Je ne sais si vous lirez un jour ces mots, ni l’une ni l’autre.
Sans doute que l’une sera attirée par sa haine, l’autre par sa curiosité.
Je choisis de faire confiance à ces vices.
Car les vices ont la particularité de ne jamais décevoir.
Voyez-vous, après de longues années à contempler ma propre psyché, je me trouve enfin au crépuscule.
Et tout ce qu’il me reste à souhaiter désormais est, qu’entre vos mains, la nuit à venir soit longue et noire.
Au moins autant que notre histoire.
***
Trente ans plus tard
ROYAUME D’ELESTHER, TOUR DE FEU
Damian de Rochevelle sourit avec chaleur.
— Les caisses de l’Institut ne se sont jamais aussi bien portées, ma reine.
La reine d’Elesther lui rendit son sourire tandis qu’elle organisait les feuillets épars devant elle.
— C’est en grande partie grâce à notre donneuse principale.
Un bruit provenant de la porte d’entrée attira l’attention de la reine et de son Chancelier. La sorcière bleue se tenait dans l’encadrement de la porte, l’air grave.
— En parlant d’elle, débuta Kiryana de sa voix plate, je crois que vous allez devoir lui rendre visite… après une escale au Cloître des Penseurs.
Marina fronça les sourcils, et la sorcière fit entrer une femme dans la salle de réunion d’un geste sec de la main. Les lèvres sombres de la femme s’étirèrent, et Marina n’eut d’autre choix que de lui rendre son rictus enthousiaste. Ces cheveux comme un buisson fou, ces yeux d’un kaki rafraichissant et sa peau halée ne manquaient jamais de lui rappeler de doux et lointains souvenirs.
— Ma tante, commença la voix soyeuse, vous avez reçu une lettre du Cloître des Penseurs. Apparemment, votre présence y est requise.
Marina se saisit de la lettre, un sourcil froncé.
— Merci, Asmé. As-tu lu la lettre ? Sais-tu pour quelle raison ?
La femme aux cheveux acajou glissa une main derrière son oreille et un rictus d’excuse se peignit sur son visage rond.
— Ah, je n’ai pas pu m’en empêcher. Je suis désolée, ma tante, minauda-t-elle. Mais c’est grâce à cette curiosité que je peux vous dire que c’est la reine Diane qui requiert votre présence.
La reine d’Elesther se figea de la tête aux pieds. Son regard brûlant tomba sur la lettre décachetée.
— Pour quelle raison ? demanda-t-elle d’un ton dur.
— Selon le Penseur, elle serait proche du Néant…
Marina acquiesça avec lenteur, avant d’échanger un regard profond avec son Chancelier et son Associée. Puis, elle reporta son attention sur la femme au sourire de chaleur.
— Asmé, puis-je compter sur toi pour administrer l’Institut pendant quelques jours ?
Les yeux kaki s’ouvrirent en grand, et Asmé s’inclina gracieusement.
— Bien sûr, ma tante.
— Bien, je te remercie. Je t’accorde toute ma confiance. Prends garde à Lei, il semblerait qu’elle ait du mal à gérer sa magie de l’Air récemment…
— Comptez sur moi, ma tante.
Marina marcha vers la porte d’un pas décidé, et elle opina du chef face à son Associée.
— Kiryana, va chercher Lapsi, je te prie.
***
Père disait souvent qu’il en était ainsi car j’étais sa fille et que je devais être prête.
Prête pour quoi, exactement ?
Je croyais qu’il était simplement aliéné, perverti par une soif de puissance et de possession qui s’étendait jusqu’à mon corps et mon esprit.
Mais après toutes ces années, je crois avoir compris.
Je devais me préparer pour la destruction. De moi d’abord, des autres ensuite.
Détruire pour reconstruire.
Mère disait que je devais suivre son exemple. Il faut que le miroir reflète la réalité, peu importe si elle est erronée.
Le silence serai notre sanctuaire.
Ainsi le monde mourra avant de croire que nous avions été brisées.
Et si le monde croit que nous sommes fortes, alors pourquoi ne le serions-nous pas ?
Mais Danae…
Père ne l’a pas éduquée, elle.
Peut-être n’a-t-il pas eu besoin d’insuffler la haine en elle pour faire naître la force.
Ou alors… peut-être n’ai-je jamais eu de sœur.
Etrangement, l’inavouable me parait plus supportable.
***
ROYAUME D’ELESTHER, CLOÎTRE DES PENSEURS
Lapsi se posa devant une falaise habillée d’une immense forteresse de pierre blanche. Marina descendit du dos du dragon et fit comprendre à Kiryana que cette dernière visite, elle devait la réaliser seule. Dans un geste fluide, habituel, elle posa son front contre la gueule grise du dragon.
— Je reviens, mon frère.
Elle accorda un dernier regard à son Associée et se dirigea vers les portes de fer forgé.
Un Penseur à l’air apeuré la guida à l’intérieur de cloîtres remplis de pêchers, de fontaines claires et d’herbe grillée, et elle oublia presque d’admirer les arabesques qui couraient sur les murs de chaux. Puis, l’homme ouvrit la marche sur un escalier plongeant dans la roche et jusqu’à une petite porte de bois qu’il déverrouilla d’une main tremblante.
— Si… Si vous pouvez, essayez de… ne pas trop l’écouter. D’accord ? Hein ?
Marina lui adressa un regard flamboyant.
— J’écoute qui je le souhaite. Je vous remercie, Penseur, vous pouvez disposer.
Dans un geste pressé, l’homme s’effaça pour qu’elle puisse entrer dans la cellule minuscule et disparut dans l’escalier.
La petite pièce rectangulaire était aussi large que deux personnes se tenant de profil, et aussi longue que le corps d’une personne allongée.
Aussi longue que le corps allongé sur la paillasse sale et décharnée.
Le peu d’espace était occupée par cette silhouette vêtue d’une longue chemise blanche décolorée et tachée d’auréoles jaunâtres et grisâtres. La chevelure blanche enroulée autour de ses pieds obscurcis par la crasse serpentait tout autour d’elle et recouvrait une grande partie du sol de roche. Le reste était occupée par des feuillets de parchemin vieillis et déchirés, noircis d’encre.
Marina referma la porte derrière elle, tout en maintenant son regard droit. Puis elle se figea.
Contre le mur opposé, Esma se tenait nonchalamment appuyée. Toujours aussi jeune, toujours aussi lumineuse, toujours aussi souriante.
Mais le sourire était voilé, terni.
— C’est la fin, Mari’, dit-elle doucement, désignant la forme sur la paillasse.
Pour toute réponse, la reine d’Elesther observa la silhouette qui se mouvait enfin. Dans un geste torturé, laborieux, la femme aux longs cheveux blancs se redressa et s’assit, reposant son dos contre le mur courbé. Le visage de marbre était strié de rides froides et austères. Le corps blafard était si rachitique que même l’air semblait incapable d’y pénétrer.
Mais l’éclat de diamant était toujours là. Éternel.
— Bon… jour…
La voix sonnait comme le crissement des pierres qui s’entrechoquent, et faillit mourir avant même d’être née. Diane se racla la gorge dans un grondement déchirant.
— … Marina.
Cette dernière acquiesça pour toute réponse, ses sourcils noirs froncés. Un sourire froid déforma alors le coin des lèvres pâles.
— Je suis… navrée. Cela fait près de trente ans que je n’ai plus parlé. Je crains que mon éloquence soit partie en fumée à travers les âges.
Marina esquissa une grimace qui se battait pour ne pas devenir un sourire.
— Je ne doute pas qu’elle reviendra rapidement et naturellement.
Le sourire de Diane se fit lame d’acier.
— Pourquoi avoir requis ma présence, reine Diane ? demanda alors Marina, sèche.
— Je suis… prisonnière du crépuscule, Marina.
Son regard brillant dans l’ombre se posa sur la liasse de parchemins qui gisait au sol.
— Je voudrais simplement pouvoir fermer les yeux. Pour cela, je n’ai qu’une requête : amenez ces feuilles à ma fille.
La bouche écarlate se tordit dans une moue dubitative.
— Pourquoi donc ? Que contiennent-elles ?
— Une dernière leçon.
— Une leçon de quoi ?
Diane marqua une pause.
— De vérité.
Marina prit une légère inspiration et se décida à se pencher pour saisir le paquet de parchemin, qu’elle serra contre elle. Son regard de braise se posa de nouveau sur Diane, intraitable.
— Pour la reine Jade, je le ferai. Mais pourquoi ne pas l’avoir appelée elle ?
À cette question, Diane ne répondit pas. Au lieu de cela, ce fut Esma qui se décolla du mur pour se planter devant Marina. Elle leva une main luminescente qu’elle posa sur sa joue.
— C’était juste une dernière fois, Mari’. La dernière fois avant la nuit.
— La dernière fois avant la nuit ? Mais quelle…
La reine d’Elesther fut interrompue par la quinte de toux assourdissante qui saisit la reine Diane dans sa gorge et au plus profond de ses entrailles, la forçant à couvrir sa bouche. Sans réfléchir, Marina s’avança et s’accroupit auprès de la paillasse. D’un mouvement distrait, elle posa le parchemin sur le côté et tendit une main vers Diane.
— Souhaitez-vous que je fasse appeler un médecin, reine Diane ?
Un rire rougeoyant, rocailleux se distingua de la toux.
— Le seul médecin… qui viendra à mon chevet sera… la déesse du Néant.
Un frisson glacial descendit le long du dos de Marina. Sans qu’elle ne sache pourquoi, elle s’empara de la main de Diane et la serra dans la sienne.
— Je suis certaine que la déesse du Néant est un excellent médecin.
Le rire cristallin d’Esma retentit dans son dos, mais elle n’y prêta pas attention. Au lieu de cela, elle resserra son étreinte sur les doigts maigres, brisés par le temps.
— Diane, pourquoi m’avoir choisie ?
La toux s’arrêta un instant pour laisser échapper un rictus discret, légèrement, comme une étoile sur le point de s’éteindre. Dans un effort surhumain, Diane parvint à se détacher du mur sur lequel elle prenait appui et s’approcha du visage de Marina. Ses prunelles blanches scintillaient plus fort encore.
— Savez-vous combien il fait froid dans cette cellule, Marina ?
Cette dernière déglutit avec difficulté, mais ne put articuler une réponse, obnubilée par le souffle glacial qui échouait contre ses lèvres.
— Considérez cela comme un ultime caprice. Je voulais juste… toucher le feu une dernière fois… avant la nuit.
La poigne de Diane devint soudain molle, lâche, et son corps tout entier bascula en arrière, comme une marionnette délaissée. Son souffle se fit sifflant, erratique. Ses yeux furent recouverts d’un drap de mort.
— Non, murmura Marina.
Les doigts blottis dans les siens perdirent leur vigueur et devinrent glace. La tête de Diane heurta la roche derrière elle et s’immobilisa.
Enfin.
La bouche entrouverte dans un gémissement qu’elle ne savait pas, Marina laissa tomber la main morte qu’elle tenait encore et s’éloigna du corps inerte. Elle observa sans dire mot Esma qui s’agenouillait près de Diane. Son corps diaphane perdait de sa lumière et de sa corporalité à chaque seconde qui passait. Elle lui adressa un sourire spectral.
— Merci Mari’, maintenant je peux enfin dormir.
Avec grâce, Esma s’allongea sur la paillasse face à Diane et apposa son front contre celui de l’ancienne reine Ospales.
— La nuit est tombée.
Et Esma disparut, lueur avalée par l’obscurité du corps sans vie.
Avalée par la nuit.
Ne laissant rien derrière elle si ce ne fut un fin sourire sur les lèvres de Diane.
Ses paupières étaient closes.
Tremblante de la tête aux pieds, Marina ramassa la liasse de parchemins. Elle tourna le dos à la mort misère et tendit une main dans son dos. Du bout de ses ongles jaillirent des flammes familières, envoûtantes.
Insatiables et sans pitié, elles se déversèrent dans la petite cellule, dévorèrent tout pour qu’il ne reste rien.
Dans un soupir ensanglanté, Marina ouvrit la porte de bois.
Et ne se retourna pas.
Qu’il en soit ainsi.
La dernière nuit de Diane sera de feu.
***
Quand la Sorcière Bleue a regardé le corps sanglant et désarticulé de Père, nu sur son lit, puis le sourire éclatant d’Esma, elle a suggéré qu’il fallait que cela cesse.
Esma devait partir, et une fois n’étant point coutume, elle avait peut-être raison.
Notre proximité nous plongeait toutes deux dans le Chaos.
Alors, Kiryana eut une idée.
Elle savait le Chaos d’Esma, et elle savait que ce Chaos existait quelque part ailleurs.
La fille de Danae était vouée à être dévorée par le feu, sauf si mon Chaos parvenait à apaiser le sien.
Esma m’a quittée pour Elesther.
Pour Marina.
Enfermée dans l’ombre de mon apparence, j’ai pu retrouver l’équilibre.
Elle gardait ma lumière et ma souffrance.
Je me réfugiais dans la puissance de mon reflet.
Son départ a juste laissé un vide.
Un vide de souffrance.
Fort heureusement, la souffrance n’est jamais inaccessible.
***
ROYAUME D’INDEYA, PALAIS DES LUMIÈRES
— Je suis sincèrement navrée, reine Jade.
Dans un sourire mélancolique, Marina s’inclina devant la reine des Ospales, assise sur son trôle. Elle marcha jusqu’à elle et lui tendit une épaisse liasse de parchemin.
— Votre mère est décédée ce matin sous mes yeux. Avant de mourir, elle m’a fait promettre de vous donner ceci.
Le visage rond, marqué par le règne du temps, de la reine d’Indeya se pencha sur le paquet qu’elle prit dans ses mains avec une certaine révérence. Des creux s’étaient dessinés dans ses joues et aux coins de ses yeux, marqueurs des sourires qu’elle avait offerts sans compter. Un autre déforma ses lèvres roses, bien qu’il ne comportait pas la lumière de ses ancêtres. Ses yeux s’étaient assombris, sans jamais perdre leur étincelle.
— Je vous remercie d’avoir fait la route jusqu’à Irradya pour me transmettre cela en personne, Marina.
La voix de la reine Jade était profonde. Elle coulait naturellement tout en avalant les tremblements.
— C’était le moins que je puisse faire, affirma Marina. Et puis…
Dans une moue amusée, elle désigna le vide à côté d’elle.
— Quelqu’un d’autre que moi était ravi de venir vous rendre visite.
À ces mots, la matière se tordit tout près de Marina, et au creux du vide apparut une silhouette au sourire ravageur. Jade poussa un doux soupir exaspéré.
— Je vois. Je suis ravie de vous revoir, chère Asmé.
La femme aux cheveux fous d’acajou plongea dans une révérence parodique.
— Mais tout le plaisir est pour moi, chère mère. Rien que votre vue est un pur bonheur !
Un rire chaud s’échappa de la gorge de Jade.
— Et je vois que votre apprentissage se déroule parfaitement bien. Je ne crois pas me tromper en affirmant que vous êtes placée entre d’excellentes mains.
Jade adressa un hochement de tête reconnaissant à Marina et à Kiryana qui se tenait en retrait derrière elle.
— Il faut dire que notre Institut tient son succès de quelques charitables donateurs, répliqua Marina dans un rictus entendu. Et les services de votre fille nous sont d’une grande utilité. Elle fera bientôt partie de nos éminents professeurs, aux côtés de la magicienne Saphira et de Taravahë. C’est un honneur de pouvoir bientôt compter sur la future reine d’Indeya.
Jade lui rendit son sourire, avant qu’il ne disparaisse lorsque son regard se posa sur sa fille.
— Tout de même, murmura-t-elle comme pour elle-même. La magie des illusions entre les mains de ma fille… Splendide ironie.
Asmé s’approcha et mit une main en coupe derrière son oreille, fronçant ses sourcils broussailleux.
— Que dites-vous, mère ?
Le regard de Jade quitta le vague de l’horizon pour se reposer sur Asmé.
— Absolument rien, ma chère fille. Mais attendez un instant, je vous prie. Je vais chercher votre père. Il sera ravi – au moins autant que moi, j’en suis sûre – de vous voir.
Le visage halé s’illumina de bonheur.
— Oh, et est-ce que son époux est là ? Je dois lui rendre l’un de ses livres.
Alors que la reine s’éloignait en direction des escaliers, un sourire radieux se peignit sur ses lèvres. Puis, elle leva une main vers le ciel. Dans un croassement qui perça l’air, une ombre noire s’engouffra par une fenêtre et voltigea jusqu’à elle.
Un corbeau noir était perché sur son épaule, silencieux et majestueux, lorsqu’elle se tourna vers sa fille.
— Naturellement. Je m’en vais de ce pas chercher notre Premier ministre. Mais vous savez que plutôt que de vous évertuer à apprendre la théorie… Il n’y a rien de mieux que la pratique pour maîtriser le jeu d’échecs ?
***
Ma chère fille,
Je suis dans le regret de vous apprendre que votre père était un homme d’une insipidité sans pareille. Mais lorsque son regard se posait sur vous, vos yeux verts, votre bouche insatiable, son visage changeait.
Il devenait vivant.
C’était un risque que je ne voulais pas prendre.
Vous n’aviez pas besoin d’un père pour vous insuffler la puissance, la vie.
Vous m’aviez, moi.
Le soir de nos noces, il a cru un instant qu’il était le seigneur d’un royaume
et d’une jeune fille venue d’ailleurs.
Je me suis assurée qu’il ne serait jamais le seigneur de rien.
Je l’ai autorisé à me toucher.
Une seule fois.
En retour, je lui ai enfoncé une lame dans le ventre.
Ce ne fut rien de plus que ce qu’il m’avait fait, après tout.
Il fallait un héritier.
Une héritière.
Dans ses gémissements, j’ai cru avoir lu l’acceptation de sa défaite.
Il ne m’a plus jamais touchée
et il m’a offert son royaume.
Je voulais vous l’offrir à mon tour.
Mais en réalité, vous n’en aviez pas réellement besoin, n’est-ce pas ?
Pourtant, même la légendaire reine Katherine a eu besoin d’un tyran pour mourir dans l’héroïsme et la dignité.
Par sa volonté, j’ai été son tyran.
Une mort en martyre pour galvaniser les foules, contre un acte qui porte la grâce de l’Injustice, la beauté de la terreur.
Un assassinat factice contre une libération définitive.
Son dernier saut devait être le choix désespéré de celle qui choisit sa propre mort.
Il n’en était rien.
Car sa mort a été sienne du début jusqu’à la fin.
Je vous ai condamnée parce que vous n’avez jamais eu besoin du tyran ni du reflet du miroir.
Vous m’avez condamnée parce que j’ai été le tyran et le reflet du miroir.
Nous avons créé ensemble Notre Monde, mais peut-être n’ai-je jamais réussi à en faire partie.
Pourquoi créer tout un monde pour épouser sa solitude, me demanderez-vous.
La solitude est une souffrance, mais une souffrance fidèle.
Peut-être avais-je moi aussi une leçon à apprendre
après tout.
***
Jade referma la liasse de parchemins reliés et se laissa choir contre la tête de lit. Pendant longtemps, ses yeux fixèrent le noir de la nuit derrière la fenêtre. Une étincelle sombre mais apaisante flottait dans ses prunelles vert endormi.
Une tignasse folle apparut alors dans l’encadrement de la porte, et un sourire naquit au coin de ses lèvres.
— Ça va ?
La voix était éraillée, mais surtout prudente, délicate.
— Oui. Et toi ? L’entretien avec ton Associé de Percée s’est bien passé ?
Gina grogna sans retenue ni élégance.
— Bof. Il comprend pas que je veuille autoriser la diffusion des manuscrits de Senti. Alors que, quand même, en tant que sa successeure, c’est normal. Puis, après la publication de la Magicienne Sans Cœur, et surtout après sa mort...
Jade sourit avec la douceur de la lune.
— Je suis persuadée que tu parviendras à le convaincre.
La reine tendit une main, et l’Ange des Sourires répondit à son appel sans tarder. Elle marcha jusqu’au lit et se glissa sous la couverture à ses côtés. Dans une inspiration libérée, Jade s’abaissa pour déposer sa tête dans le creux de l’épaule de Gina.
— Quand je t’ai confié le manuscrit, commença-t-elle dans un chuchotement, n’as-tu pas vu les mots écrits sur la toute première page ?
Gina baissa les yeux sur la reine, les sourcils froncés. Machinalement, sa main tachée de peinture rouge se posa sur la chevelure rousse constellée de mèches couleur sel.
— Non, pourquoi ?
Jade ferma les yeux, et expira tout l’air de ses poumons avec délectation.
— Si je te disais que la reine Diane avait enfin compris, qu’en penserais-tu ?
Un ricanement rauque fit vibrer la poitrine de Gina.
— Je te dirais que tu es devenue folle.
Le rictus de Jade s’élargit. D’une main molle, elle prit le parchemin qui gisait près de ses jambes, l’ouvrit à la première page et le déposa sur les genoux de Gina.
— Tu ne peux pas me reprocher la folie d’espérer. Regarde.
Interdite, Gina se saisit des feuillets et lut les quelques mots inscrits sur la première page, en toutes petites lettres.
« À toi, Femme qui a vaincu »
Avec une lenteur stupéfaite, elle referma le manuscrit. Pour la première fois, sans crainte, elle lut le titre inscrit sur la page de garde.
La Table des Sept
Dans un sourire rêveur, elle traça les mots qui avaient été barrés, et caressa ceux juste en-dessous qui les remplaçaient.
Ces mots qui créaient une nouvelle réalité.
Un nouveau monde.
Sans dieu.
Sans malédiction.
La Table des Dix
Notre Monde.
Eh ben...
Que dire ? Franchement c'était vraiment un super épilogue. Comme je savais que je lisais le dernier chapitre de cette histoire commencée il y a déjà un bout de temps, qui m'a fait voyagé dans un univers si riche entre une galerie de personnage hyper développée, c'était une lecture émouvante.
Déjà, le premier paragraphe est brillamment écrit. J'ai trouvé la suite excellente parce qu'on a vraiment un ajout par rapport à l'histoire principale, ce n'est pas seulement un épilogue au revoir. Le choix de l'ellipse est super pertinent. J'ai trouvé génial l'idée de montrer la mort de Diane, ça donne une scène vraiment forte. Le fait que sa dernière volonté soit de léguer une lettre à sa fille m'a énormément plu. Voir la fille de Jade aussi était sympa. Asmé comme nom, c'est un hommage auquel je ne m'attendais pas forcément mais qui est plutôt juste.
La lettre "ma chère fille" est extraordinaire. Avec Diane qui dévoile énormément de choses en seulement quelques mots. J'ai compris en lisant des choses que je n'avais pas forcément imaginé lors de ma lecture et qui me permettent de connaître encore un peu plus l'étendue de la richesse de ton histoire (même si j'ai l'impression que l'espacement des lectures m'a fait manquer des choses). Diane, en tyran nécessaire pour faire évoluer le monde, c'est vraiment brillant. Ca donne beaucoup de sens à toutes les scènes de la Table et les évolutions sociétales qu'elles ont permis. Excellent vraiment !
Et les derniers mots... Quand tu sais que tu vas quitter (temporairement, j'ai vu ton autre histoire) un univers aussi prenant, forcément ça fait quelque chose. Et le choix des mots est excellent, rappelant les chapitres les plus forts de cette histoire...
Je t'ai déjà transmis dans mes comms précédents ce qui me paraît améliorable dans ton histoire, je n'ai pas forcément grand chose à ajouter. Ce qui est sûr, c'est que si tu comptes la réécrire, évidemment je serais ravi de découvrir ça !
Merci pour ces supers moments de lecture !
A très très vite (=
Wow. Ton commentaire est si long, si détaillé, et si adorable, ça me touche beaucoup ! Je dois avouer que le fait que tu sois arrivé au point final de cette histoire me fait un p'tit truc aussi ahah ^^
Je suis contente si tu es satisfait de cet épilogue ! Effectivement, je pense que le saut dans le temps était nécessaire, pour montrer un peu l'évolution, tout ce qui s'est passé après la table des sept qui a bouleversé pas mal de choses !
Et ça me semblait faire sens de tourner cet épilogue autour de Diane, car finalement, bien qu'avec son statut d'antagoniste, elle a fait tellement de choses, elle a changé tellement de choses (pas forcément de la bonne manière ni pour les bonnes raisons évidemment). J'espère aussi que ça apporte pas mal de réponses sur ses choix, sa psychologie, certains de ses mots et de ses réactions au cours de l'histoire.
Et oui, son dernier hommage est pour sa fille, seule personne qui a réussi à la dépasser finalement ;)
Héhé, oui présenter la fille de Jade était important, son nom a également un sens très fort.
Je suis vraiment contente si les mots de Diane font sens et que ça t'a donné l'impression d'en découvrir plus et d'approfondir encore l'histoire c'était le but ;)
Oui la conclusion me paraissait aussi évidente, j'y ai même pas tant réfléchi tant elle me paraissait couler de source ahah ^^ Et je trouve que l'idée que, peut-être, le récit de la Table vienne de Diane en réalité, a une douce saveur ^^
Oui j'ai bien pris note de tes pistes d'amélioration très pertinentes ! Tout est noté et prêt pour 2064 :P Nan en vrai de temps en temps ça me titille de me mettre aux corrections donc peut-être que ça viendra plus vite que prévu, mais sur un projet de cette taille, j'aime laisser le temps passer et prendre pas mal de recul avant de m'y mettre ;)
Merci infiniment pour ta lecture et tes commentaires extrêmement utiles et pertinents du début jusqu'à la fin, vraiment j'aurais dû mal à trouver les mots pour te dire à quel point tu m'as aidée ! Donc merci pour tout ça !
A très très vite sur l'ADD ;)
(Mais là j'attends ma nouvelle grille :P)
Si j'ai pu t'aider, c'est super !
A bientôt (=
En tout cas merci pour ton soutien ;)
( nous y voilà donc, la fin TuT )
« — En parlant d’elle, débuta Kiryana de sa voix plate, je crois que vous allez devoir lui rendre visite… après une escale au Cloître des Penseurs. » Ow !
«
— Ah, je n’ai pas pu m’en empêcher. Je suis désolée, ma tante, minauda-t-elle. Mais c’est grâce à cette curiosité que je peux vous dire que c’est la reine Diane qui requiert votre présence. » Diane, hein...
« — Selon le Penseur, elle serait proche du Néant… » Ah, donc c'est bien ce que je pensais. Les écrits en italiques du début sont ceux de Diane !
« Je devais me préparer pour la destruction. De moi d’abord, des autres ensuite.
Détruire pour reconstruire. » Ces mots sont violents. Violent et pourtant, au vu de ce qui s'est passé, ils sonnent comme une vérité inébranlable.
« — Je reviens, mon frère. » Nya <3
« Le reste était occupée par des feuillets de parchemin vieillis et déchirés, noircis d’encre. » occupé, non ?
« Toujours aussi jeune, toujours aussi lumineuse, toujours aussi souriante.
Mais le sourire était voilé, terni.
— C’est la fin, Mari’, dit-elle doucement, désignant la forme sur la paillasse. »;-;
« — C’était juste une dernière fois, Mari’. La dernière fois avant la nuit. » Maha, c'est triste ;-; Beau aussi en même temps. Que ce soit elle qui ait été demander plus que Jade. Ça signifie beaucoup.
« Enfermée dans l’ombre de mon apparence, j’ai pu retrouver l’équilibre.
Elle gardait ma lumière et ma souffrance.
Je me réfugiais dans la puissance de mon reflet.
Son départ a juste laissé un vide.
Un vide de souffrance. » Ça fait mal au cœur pour Diane.
« Dans un sourire mélancolique, Marina s’inclina devant la reine des Ospales, assise sur son trôle. » trône
« — Mais tout le plaisir est pour moi, chère mère. Rien que votre vue est un pur bonheur ! » Je SAVAIS qu'Asmé était la fille de Jade <3 C'est assez drôle qu'elle ait choisi ce nom. Esma / Asmé, c'est voulu ?
« — Tout de même, murmura-t-elle comme pour elle-même. La magie des illusions entre les mains de ma fille… Splendide ironie. » C'est pas faux ^^' Mais ne dit-on pas que la vie réserve bien des surprises ?
« — Oh, et est-ce que son époux est là ? Je dois lui rendre l’un de ses livres. » Oh la petite phrase clin d’œil qui nous montre ce qu'il en est pour eux ! J'suis trop contente <3 <3 <3
« Dans ses gémissements, j’ai cru avoir lu l’acceptation de sa défaite.
Il ne m’a plus jamais touchée
et il m’a offert son royaume. » Ah oui, dès le début, elle a donné le ton de sa relation avec lui.
« Par sa volonté, j’ai été son tyran. » Wow !
« Car sa mort a été sienne du début jusqu’à la fin. » Double Wow ! D'une certaine manière, j'avais un peu cru comprendre ce point, mais de le lire noir sur blanc, c'est encore autre chose. Parce que qu'on s'en doute, c'est une chose, mais qu'on en ait la confirmation c'en est une autre. Ça concrétise un aspect d'elle qu'on n'a fait qu'effleurer ça et là au travers du texte. J'aime beaucoup ces petites phrases qui révèle beaucoup en peu de mots.
Et en plus on a un focus sur Gina/Jade sur la fin <3
Que demander de plus ? Rien. Je n'avais pas envie que ça s'arrête parce que j'adore cet univers, ces personnages, leurs histoires. Je suis vraiment contente d'avoir pu lire ton histoire jusqu'au bout, suivre l'évolution de Jade et des autres. Tu as aborder des points qui touchent et sauront parler à beaucoup de monde. Je ne sais pas si tu as prévu de l'éditer un jour, mais sache que si c'est le cas, que ce soit en AE ou avec le concourt d'une ME, je serais la première à t'en acheter un exemplaire ! Parce que j'ai vraiment aimé te lire. Et encore, je pense qu'aimer est trop faible, mais adorer ne correspond pas non plus à ma pensée. Vraiment, merci <3
« Ah, donc c'est bien ce que je pensais. Les écrits en italiques du début sont ceux de Diane ! » --> Oui héhé, tu l’as vite compris ;)
« Ces mots sont violents. Violent et pourtant, au vu de ce qui s'est passé, ils sonnent comme une vérité inébranlable. » --> Oui malheureusement, et ils définissent très bien Diane qui n’a connu que la violence et qui se l’est appropriée pour en faire son arme :/
« Maha, c'est triste ;-; Beau aussi en même temps. Que ce soit elle qui ait été demander plus que Jade. Ça signifie beaucoup. » --> Oui totalement, c’est à la fois triste pour Jade mais très puissant pour Marina. Ça montre encore une fois tout ce qui n’allait pas chez Diane et dans sa relation avec sa fille ahah xD
« Ça fait mal au cœur pour Diane. » --> bah écoute ça me fait plaisir que malgré tout tu arrives à avoir de la peine pour elle, parce que c’était pas évident au début je pense x)
« Je SAVAIS qu'Asmé était la fille de Jade <3 C'est assez drôle qu'elle ait choisi ce nom. Esma / Asmé, c'est voulu ? » --> Héhé oui tout à fait, contente que t’aies remarqué ce détail :) C’est un hommage à Diane/Esma. Esma qui vient d’ailleurs d’Asmée, le nom de la mère de Diane ;)
« C'est pas faux ^^' Mais ne dit-on pas que la vie réserve bien des surprises ? » --> Ah ben si totalement xD
« Oh la petite phrase clin d’œil qui nous montre ce qu'il en est pour eux ! J'suis trop contente <3 <3 <3 » --> Ahah oui je ne l’ai ai pas oubliés xD J’avais pas pour objectif de détailler leur romance mais donner quelques indices au fil de la lecture et montrer au moins ce qu’il en est à la fin :)
« Ah oui, dès le début, elle a donné le ton de sa relation avec lui. » --> Ah oui, fallait pas déconner avec Diane mdr. Elle lui a laissé aucune chance !
« Ça concrétise un aspect d'elle qu'on n'a fait qu'effleurer ça et là au travers du texte. J'aime beaucoup ces petites phrases qui révèle beaucoup en peu de mots. » --> Contente que tu avais plus ou moins capté les circonstances de la mort de Katherine, c’est vrai que c’est jamais expliqué dans les détails, c’est encore un peu tabou pour Christian, Gina, Jeanne, etc. Mais sur la fin, Diane a voulu dire la vérité pour qu’au moins quelqu’un sache une fois qu’elle soit morte. Pour elle c’est un aveu de faiblesse cela dit, qu’elle peut se permettre qu’une fois qu’elle est condamnée. Elle avoue que pour une fois non elle a pas tué, pas vraiment ^^
« Et en plus on a un focus sur Gina/Jade sur la fin <3 » --> Mais évidemment ahah je me devais de finir sur ces deux-là héhé
Vraiment, merci infiniment pour ton commentaire tellement adorable ! Je suis tellement touchée par tes compliments, par le fait que tu m’aies lue et suivie pendant tout ce temps aussi, tu m’as tellement portée pendant tout ce temps, alors merci vraiment <3
Je suis contente que les thèmes, les personnages et l’univers que j’ai introduits t’ont autant captivée et touchée :) Et t’es juste beaucoup trop adorable ahah, merciii ! Je ne sais pas si cette histoire trouvera éditeur un jour, mais je serais ravie de te le dire en avant première en tout cas, tu y seras un peu pour quelque chose en vrai :3
Alors merci infiniment à tout, à ton enthousiasme, à tes commentaires si adorables tout au long de ta lecture, et à tout bientôt sur Tempest <3
Et qui sait ? Peut-être à bientôt dans cet univers un jour ? :P
Bisouilles <3
Tu sais déjà ce que j'en pense mais la répétition est mère de je ne sais plus quoi (je crois que c'était de pédagogie), n'est-ce pas ?
Je voulais juste te féliciter encore pour ce très beau texte que tu nous as offert, tu peux vraiment être fière de ce que tu as accompli avec, que ce soit à travers les personnages ou les thématiques très fortes que tu abordes ! Alors bravo <3 J'ai hâte de suivre tes écrits pour de longues années encore (bah ouais maggle, DDD forever) ^^
Bisous bisous :*
Je suis honorée que l'histoire et ses thématiques t'aient touchée, et je te remercie encore d'avoir lu cette histoire du début jusqu'à la fin et de m'avoir soutenue pendant tout ce temps <3 Ton aide et tes retours m'ont été tellement précieux !
Evidemment, on se suit :P
Bisous DDD <3