Les souverains d’Indeya, accompagnés de leurs serviteurs se tenaient debout sur le perron, observant les visiteurs franchir la porte du Palais des Lumières pour pénétrer dans la cour et rejoindre leur diligence.
La reine Jade, quant à elle, avait les yeux rivés sur le carrosse noir qui s’éloignait au-delà des portes dorées, en direction du Royaume d’Elesther.
Des mots et des poignées de main furent échangées avec douceur.
La reine Juliette avait toujours l’espoir à offrir, au bout de ses lèvres et aux creux de ses yeux, que même la Magicienne Sans Cœur ne parvenait pas à assombrir.
Des non-dits et des hésitations flottèrent dans les regards et dans les gestes, mais ils contenaient une douceur, un apaisement qu’ils n’avaient jamais eu auparavant.
Juliette s’arrêta devant l’Ange des Sourires, et sous le regard ébahi de cette dernière, prit les doigts tachés de peinture entre ses petites mains halées. Saphira à ses côtés demeura légèrement en retrait, bien que son regard dissimulé sous sa capuche était braqué sur Gina, qui gardait les yeux baissés.
— Je suis désolée que nous n’ayons pas pu nous connaître autrement, dit Juliette d’une voix douce. Mais il y a des choses que je connais déjà de vous.
Une grimace se peignit sur le visage de Gina, mais avant qu’elle ne puisse répliquer, la reine de Crystallide poursuivit dans un sourire éclatant. Elle porta leurs mains jointes contre son cœur et serra un peu plus les doigts entre les siens.
— Ce n’est pas parce qu’on est né de la Violence qu’on est sa prisonnière, murmura-t-elle. Il faut que vous sachiez, Gina.
L’Ange des Sourires ouvrit ses lèvres gercées, hypnotisée par le rictus lumineux de celle qui partageait le même père qu’elle.
— Un jour, poursuivit Juliette, peut-être serez-vous la successeure au trône de Percée. Et vous verrez. La Violence n’est pas un bouclier.
Il est vrai, rien dans les yeux noisette, les boucles de blé et le sourire solaire de Juliette ne reflétait la Violence.
Alors, Gina étreignit les mains de la reine de Crystallide et hocha la tête avec solennité. Elle risqua un regard vers la Magicienne Sans Cœur qui se tenait immobile derrière elle.
— Vous avez raison, murmura-t-elle de sa voix rocailleuse.
Le sourire que lui offrit Juliette transperça le ciel.
Le rictus pourpre de Saphira fit pâlir le firmament.
La reine Eléanor, accompagnée de Valmec passèrent alors devant la reine d’Indeya, têtes vissées et épaules voûtées. Dans un sourire amusé, Jade s’avança sans hésiter pour poser une main réconfortante sur l’avant-bras de la reine de Percée, qui ne manqua pas de sursauter légèrement.
— C’est terminé, Eléanor, commença Jade d’une voix chaude. Vous n’avez plus à avoir peur.
Elle lança un regard à Valmec, par-dessus l’épaule recroquevillée de la reine de Percée. Elle se délecta de l’éclat de défiance dans les yeux violets. Elle se rapprocha plus encore, et glissa une main sous le menton d’Eléanor. D’un geste doux et ferme, elle souleva la tête de la reine jusqu’à apercevoir ses yeux de poussière derrière le rideau terne.
— Vous pouvez relever la tête, Votre Majesté. La domination qui planait au-dessus de vous n’a plus de raison d’être.
Les yeux éteints s’allumèrent d’espoir. Lentement, Eléanor hocha la tête d’un geste saccadé d’hésitations.
— Je ne sais pas… Je…
La reine de Percée jeta un regard hagard en arrière, en direction du Dévoué Valmec qui l’observait avec une étrange lueur dans ses prunelles sombres. Jade suivit son regard et sourit avec une empathie sincère.
— Vous croyez que vous avez besoin d’être guidée parce que vous ne vous croyez pas capable de tenir les rênes. Mais vous pouvez essayer, et vous vous rendrez compte que vous y parviendrez. Avec de l’aide, mais pas sous influence.
À ces mots, Valmec grogna entre ses dents et évita avec soin le regard scintillant de la reine d’Indeya. Cette dernière poursuivit, un rictus satisfait éclairant ses lèvres roses.
— Le changement n’est pas toujours effrayant, glissa-t-elle, suave.
Comme le Dévoué ne daignait toujours pas regarder la reine d’Indeya dans les yeux, celle-ci décrivit un dernier pas vers Eléanor.
— Même si certains peuvent mettre plusieurs années avant de prendre forme…
Elle marqua une pause avant de chuchoter contre les mèches raides en ruines.
— Le combat dans l’ombre peut se poursuivre, avant de se révéler à la lumière.
Jade glissa alors une main dans sa manche, dont elle sortit un petit bout de parchemin déchiré et replié sur lui-même. Sans attendre, elle saisit une main de la reine de Percée et y plaça le petit bout de papier.
— Le nom inscrit sur cette feuille, souvenez-vous-en, Eléanor. Cette personne a beaucoup de connaissances et de ficelles qui pourraient s’avérer utiles pour qui souhaite voir ses oeuvres se diffuser… discrètement.
Les mains secouées et gigotantes, Eléanor ouvrit le petit papier et à peine ses yeux posés sur l’écriture, elle ouvrit grand la bouche.
— Charlotte ? Mais… Impossible. C’est…
— Oui, répondit Jade, tout sourire. J’ai cru comprendre que vous la connaissiez très bien. La gouvernante de votre fille a toujours été bien plus que cela, n’est-ce pas ?
La reine d’Indeya posa alors ses mains sur les doigts tremblants d’Eléanor et fixa ses yeux sur le bout de papier déchiré.
— Les Panthères sont partout, Eléanor. Laissez-nous vous aider à écrire la vérité.
— Mais… Mais… Je…
— N’ayez pas peur, Eléanor, murmura Jade. Et un jour peut-être, le monde n’aura plus peur de la vérité.
Les lèvres sèches et sinuées de cicatrices d’Eléanor s’animaient sans jamais former de mot. Alors, Jade continua, sa voix à peine plus forte qu’un souffle.
— La Magie mérite d’être dévoilée pour ce qu’elle est vraiment. Comme la naissance de Tout. Notre Nature. Je vous en prie, Eléanor, ne craignez plus le changement.
Un grognement hostile retentit derrière la reine de Percée, et Jade s’écarta alors d’Eléanor pour poser son regard moqueur sur le Dévoué Valmec.
— Oui, Dévoué Valmec, dit-elle avec une conviction rêveuse. Je crois qu’un jour, vous non plus ne craindrez plus le changement.
Valmec poussa un soupir agacé.
— Pfff, non mais vous…
Puis, une main blanche et fine se posa sur l’épaule du Dévoué, le faisant sursauter.
— Le changement ne signifie pas toujours l’abandon, Flaurent.
Tous les muscles des bras et du torse de Valmec se tendirent en chœur. Jade acquiesça à l’attention d’Emile Cujas qui venait d’apparaitre aux côtés de son ancien ami et rival.
— Parfaitement. Et offrir la liberté est une nécessité, même si cela implique parfois de devoir regarder les gens s’éloigner.
Valmec demeura un long moment la bouche entrouverte, ses yeux écarquillés, incapable de prononcer le moindre mot et d’esquisser le moindre geste. Alors, dans un sourire provocateur, la reine Jade lui adressa une légère révérence, avant de se tourner vers la reine Eléanor.
— Je me réjouis de découvrir bientôt tout ce que vous vous êtes retenue de dire.
Alors, Eléanor releva lentement la tête. Ses yeux avait la couleur de la poussière qui s’envolait dans les rayons du soleil, brillants d’une détermination nouvelle.
— Moi aussi… Jade.
Le Dévoué Valmec adressa un dernier regard enflammé en direction d’Emile Cujas, auquel ce dernier répondit par un sourire irréel. Très vite, le Dévoué détourna le regard dans un râle bruyant, et la reine Eléanor et le Dévoué Valmec s’éloignèrent sous l’œil attendri de Jade et de son Léopard Blanc.
Lorsque la reine Marina s’approcha pour descendre les marches de pierre, son regard de braise croisa le regard émeraude un court instant. Elle offrit un sourire écarlate à la reine d’Indeya, et la flamme qui brûlait encore dans ses prunelles annonçait que la rage et la passion survivraient encore. Et peut-être ne vivrait-elle plus pour détruire.
— Nos chemins se séparent encore, cher Léopard Blanc, déclara Jade d’un ton absent tandis qu’elle observait la reine d’Elesther et son Chancelier qui rejoignaient leur diligence.
— Peut-être bien que le Léopard Blanc et la Panthère Noire n’ont plus leur place en ce monde. Ne croyez-vous pas, Panthère Noire ? répliqua Cujas, un sourire au goût de miel dans la voix.
— L’injustice et l’inégalité n’ont pas disparu au Royaume des Ospales, Cujas. La Loi Fondamentale est toujours là, avec sa damnée Chambre Noire. Il reste encore tellement à faire, vous le savez plus que personne.
L’ancien précepteur suivit le regard de la reine d’Indeya qui était posé, froid et dur, sur la silhouette rabougrie du roi Léon qui s’éloignait à son tour, sans un mot. Comme il était venu. Comme il avait vécu.
— Mais bientôt, d’une manière ou d’une autre, la Panthère Noire ne sera plus… murmura Cujas, son ton lourd.
Un rire chaleureux, empreint d’une euphorie aérienne résonna tout près de ses oreilles, et Maître Cujas posa son regard électrique sur son ancienne élève, qui parla d’une voix lointaine, pleine de promesses.
— Ne vous souvenez-vous pas des mots de Nevena, Emile ? susurra-t-elle. La Panthère Noire ne meurt jamais.
Le sourire qui germa sur les lèvres fines d’Emile Cujas avait la grâce de la sagesse et la beauté du mystère.
À l’orée de la nuit, les carrosses avaient tous quitté la cour du Palais des Lumières.
L’Impératrice Noire s’était écartée de l’ombre de Ren pour se réfugier dans l’ombre de sa solitude.
La dernière flotte avait mis les voiles, laissant derrière elle le port bleu et blanc d’Irradya.
Le roi du Sskiar et le roi Amalric avaient partagé un sourire miroir.
Les abysses des iris de la cheffe Taravahë avaient rencontré une dernière fois celles de la reine Garance, et la chaleur flottait encore, éternellement, dans l’air, laissant dans son sillage une traînée d’étoiles.
Et sans doute la promesse d’un nouveau firmament.
Très sympa ce petit chapitre d'adieu, tout le monde se dit au revoir, tu clôtures plusieurs arcs tout en montrant qu'il reste du chemin à faire, que la Panthère va devoir continuer son travail. D'ailleurs, c'est un petit regret de ma part que tu n'aies pas plus développé tout ce côté Panthère.
Eléanor est vraiment un personnage intéressant, je trouve que tu lui as fait parcourir un chemin très cool.
Bref, ce genre de chapitre c'est un peu un passage obligé après une aventure aussi longue pour que le lecteur dise au revoir à l'histoire (=
Petite remarque :
"La reine Eléanor, accompagnée de Valmec passèrent j'ai un doute, passa" -> ou passèrent ?
Un plaisir,
A bientôt !
Je suis contente que ce chapitre joue bien son rôle et qu'il soit agréable/satisfaisant à lire, qu'il conclue bien l'histoire aussi ;)
Même si tout n'est pas clos encore héhé
Tu as raison, le développement de la PN (oui elle a son propre acronyme lol) va faire partie du coeur de mes corrections :) je me suis laissée emportée par tout le reste et je l'ai un peu délaissée mais je vais lui redonner sa place dans mes corrections ;) notamment avec les modifs dont je t'avais parlé : l'ajout du pdv du léopard blanc, etc.
Si t'as des idées hésite pas en tout cas ! (Si tu veux réécrire à ma place aussi hésite pas, parce que j'ai trop la fleeeeeemme mdr xD bon, non je rigole)
Je suis contente que tu apprécies Eléanor aussi, c'est une de mes chouchoutes :)
Merci pour ta correction, je me note ça ;)
A bientôt ;)
« — C’est terminé, Eléanor, commença Jade d’une voix chaude. Vous n’avez plus à avoir peur.
Elle lança un regard à Valmec, par-dessus l’épaule recroquevillée de la reine de Percée. Elle se délecta de l’éclat de défiance dans les yeux violets. Elle se rapprocha plus encore, et glissa une main sous le menton d’Eléanor. D’un geste doux et ferme, elle souleva la tête de la reine jusqu’à apercevoir ses yeux de poussière derrière le rideau terne.
— Vous pouvez relever la tête, Votre Majesté. La domination qui planait au-dessus de vous n’a plus de raison d’être. » Ouiii, merciiiiiii de le lui dire <3 <3 <3
« Jade glissa alors une main dans sa manche, dont elle sortit un petit bout de parchemin déchiré et replié sur lui-même. Sans attendre, elle saisit une main de la reine de Percée et y plaça le petit bout de papier.
— Le nom inscrit sur cette feuille, souvenez-vous-en, Eléanor. Cette personne a beaucoup de connaissances et de ficelles qui pourraient s’avérer utiles pour qui souhaite voir ses oeuvres se diffuser… discrètement.
Les mains secouées et gigotantes, Eléanor ouvrit le petit papier et à peine ses yeux posés sur l’écriture, elle ouvrit grand la bouche.
— Charlotte ? Mais… Impossible. C’est…
— Oui, répondit Jade, tout sourire. J’ai cru comprendre que vous la connaissiez très bien. La gouvernante de votre fille a toujours été bien plus que cela, n’est-ce pas ?
La reine d’Indeya posa alors ses mains sur les doigts tremblants d’Eléanor et fixa ses yeux sur le bout de papier déchiré.
— Les Panthères sont partout, Eléanor. Laissez-nous vous aider à écrire la vérité. » Mah <3 Heureusement que Jade est là <3
« Ses yeux avait la couleur de la poussière qui s’envolait dans les rayons du soleil, brillants d’une détermination nouvelle. » avaient
Ahla, la fin, la fin est là. Plus que l'épilogue ;-;. Ce chapitre était beau à lire autant entre les échanges concernant Gina que ceux d'Elénaor et Jade ou même de Cujas et Jade. Ils étaient tous savoureux et libérateur <3
"Ouiii, merciiiiiii de le lui dire <3 <3 <3" --> Ouiii, Eléanor avait besoin qu'on la libère des chaines qu'elle s'est elle-même (enfin elle-même et son entourage quand même faut pas déconner xD) imposées ! Et puis, quoi de mieux que les mots pour la libérer ? :)
Et oui, les Panthères pourraient bien s'allier avec Quionn Senti ! Mais faut que je réfléchisse à mettre en avant cette idée avant d'ailleurs ^^
Contente si ce chapitre apporte la clôture nécessaire à certaines questions et échanges, c'était le but :) Que tout le monde reparte chez soi avec les clés pour mieux vivre leur vie, mieux régner peut-être aussi :)
Contente si ça a un effet libérateur sur le lecteur aussi <3
Merci pour ton com adorable comme d'hab, bisouilles <3