Après cette nuit d’enquête insensée, pour ne pas dire complètement folle, Magalie Pierce avait enfin pu dormir. Lorsqu’elle était retournée au poste au petit matin, tout le personnel du poste de la police interstellaire s’était levé et lui avait fait une haie d’honneur à l’entrée. Ils l’avaient tous applaudie. Parmi eux, se trouvaient bien sûr Léopold et Grégoire, ainsi que Polkov et le jeune policier vantard sous ses ordres. Magalie ne s’était pas attendue une seule seconde à trouver Richard MacHolland, plus propre sur lui qu’elle ne l’avait jamais vu, qui l’applaudissait en souriant et sans aucune arrière-pensée.
Il y avait ensuite eut l’interrogatoire de Sindy ainsi que celui d’Harold en parallèle. Polkov s’était occupé de Rice, si bien que le politicien vert-reux avait craqué dans la matinée et tout avoué. Magalie s’était chargée d’interroger Sindy. La jeune femme avait tout déballé. Et comme Magalie l’avait déjà compris depuis un bon moment, c’était une bien triste histoire. Elle se souviendrait toujours des mots de Sindy, les derniers que Magalie avait noté dans son rapport.
Vous savez, lieutenant Pierce, je l’aime. Enfin, je croyais que j’étais amoureuse de lui. Harold s’est servi de moi pour toucher à la fortune de mes parents. Il était persuadé qu’en me faisant disparaître assez longtemps, et en faisant accuser mon père de tous ces meurtres de femmes qui me ressemblaient, il pourrait monter sur le trône. Vous savez, il me disait que si mon père allait en prison, alors je pourrai refaire surface. Il m’avait persuadée que mon père ne voulait pas de moi sur Mars, qu’il me pensait incapable de diriger après lui. Harry… Harold me disait qu’il m’aimait. Il semblait si convaincant… Il m’avait promis de m’épouser une fois que nous serions retournés sur Mars. A la maison, chez nous, comme il disait tout le temps. Je… Je suis désolée d’avoir été aussi aveugle. Je ne voulais faire de mal à personne.
Ce que Sindy avait dit ensuite, Magalie ne l’avait pas écrit. Seule la partie sur les méfaits d’Harold, son complot visant à détrôner le roi et le faire accuser de meurtre, était bien suffisante. Personne n’avait besoin de savoir ce que ressentait la jeune femme.
Sindy avait confié à Maggie qu’elle se sentait trahie. Elle ne considérait pas être capable de reprendre sa vie normale, et encore moins de revoir ses parents. Comment pouvait-elle leur expliquer pourquoi elle s’était enfuie avec cet homme ? C’était impossible à ses yeux. Magalie l’avait rassurée du mieux qu’elle l’avait pu, en lui disant que ses parents comprendraient avec le temps, et qu’ils ne la jugeraient pas. Les Grassier étaient ce qu’ils étaient, mais ils aimaient profondément leur fille. Ce qui comptait maintenant, c’était qu’elle fut en vie et en bonne santé.
Les jours et les semaines s’étaient ensuite écoulés. Harold Rice avait été jugé et emprisonné. Le juge, soudoyé par les Grassier, avait infligé à l’homme la peine maximale. Il ressortirait bien un jour de prison, mais pas avant de très longues années.
Grâce à la relation de Richard avec la doyenne de l’université de Chicago, Sindy n’avait pas été sanctionnée pour ses semaines d’absences. De plus, puisqu’elle avait pu se présenter aux examens de fin de semestre, et bien que ses notes ne fussent pas exceptionnelles, Sindy avait obtenu son diplôme d’architecte. Magalie, Richard, Léopold et Grégoire, ainsi que Gaston Francis et Polkov, avaient été invités à la remise des diplômes et à la réception donnée ensuite au palais royal en l’honneur de Sindy. Cette dernière était apparue dans une sublime robe grenat, ses cheveux - désormais noirs tels qu’ils l’étaient à l’origine – remontés en un chignon tressé agrémenté d’un diadème. A son bras se tenait Kay, souriant et bien habillé. Magalie avait été surprise de le voir là, puis elle s’était souvenue de la discussion avec Sindy au téléphone, cette fameuse nuit. La jeune femme lui avait expliqué à quel point elle se sentait mal pour Kay, parce qu’elle se rendait compte maintenant des sentiments qu’elle éprouvait à son égard. Elle était amoureuse. Lui aussi l’était, et c’était certainement au nom de l’amour qui les unissait qu’il lui avait tout pardonné. Quelques mois plus tard, la une des journaux était unanime : le couple martien star s’était fiancé. Kay et Sindy se marierait l’année suivante.
Et, donc, les mois s’étaient écoulés. Magalie avait été virée.
Comme elle l’avait redouté cette nuit-là, au poste, le fichier sur lequel elle était tombée n’était rien d’autre qu’une lettre de renvoi. Ce fut un matin, noir dans l’espace, sans intempérie, que Magalie Pierce rendit son arme ainsi que son tout-nouvel-insigne-qui-brille. Gaston Francis était heureux de la voir partir, son père avait été terriblement déçue, et elle n’était pas véritablement triste.
L’enquête sur la disparition – si l’on pouvait toujours l’appeler ainsi – l’avait menée dans des endroits tous différents les uns des autres, et lui avait permis de rencontrer des personnes qu’elle n’aurait jamais eu la chance de rencontrer dans un autre cadre. Certes, la police interstellaire lui manquerait, mais qu’est-ce qui l’empêchait de rester enquêtrice ? Sur Terre ? Et, si elle exerçait précisément dans une ville qu’elle avait apprécié découvrir, comme Chicago ?
Léopold et Grégoire, virés également pour leur incompétence, avaient donc suivi Magalie Pierce. Tous trois, sans grande conviction, avaient alors monter leur propre entreprise de détectives privés. Avec le soutien financier de Richard pour acheter un local et l’aménager, puis avec la publicité qu’il leur faisait auprès de tous ses clients, leur cabinet avait rapidement commencé à recevoir des demandes. Bientôt, le cabinet « Les Détectives de l’espace », dont Magalie s’était jurée de changer le nom, fut le plus connu en ville. Ils croulaient sous les enquêtes, mais elles étaient toutes à leur taille : pas trop compliquées.
L’Architecte dans les Etoiles, ou du moins Richard MacHolland, avait donc repris sa vie normale. Il avait voulu demander le divorce à Jenna. Tout était prêt : son avocat avait fait les papiers, Richard les avait déjà signé. Il ne manquait plus que le paraphe de Jenna et tout serait enfin terminé entre eux. Jusqu’à ce que madame MacHolland lui eut appris ce que tout le monde avait deviné dans leur entourage…
« Mais voyons, mon Richie, je suis enceinte ! »
Alors, Richard, qui avait grandi sans son père, ne voulut pas infliger cela à son propre enfant. Une petite fille naîtrait au printemps. Il avait déchiré les papiers. Pour autant, il n’avait pas juré fidélité à sa femme pour la continuité de leur mariage : Richard MacHolland s’en donnait donc à cœur joie.
« Mais, Magalie, tu ne nous as jamais raconté.
- Quoi ?
- Comment t’as su pour Sindy ? Enfin, t’avais tout deviné avant ce soir-là, et je n’ai jamais compris. »
Il faisait beau. Comme tous les week-end, Richard, Magalie, Léopold et Grégoire se réunissait dans le jardin des MacHolland. Jenna ne se montrait plus tant elle se trouvait grosse – même si tout le monde lui disait que c’était normal de prendre du poids pendant la grossesse, ce qu’elle ne voulait pas comprendre – ainsi ils étaient tranquilles. Léopold ouvrit quatre nouvelles bières tandis que Magalie répondait à la question de Richard :
« Oh ! Ca… C’est grâce à quelque chose qu’avait dit ta mère. Tu sais, un matin tu as complètement pété les plombs et tu es parti rendre visite à Annie ? Eh ben, elle avait parlé d’une relation qu’elle avait eue avec un homme avant ta naissance ? Un gars qui parlait français, plus vieux. J’ai repensé à Harold et sa fameuse Didine dont tu nous parlais tout le temps. Et au fait que Sindy ait choisi de nous mener sur une fausse piste avant de retirer son implant, tu sais, on y trouvait les dernières minutes de sa mémoire. Elle pensait à toi dedans. Du coup… »
Magalie se garda bien d’évoquer les quelques mots qu’Annie lui avaient soufflé sur sa relation avec Richard, des sous-entendus qui l’avaient totalement retournée. Comment la mère de Richard avait-elle pu mettre le doigt pile sur le point sensible alors qu’elle ne la connaissait que depuis une heure, à tout casser ? Encore aujourd’hui, il ne s’était rien passé entre Richard et elle. Magalie ne souhaitait pas que cela change, elle espérait voir son attirance pour l’architecte s’atténuer et s’effacer avec le temps. Toutefois, elle ne pouvait pas nier la tension qui régnait entre eux, et ce depuis le premier jour.
« J’y suis ! s’exclama Richard en attrapant la bière que Léopold lui tendait. Du coup, reprit-il, tu t’es dit que Sindy avait pu faire pareil que ma mère quand elle était jeune. Et le fait qu’elle ait pensé à un homme plus vieux t’as aidé. En recollant tous les morceaux, tu as compris que Sindy se trouvait certainement avec Harold Rice. Mais, dit-il en fronçant les sourcils, ça n’explique pas comment tu as su qu’ils se trouvaient à Chicago.
- Oh ça ! fit Magalie en s’esclaffant. Une intuition, Harold voulait nous balader. Et puis, quel est le meilleur endroit pour cacher quelque chose qu’à sa place habituelle ? En gardant Sindy sur Chicago, Harold était quasiment certain que nous ne la retrouverions jamais.
- Mouais… souffla Léopold en faisant la moue.
- Ouais, renchérit Richard, en gros c’était du bluff !
- T’as tout compris ! »
Le groupe d’amis éclata de rire. Ils trinquèrent en riant, à l’amitié et au futur, qu’ils espéraient moins compliqué.
« Eh ! fit Richard d’un seul coup, surprenant ses amis. Au fait !
- Quoi, Richard ? firent les trois autres, amusés.
- C’était vraiment ça votre princesse ? »
Magalie, Léopold et Grégoire se regardèrent un instant. Richard se demanda ce qu’il avait bien pu dire, encore une fois.
« Richard ! s’exclamèrent Maggie, Léo et Greg d’une seule voix. »
Ils éclatèrent de rire.
Et la bière coula à flots, jusqu’au bout de la nuit.
Je ne sais pas si après s’être fait virer de la police, reprendre dans le même milieu dans le privé soit judicieux surtout en gardant la même équipe, mais ils auront peut-être plus de succès à l’avenir ou peut-être pas.
Et comme tu le dis : seul l'avenir nous le dira ;)
Merci d'avoir tant commenté, en tous cas ! :)