il la posa dans l’herbe verte, s’assit en tailleur devant elle.

- Regarde bien.

Il leva un doigt, une flamme noire apparut. Il la fit grandit, puis rapetisser. Il la fit passer d’une main à l’autre, la fit disparaître, puis réapparaître sous le regard émerveillé de la fillette dont le sourire s’agrandit.

            Il y a trois ans encore, il avait senti sa magie disparaître. Il ne s’y était jamais vraiment habitué. Un mage sans magie, c’était comme une personne à qui on aurait enlevé une part d’elle-même. Ses habitudes avaient fait qu’il continuait à faire appel à sa magie alors même qu’elle n’était plus là. Il s’était attiré de nombreux problèmes qu’il avait eu du mal à régler sans ses pouvoirs. Et un jour, il y a un peu moins d’un an, alors qu’il lisait dans sa chambre, une flamme était apparue dans sa main. Une flamme noire. Une flamme d’ombre. Sa flamme. Après tout, peut-être qu’on ne pouvait pas arracher sa magie à un mage. Peut-être qu’au fond de lui, il en restait toujours une petite part… Cette flammèche, cette ombre, il l’avait entretenue. Il l’avait longuement observée, examinée. Il l’avait vu grandir au fil des mois, quand il la faisait apparaître. Puis il avait pu la faire changer de main, la faire disparaître puis réapparaître. Il restait de l’espoir. L’Omniscient ne lui avait pas tout prit. Et peut-être, un jour, qu’il récupérerait assez de magie pour pouvoir l’utiliser en tant que pouvoir.

            Mais pour l’instant, cette flammèche lui suffisait. Il s’en émerveillait, se rappelait tout ce qu’il avait vécu. Les bons et les mauvais souvenirs. Cette flammèche lui suffisait. Car il savait au fond de lui que, même si l’Omniscient avait accepté de le destituer de son rôle, il resterait toujours un peu l’enfant des ombres. À ce titre, il avait continué à se comporter comme tel, à perpétrer son enseignement. Et il continuerait, jusqu’à la fin de sa vie, de s’occuper de tous ces petits mages. Il n’était pas un héros, mais il pouvait être un ami.

FIN.