— Réveille-toi ! Il faut quitter cet univers le plus vite possible !
Le ton de la voix était impérieuse, mais Balthazar était plongé dans un profond sommeil et il lui fallut du temps pour en émerger.
Une silhouette humaine était penchée sur lui et lui posa une main sur le front :
— Seigneur, mais tu es brûlant de fièvre. Il ne manquait plus que ça !
L’adolescent papillona des yeux pour retrouver une vision correcte.
Il était toujours dans le marais, dans cet univers inconnu où Lù l’avait abandonné. Ce n’était pas un rêve. A l’aide des béquilles, il avait réussi à clopiner jusqu’à un endroit sec et s’était endormi là, épuisé et glacé. Et voilà qu’un autre être humain le réveillait.
C’était une grande femme vêtue de noir, habillée fort étrangement avec une longue jupe et dont la taille était serré dans un corset très peu fortile.
Ses cheveux d’un violet sombre retombaient en anglaises parfaites et elle le fixait de ses grands yeux gris.
— Il ne faut pas rester ici, c’est dangereux. Tu peux marcher avec ça ? Non, ce sera trop long. Viens, je vais t’aider.
Elle passa son bras sous son épaule et le souleva comme s’il ne pesait rien.
— Qui êtes-vous ? articula péniblement Balthazar.
— Je suis comme toi. C’est tout ce que tu as besoin de savoir pour l’instant.
Un grand croassement retentit derrière eux et la femme se retourna violemment avant de serrer les dents :
— Nous devons nous dépêcher. La faille n’est pas loin.
— Qu’est ce que c’est ? On dirait un rapace.
— Ce n’est pas un oiseau. Peu importe ce que c’est, ça ne nous veux pas du bien. Allons, mon garçon, dépêche-toi.
Sans lui demander son avis, la femme le hissa sur ses épaules et s’élança à travers le marais en courant, trempant le bas de son étrange tenue dans la boue. Balthazar se cramponna à ses béquilles comme il pouvait pour ne pas les perdre.
Quand la faille fût accessible, l’adolescent eut à peine le temps de la discerner que la femme la traversait avec lui. C’était tout à fait le même type de faille que celle que Lù avait ouvert.
Mais de l’autre côté, ce n’était pas Hàgiopolis.
Son nez fut saturé par une forte odeur de roses. Ils étaient dans une roseraie. La grande femme le reposa avec infiniment plus de précautions que quand elle le trimballait. Baltahazar se redressa comme il le pouvait :
— Qui êtes-vous ?
— Je te l’ai dit, je suis un Pillier, comme toi. Mais je n’ai pas le même pouvoir. On m’a envoyé pour te chercher.
— Qui ? Et comment saviez-vous où me chercher ?
La femme plissa les yeux :
— Nous ne connaissions pas ton existence. Nous t’avons trouvé car nous observions Lù. Et il se trouve que mon maître te trouve intéressant.
— Ton maître ?
— Oui.
— C’est Lù qui a ouvert la faille que nous venons de traverser ?
La femme eut un rire incrédule :
— Bien sûr que non ! Il existe bien d’autres marchemondes et Lù se trouve dans une dimension très différente d’ici.
Il faisait nuit dans le jardin, mais de petits lumignons traçaient un chemin à travers des haies de rosiers impeccables. Un labyrinthe.
— Te voilà, Ithalis.
Une créature était arrivée en silence et se dressait devant eux, brandissant une lanterne. Balthazar poussa un cri de pur terreur. Le visage du monstre était presque humain, si on oubliait ses quatre yeux. Mais surtout c’était une sorte de sirène terrestre, de très grande taille. Balthazar savait qu’on ne pouvait pas faire confiance aux ondins, mais-
cet humanoïde… c’était encore autre chose.
La dénommée Ithalis et la sirène lui jetèrent un regard sans passion.
— Il va s’y faire, dit la créature. Suivez-moi.
Balthazar tremblait de tout ses membre et la femme posa une main réconfortante sur son bras :
— Ne t’inquiète pas. Il ne te sera fait aucun mal. Nous sommes tous des Pilliers ici.
— Ou presque, dit la sirène en secouant la tête. Enfin, peu importe, notre chef désire te parler.
— Votre chef ?
La créature posa sur lui ses quatre yeux, dont les iris dorés brillaient, bien visibles en contraste avec sa peau très noire. Il fit signe à Ithalis et Balthazar de le suivre dans la direction des petites lumières ; le bas de son corps glissait entre les herbes comme celui d’un serpent. La dénommée Ithalis soutint Balthazar par le coude alors qu’il peinait à avancer avec ses béquilles.
Ils arrivèrent devant un grand espace ouvert au milieu du labyrinthe. Une table avait été dressée et une foule se restaurait.
Balthazar ouvrit grand les yeux. Il n’y avait pas là que des humains et la sirène faisait figure de normalité ici.
Il va s’y faire, avait dit la créature.
La grande femme l’observait d’un air amusé.
— Tu es impressionné ?
Elle tendit le bras en direction d’une ombre imposante assis au centre de la table de banquet :
— Mock t’attend. Il a des projets pour toi.
Le garçon resta sur la défensive :
— C’est vous… C’est vous le groupe de Piliers dont Lù parlait. Vous préparez un guerre les uns contre les autres.
Ses deux interlocuteurs le regardèrent avec perplexité, quand l’ombre imposante s’approcha.
Balthazar ouvrit la bouche bêtement, mais aucun son ne sortit.
Le nouvel arrivant était sans doute de la même espèce que la sirène ; mais celle-là était immense et avait huit yeux.
— Il existe toute sorte de guerre mon garçon. La plus complexe quand on est puissant est sans doute de garder sa domination sans faire la guerre.
Sa voix avait un écho, comme si un homme et une femme parlaient de concert. D’ailleurs, Balthazar n’arrivait pas à définir son sexe, alors qu’il aurait plutôt classé le premier en tant que mâle.
L’être que l’on nommait Mock s’inclina légèrement en soulevant le chapeau melon qui se trouvait sur sa tête.
— Il sera ou non ta décision de t’impliquer dans cette non-guerre, mais pour le moment, je pensai simplement t’offrir une place à ma table et une nouvelle paire de jambes.
Mes propositions de corrections pour ce chapitre :
A l’aide des béquilles → À l’aiderait
ça ne nous veux pas du bien. → veut
je suis un Pillier → Pilier
Balthazar tremblait de tout ses membre → « tous ses membres »
Nous sommes tous des Pilliers ici → Piliers
Vous préparez un guerre les uns contre les autres → une
je pensai simplement → pensais
J’ai bien aimé ce roman. J’avoue avoir été complètement paumée par moment : trop de noms se rapportant à des personnes différentes, trop de titres se rapportant à la même personne. Je ressors de cette longue lecture avec un joli souvenir et n’est-ce pas le plus important ?
Bonne continuation, Gueule de Loup !
Un jour, je la relirai (wink wink l’auto-édition de Siméon Potiron) parce qu’il y a tellement de détails que des choses m’ont sûrement échappé. Et puis, je l’avais déjà dit, mais c’est le genre d’histoire qui gagne à redécouvrir le début à la lumière de la fin.
On débouche donc sur Ville Noire après ça, hein ?
C’était une sacré histoire en tout cas ! Tout ce décors de piraterie, le tanafas, la politique, la société matriarcale… C’était fou ! A la fois drôle (à la sauce Lou qu’on aime tant ♥) mais aussi tragique et intelligent. J’ai beaucoup aimé qu’on débouche sur l’égalité homme-femme. J’aime aussi cette façon que Lù aura eu de se mêler des histoires de ce monde avant de se le reprocher, d’essayer maladroitement de remettre tout ça sur de bons rails mais sans savoir si elle a eu raison. C’est un personnage complexe, à la fois central et sur le côté.
Jusqu’au bout Larifari et Lactae auront eu ma préférence. Je suis très très heureuse de cette fin pour elles deux. Mon petit coeur tout mou est soulagée de leur réconciliation et de la promesse de filouter pour se revoir en cachette ♥
Le destin de Balthazar m’intrigue tellement ! As-tu une autre aventure en tête qui fera suite à Ville Noire ? (Le Voeu de l’Oye peut-il s’intercaler avec ces deux romans assez sombres?)
En tout cas mille bravos pour le Livre des Vérités ! Et mille merci pour toutes ces heures de lecture inspirantes et vibrantes !
Moult love,
Elka.