La nuit n’avait pas été aussi reposante que prévue. Après un décrassage en règle suivi d’un copieux repas avec son Messager, Lucas s’était retrouvé seul dans la chambre qu’il avait partagée avec Syrcail. Il avait vu le sac préparé par Arcal, qui contenait les possessions de son ami, qu’ils iraient remettre à sa famille. Les larmes avaient jailli, irrépressibles, inondant l’oreiller.
Syrcail n’était pas là, ne serait plus jamais là. Comme Assym. Comme d’autres, qu’il ne connaissait pas encore. Aurait-il dû considérer Syrcail comme un collègue, non comme un ami ?
Il avait peut-être commis une erreur, en s’attachant autant. Une erreur qu’il ne reproduirait pas.
Lorsque ses larmes se tarirent, épuisé, il contempla le plafond un long moment.
Il voulait dormit et oublier.
Il ne voyait que le visage de Syrcail, son regard si grave, si sérieux alors qu’il programmait sa propre mort.
— Je n’oublierai pas, murmura-t-il à la nuit.
*****
Sanglé dans l’uniforme noir des Envoyés, Lucas vérifiait sa mise devant le miroir. Il tenait à être impeccable. Du pouce, il caressa la Barrette argenté qui brillait sur la gauche de sa poitrine et déglutit. Il avait tant prié pour l’obtenir, et maintenant qu’elle était en sa possession, il n’en tirait aucune fierté. Le prix à payer avait été bien trop élevé à son goût. Il aurait échangé mille fois sa Barrette contre la vie de son ami.
Le Messager Arcal était venu la lui remettre au réveil. Ils avaient fait preuve de patience, dans cette grotte, ils avaient su attendre, ne pas se précipiter dans les bras des Maagoïs. Il y avait aussi eu une Barrette pour Syrcail, qui serait décoré à titre posthume.
Lucas lissa son uniforme une dernière fois.
Seule la perfection trouvait désormais grâce à ses yeux. Il ferait tout pour s’améliorer, être digne du sacrifice de Syrcail.
Le miroir lui renvoya l’image d’un jeune homme à l’allure austère. Son regard était bien trop glacé, aucun sourire n’animait son visage.
Eh bien, ils feraient avec.
Ses ailes s’agitaient dans son dos, alors il se concentra sur sa respiration pour apaiser ses troubles. Il devait être imperturbable. Ne plus laisser rien l’atteindre. Se retrancher derrière un mur infranchissable. Rester imperméable. Lucas boucla son ceinturon, ajusta son épée, accorda un dernier coup d’œil au miroir. Il était prêt.
Il descendit les marches jusqu’au salon privatif de l’auberge que son Messager avait réservé. Arrivé à la porte, il frappa deux fois, compta jusqu’à cinq et entra, pour saluer aussitôt, poing sur le cœur.
Arcal gardait un air soucieux, mais prit le temps de lui accorder un signe de tête. Lucas s’approcha du groupe de Mecers, tout en demeurant à une distance polie. Il écouterait ce qu’il pourrait avec avidité, mais ne donnerait son avis que si on le sollicitait.
Son père et Aioros étaient là, encore. Aioros était concentré sur la discussion, bras croisés, alors qu’un Émissaire qu’il ne connaissait pas rapportait que les rumeurs sur un Massilien aux Ailes Rouges, volontairement passé à l’ennemi, enflaient dans les rues. Les quatre autres Émissaires approuvaient silencieusement. C’était un déshonneur insupportable pour la population.
— Envoyé Lucas ? dit le Messager Arcal.
Il se recentra.
— Tu peux aller annoncer aux terrestres qu’ils sont hors de danger.
— J’y vais, Messager, salua Lucas.
Il remonta à l’étage, s’annonça à la chambre qu’ils occupaient. Lisko lui ouvrit et referma tandis qu’il saluait. Satia regardait par la fenêtre et ne leur accorda aucune attention.
— Alors ? questionna le marchand, fébrile.
— Elle est hors de danger, répondit Lucas. Le Djicam pense qu’il serait mieux que vous restiez quelques temps sur Massilia, mais vous n’avez plus besoin d’une protection rapprochée.
Lisko laissa échapper un soupir, soulagé et ses épaules s’affaissèrent comme la tension le quittait.
— Je vais préparer nos affaires, en ce cas. Nous prendrons un aquilaire pour Citrine demain, une fois que j’aurais récupéré mes marchandises.
— Vous comptez informer le Djicam de vos déplacements ?
Lisko acquiesça.
— Nous partirons pour Mayar à l’approche de l’été. Elle a besoin de… enfin, c’est un royaume qui commerce peu, j’espère y réaliser des affaires.
Lucas se contenta d’un signe de tête poli. L’économie ne l’intéressait absolument pas.
Finalement, le marchand disparut dans la chambre et Lucas s’apprêta à prendre congé.
— C’est comme ça que tu pars ?
Lucas se figea, la main sur la poignée de la porte. Il se retourna, pour s’apercevoir que Satia le dévisageait, bras croisés. Il ravala sa salive avant de reprendre contenance.
— J’obéis aux ordres.
Un silence tendu les enveloppa. Il devinait Satia hésitante, ne sachant que dire.
— Je suis tellement désolée pour… ton ami, dit-elle enfin. Me donneras-tu des nouvelles, de temps à autre ?
La gorge sèche, Lucas acquiesça. Ce serait un moyen comme un autre de garder un œil sur elle. Après tout, elle ignorait qu’il était membre de la Seycam, et que Massilia la surveillerait toujours, comme elle semblait ignorer que son serment le contraindrait à veiller sur elle, quoi qu’il advienne, bien au-delà des frontières massiliennes.
Sans qu’elle ne le sache nécessairement, d’ailleurs.
Poing droit sur le cœur, Lucas salua.
– Sois-en sûre, nous nous reverrons.
Cette fois, il n’échouerait pas.
FIN
Je reviens vers toi maintenant que j’ai lu l’intégralité. Je vais essayer de te donner un avis complet en prenant du recul.
Tout d’abord, tu abordes beaucoup de thèmes dans ce roman (personnages ailés, magie, politique, stargate, empire, technologie). En lisant, je me suis dit « Où sont les dragons ? Ça manque ». C’était ironique (je préfère préciser, à l’écrit, ça ne passe pas forcément à l’écrit.
Du coup : si ce roman a vocation à être unique (pas de suite), alors il y a trop de choses et je te conseillerais de te focaliser sur l’essentiel par rapport à Lucas. Par exemple, la magie ne sert à rien (du point de vue de Lucas). Ton histoire (telle qu’elle est là maintenant) n’y perdrait pas à ce que tu l’enlèves.
En revanche, si ce roman a vocation à avoir une suite (et que ceci n’est en fait que l’introduction) alors il faut beaucoup plus développer et davantage expliquer car là, on est paumé (moi en tout cas).
Ensuite, Lucas trouve la mission d’escorte de Satia ennuyeuse. Cela l’emmerde profondément et il n’a qu’une hâte, qu’elle se termine. Or le lecteur n’a – quasiment – que le point de vue de Lucas. De ce fait, cette mission nous fait chier (logique, vu qu’on a que son point de vue, on y adhère).
Personnellement, je m’en fous totalement de savoir ce qu’il va arriver à Satia, d’autant que 1) on ne sait pas pourquoi elle serait en danger (en tout cas, moi, je n’ai pas pigé) et 2) elle n’est pas en danger (vu que les impériaux n’en avait en fait pas après elle mais après les déserteurs).
Pour donner du poids à ce moment que, je suppose, tu souhaites haletant pour le lecteur, je te conseille de faire davantage vivre Satia. Ça donne l’impression que tu n’as pas exploré ce personnage de ton côté, que tu ne le connais pas, que tu ne sais pas ce qu’elle a vécu avant et ce qu’elle va vivre après. Pourquoi pas écrire l’histoire de Satia et nous offrir un chapitre de Lucas et un chapitre de Satia. Lorsqu’ils se rencontrent, tu décides, pour chaque événement où ils sont présents tous les deux, dans la tête duquel tu le présenteras (je te déconseille les deux. C’est super difficile à faire. Il faut des raccords parfaits et une cohérence sans faille. Mieux vaut choisir le personnage qui présentera le mieux l’événement, sans oublier de continuer à raconter chaque personnage dans des moments où l’autre n’est pas car ils vivent l’un sans l’autre). Je pense que cela donnera du corps et rajoutera de l’émotion à ton écrit.
Pense à retravailler tes points de vue. Je n’ai pas détaillé chapitre par chapitre mais le problème apparaît partout. Relis-toi et tiens-t-en au personnage dans la tête duquel tu es.
Pour tous tes personnages, crée leur un monde, un passé, un présent et un avenir (ce qu’ils ont envie de faire). Par exemple, Syrcail n’a pas de parents, pas de famille, pas de vie avant de rencontrer Lucas. Il n’a pas d’envie, pas d’espoir. Tu n’as pas forcément à livrer aux lecteurs l’intégralité de la vie de Syrcail (car le héros, c’est Lucas) mais si toi, tu la connais, tu verras, Syrcail prendra vie. Il parlera, il aura des réflexions, des émotions, des idées, des pensées liées à cette vie. Là, il a l’air vide, un simple pantin nécessaire à faire vivre Lucas, mais sans plus. Normalement, l’auteur (ou l’autrice) est censé faire ce travail pour chaque personnage (même le tavernier qui est croisé pendant vingt secondes). Je t’assure que si tu le fais, ça se sentira. Il y aura une atmosphère, quelque chose. Arcal ne semble pas avoir de passé non plus. Même Aioros : il a été fils unique le temps que ses frères et sœurs arrivent. Comment a-t-il vécu l’arrivée de 8 frères et sœurs ?
Je n’ai pas compris comment on devient Djicam. Puisque Aioros est censé succéder à son père, c’est que c’est de père en fils, un genre de monarchie. Sauf que dans le chapitre 2, tu dis qu’Ivan n’est Djicam que depuis 5 ans. Cela signifie-t-il que le grand-père est décédé 5 ans plus tôt, offrant ce poste à Ivan ? Lucas n’était pas proche de ce grand-père roi de cette planète ? Etait-il au contraire lointain ? Honnêtement, ce n’est pas clair pour moi. Tu dois absolument donner de la vie. Tu dois écrire, de ton côté, la vie d’Ivan. Qui était-il enfant ? Voulait-il de ce poste ? L’idée de devenir Djicam lui déplaisait-il au contraire ? C’est grâce à ça que ton histoire prendra vie.
J’adore ton univers. Il est riche, inspiré et inspirant. Il reste en revanche beaucoup de travail pour l’approfondir, le rendre vivant et lui donner vie. Je crois vraiment cela possible et je crois que ça vaut la peine. En revanche, ça va demander un sacré travail. J’ai mis 20 ans à écrire mon « bébé ». Il a connu de très nombreuses rééditions, des corrections, des modifications à n’en plus finir. Pourtant, le scénario de base est resté le même. Je ne crois pas que tu doives changer le scénario, ni l’univers. Tu dois juste le faire vivre, lui donner une âme.
Je te souhaite de tout mon cœur de réussir !
Merci tout plein d'avoir pris le temps d'écrire un retour aussi construit :)
A la base, ce texte est une préquelle, donc il a une suite même si techniquement il doit se lire après le 1er texte (les 12 Royaumes).
J'ai continué ma relecture sur plusieurs chapitres après avoir vu tes coms et en effet il reste encore plein de soucis de points de vue, donc vraiment faut que je le reprenne en détails. Mon dernier texte j'alterne entre les PDV mais le décider en amont c'est tellement plus facile !
Sur mon 1er roman j'ai eu tendance à me disperser sur les perso secondaires donc là j'ai voulu resserrer sur les principaux, mais de fait les secondaires sont devenus transparents....
Pour Satia j'ai beaucoup hésité. Satia et Lucas sont les héros du roman "principal", je voulais au départ alterner entre eux mais sa vie à elle à ce moment-là est relativement inintéressante (quoique elle pourrait aussi être toujours sur le qui-vive et en train de fuir).
J'adore me balader dans la tête des personnages secondaires, j'ai beaucoup de mal à me cantonner à un point de vue structuré :) je vois aussi que ça marche bien quand je fais cet effort et dans mes lectures aussi, y'a pas de secret va falloir que je reprenne ce texte pour le passer à la moulinette.
(les dragons et simili dragons ne sont pas au coeur de mes textes, mais ils ont des apparitions dans les autres romans de l'univers ^^).
Bien, plus qu'à me mettre au travail. Merci encore pour le retour, ça va beaucoup m'aider !
Je comprends le principe du préquelle. Je n’avais pas compris que ce texte en était un.
En ce cas :
1) Même s’il s’agit d’un préquelle, il doit pouvoir être lu et compris en lui-même, sans avoir besoin de lire le roman dont il est issu (que j’ai mis dans ma pile à lire et que je lirai dès que j’en aurai l’occasion. J’aime beaucoup ton univers. Quant à ta plume, en dehors des sauts de points de vue qui gênent et quelques soucis de cohérence par ci, par là, je l’aime beaucoup. Tu ne décris pas beaucoup mais en ce qui me concerne, ça me convient très bien. Tu vas droit au but. Ca ressemble beaucoup à mon style. Mes lecteurs se plaignent sans cesse d’un manque de descriptions. Je n’aime ni les écrire, ni les lire. Du coup, forcément, ton style me plaît). De ce fait, tu dois absolument TOUT expliquer. Si tu te dis « Oui, mais ceux qui ont lu le roman de base vont se faire chier à relire des explications qu’ils ont déjà eu » alors sache que tu as tort. Les lecteurs ont besoin de ses remises à niveau. Toi, tu connais ton univers sur le bout des doigts. Eux non. Nous, lecteurs, avons besoin de nombreux rappels et redites alors lâche-toi sans crainte. Je n’ai, pour ma part, absolument rien compris au mode de fonctionnement de ton univers (ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier ma lecture, tu me diras. D’accord, mais est-ce que je n’aurais pas encore plus apprécier si j’avais compris?). Redis les choses, amuse-toi à les présenter selon des points de vue différents.
2) Recentre-toi sur Lucas. Ce préquelle parle de lui. N’essaye pas de faire des clins d’oeil à tes lecteurs. Le but est de faire vivre Lucas jeune. Elimine tout le reste. Je te conseille vraiment de rester centré tout du long dans l’esprit de Lucas.
Au lieu de « Machin était inquiet », tu peux dire « Machin avait l’air inquiet », « Machin semblait inquiet » ou mieux ! « Lucas constata que Machin avait les lèvres pincées et triturait nerveusement le bout de sa ceinture. Cet émissaire était-il inquiet ? Lucas en eut des sueurs froides ». Tu vois, ça change tout.
Lors de ta réécriture, à chaque fois que tu trouve un passage pas dans la tête de Lucas :
- Si Lucas est présent, réécris-le dans la tête de Lucas
- Si Lucas est absent, pose-toi sérieusement la question de l’intérêt de ce passage pour ce texte. Par exemple, lorsque Lucas fait face à son père en colère après qu’il ait découvert que son petit dernier s’est inscrit à l’académie des Mecers, Lucas sort de la pièce et on découvre que son oncle était présent. Ce passage ne sert strictement à rien. Cela ne reviendra pas de tout le roman. C’est à éliminer. Pour d’autres moments (que tu voudrais garder), Lucas peut en entendre parler lors d’une discussion mais attention, ce dialogue ne doit pas exister parce que tu as besoin de transmettre cette information au lecteur. Il doit exister parce que l’un ou l’autre des protagonistes en a besoin.
3) Une remarque qui me vient (et que j’aurais plutôt dû mettre dans mon message initial mais j’avais oublié) : Satia a du mal à faire confiance à Lucas et celui-ci s’insurge mentalement « Comment ose-t-elle ! Les massiliens sont connus pour être honnêtes et droits ! » Euh… Et Melior ? Il n’est pas massilien ? Il n’a pas essayé de tuer Lucas ? Il n’a pas tué des massiliens en trahissant ainsi tous les serments de son peuple ? Lucas pourrait, vu son expérience, se montrer plus tempéré. De même, lorsqu’il voit le massilien aux ailes rouges, cela pourrait faire écho à Melior, du genre « Encore un ! » au lieu de « Mais ça n’est pas possible, je n’en reviens pas ! ». Cela donnerait de la profondeur au texte. Là, on a l’impression que Lucas oublie les événements précédents. Voilà, ce n’est qu’une proposition comme ça en passant.
Comme toujours : mes mots ne reflètent que mon avis personnel. Tu peux choisir d’ignorer totalement tout ce que je t’ai dis. Je n’en prendrai pas ombrage :)
Pour les points de vue je vais aussi supprimer les scènes "inutiles" et les garder dans mon document "scènes coupées" (j'ai tellement de mal à jeter ^^), ça m'aidera.
Et pas faux du tout pour le dernier point ^^ (Mélior ne devait pas être un traitre au départ mais j'étais coincée dans l'histoire et ça m'a permis de débloquer le truc, puis après tout, aucun peuple ne peut être parfait à 100%)
Je vais aussi impliquer papi/mamie davantage, notamment pour couvrir ses absences, ça fera d'une pierre 2 coups.
Et pas de souci, des réflexions perso qui sont logiques et trouvent un écho chez moi, je prends :)