Epilogue - L'horizon sous l'éclipse

Notes de l’auteur : Bonjour, j'espère que vous allez bien et que la lecture vous plaira.
N'hésitez pas à commenter mais, surtout, ne manquez pas le petit texte à la fin de cet épilogue si vous tenez à en savoir plus sur la suite et sur l'état actuel de mon projet. Cet épilogue est loin, très loin d'être la fin, c'est même pas le début - littéralement, c'était pas prévu pour.
Merci encore d'être ici, bonne lecture, à toute à l'heure.

« Lorsque l’inévitable se produira, le choc sera tel qu’Alessia ne pourra plus continuer à avancer. Elle sera mille fois plus accablée que je ne le suis, tout en ayant dix fois plus de responsabilités à endosser. Ce jour-là, je compte sur toi pour savoir agir, et réagir, sans jamais douter ni faillir. Je sais que tu auras déjà compris l’importance capitale de notre mission, pour notre espèce, mais surtout, pour le salut de la Création. »

 

Marco-Aurelio dans une lettre posthume destinée à son fils, Spolète, Italie, été 1871.

 

Après tout, qui pouvait savoir ce que le réveil du Dieu d’en Bas avait pu engendrer comme conséquence dehors, sur le reste du monde qui ne se doutait de rien ?

 

Depuis près de vingt ans maintenant, son sang s’écoulait à la surface de la Terre, bouillant des raffineries de Solar Gleam aux veines des hommes, résonnant jusque dans les cieux avant de filer vers les étoiles. Alors, si la volonté de ce Dieu des Passions venait d’être réveillée, cela ne pouvait être sans conséquence, Alessia le sentait bien, l’auteur du Code l’avait prévenu au sujet de ceux qui buvaient aux eaux rouges. Certes, Aegidius avait cherché à la rassurer, à lui redonner de l’espoir, elle ne pouvait se défaire de tous ses regrets : le Second Conseil avait causé un mal irréversible, des dégâts irréparables sur un équilibre déjà condamné. Finalement, Marco-Aurelio avait eu raison sur tout, même sur les dérives de ses trois amis ou sur cette apocalypse à venir, tout était vrai. Et, non seulement elle n’avait pas pu les raisonner, mais elle n’avait pas réussi à les empêcher de déclencher ce drame. Car c’était bien ça la menace : l’Apocalypse prédite par les trois petits bergers de Fatima. L’Humanité était-elle prête à l’endurer, à la traverser ?

Marco-Aurelio lui-même en doutait, tout autant que sa disciple. Elle était incapable d’imaginer les horreurs qui se déroulaient peut-être en ce moment même, au-delà de ces tunnels du Vol de Jais. Les mutations s’étaient-elles brusquement multipliées chez tous ceux qui vivaient au bord de la rupture, la Voix allait-elle embraser les passions de ses enfants ? D’ailleurs, les sectes avaient-elles obtenu des réponses de leurs dieux, ou se préparaient-elles à bousculer leurs États déjà vacillants ? En tout cas, si cette guerre acharnée devait encore s’aggraver, les famines réapparaîtraient, les épidémies se propageraient, la misère s’étendrait et, pour le plus grand plaisir du Dieu des Passions, les révoltes gronderaient plus fort que jamais. En somme, la Première Épreuve avait débuté, lorsque le Cœur explosa dans un éclat d’échos, accompagné d’un étrange glas venu des tréfonds d’en Bas. Pourtant, c’était loin d’être la seule crainte d’Alessia, car le premier des quatre cavaliers annoncés, c’était la Division qu’elle sentait poindre jusqu’entre ses amis. Elle avait beau croire en leur serment, elle sentait que les jours innocents étaient derrière eux, que ces révélations sur le LM allaient engendrer des effets terribles.

 

Maintenant, Arcturus semblait déterminé à réclamer sa vie de plaisirs perpétuels, si résolu que la religieuse pouvait encore se demander s’il connaîtrait le salut, s’il n’allait pas éternellement refuser le repos, sa fin puis, un jour, ses limites. En vérité, même s’il triomphait de ce redoutable Roi des Marchands, cette ivresse de cette toute-puissance n’allait-elle pas le perdre, le pousser à désirer toujours plus, quitte à se mentir ? De toute évidence, parmi les Quatre, il était à la fois le moins capable de supporter l’éternité, et le plus désireux d’en profiter avec toute l’Humanité. Le Soleil Marin avait un bon cœur, même William en restait convaincu, mais chacun savait qu’il était incapable de s’arrêter, qu’il s’ennuyait toujours du plaisir actuel pour rêver du prochain, ou qu’il irait au bout de sa lutte contre David. Pour cette guerre, peut-être pourrait-il se révéler plus zélé que Maria ? Depuis tout jeune, l’idée de mourir lui était si horrible, mais elle n’avait jamais été si proche ces derniers temps, elle rôdait désormais près de lui, en permanence. Pire, elle viendrait bientôt avec l’apparence de son ancien mentor, August, comme si Arcturus n’était qu’un pion à changer, comme si tout ce qu’il avait construit ne lui appartenait pas. Non, nos vies sont les plus belles des lumières, lui chuchotait son esprit en revêtant la voix de sa défunte mère, il faut les protéger à tout prix, ils reviendront pour te les prendre. Alors, dès qu’il serait revenu là-haut, il allait trouver cette lueur éternelle et faire taire ces ténèbres, quoi qu’il advienne.

 

Quant à William, aucun de ses amis n’était capable de saisir ses véritables intentions, ni même ses points de vue, tout juste ses belles motivations. Avec les dernières découvertes du Conseil, sa vision du monde était bouleversée à jamais, un esprit rationnel comme le sien ne pouvait en ressortir indemne. Alessia le savait bien, il ne voyait qu’au travers de sa rancœur, de son chagrin envers ce monde qu’il tenait pour injuste, insupportable, mal fait. Et lorsque ce vent de malheur fera tout vaciller autour de lui, chacun pressentait qu’il ne pourrait pas se retenir lui non plus, il serait emporté lui aussi. Mais à la différence d’Arcturus, William était le premier à douter de sa voie, de son devoir, de son serment. Bien sûr, tous le croyaient profondément sincère, y compris Maria, seulement elle connaissait trop son caractère héroïque et son naturel influençable, assez pour se méfier de son retour chez les révolutionnaires allemands. D’une façon ou d’une autre, chacun redoutait les prochains mensonges du Saxon, voire les trahisons qu’il pourrait se retrouver à justifier, lui le premier. Pourtant, cette vie de compromis entre sa Cause et son Conseil n’était pas le pire de ses problèmes, tout comme sa découverte d’aujourd’hui n’était pas l’origine du LM. Car si le Cœur de la Forêt renfermait vraiment le secret de la Thérapie Reine, il ne pourrait plus se défiler, l’heure de la Grande Révolution serait venue. Et, qui sait, peut-être que je pourrais mettre cet arbre au centre de la Toile, se répétait-il en protégeant son sac des soubresauts de leurs courses vers la surface, tout cela serait tellement plus simple, il doit en être ainsi. En plus, il n’aurait pas à souffrir du choix du porteur de sa thérapie, et personne ne pourrait y trouver à redire, puisque personne ne saurait souhaiter ce fardeau, c’est impossible

 

Malheureusement, au grand désarroi d’Alessia, c’était sa meilleure amie qui plongeait le Conseil dans la pire des incertitudes. Que ce soit à Fatima, à Genève ou sur les rives de la Lyre, Maria avait réaffirmé ses ambitions et ses libertés sans jamais en douter ni remettre en question son rêve d’une vie supérieure. Alors maintenant qu’elle s’était hissée à la tête de son DMN, jusqu’où pourrait-elle aller quand il faudra le diriger, le protéger dans les épreuves à venir ? Bien sûr, la Florentine priait encore pour que sa collègue puisse trouver la paix dans les bras de Jasper, à défaut d’avoir pu la raisonner elle-même. Toutefois, chacun savait que la Lune Pâle n’abandonnerait pas ses rêves, elle non plus, ce n’était pas dans sa nature. Et si les trois petits bergers disaient vrai sur cette Nouvelle Humanité, elle serait prête à commettre bien des choses pour la faire advenir, pour l’offrir à sa chère sœur. En tout cas, cette ambition démesurée dégoûtait William de plus en plus, l’irritait, malgré toute la compréhension dont il pouvait faire preuve à l’égard de son premier amour. Par chance, il était certain de la voir tenir sa parole, celle de l’aider à porter la Révolution, mais pour combien de temps et de quelle manière ? Quant à Arcturus, ses craintes au sujet de sa collègue étaient bien plus immédiates, elles étaient juste dans les sacs de ses Springs, ceux qu’elle regardait parfois avec des yeux pleins d’envie. Arcturus a trouvé beaucoup de trésors dans ce sanctuaire, lui chuchotait sa conscience, il va essayer de nous les cacher, comme toujours, il voudra me doubler. Cependant, elle n’était pas fataliste, elle n’allait pas le laisser accaparer les fruits de cette expédition, ni lui ni personne, tant que nous n’aurons pas eu la part qui nous revient…

Face à tout ça, Alessia en était réduite à prier un nouvel appel de Samaël, tant l’avenir lui paraissait trop sombre et incertain. Néanmoins, même lorsqu’elle repensait au sauveur de Fatima, le doute venait encore se glisser entre ses espoirs. Après tout, c’est lui qui l’avait exhorté à venir ici, mais il n’avait jamais répondu à ses appels, ni à la Forêt d’en Bas, ni les nuits précédentes. À plusieurs reprises, elle l’avait pourtant imploré de lui offrir le signe, voire de se présenter au Second Conseil, comme il l’avait fait pour ses professeurs. Seulement, comment pouvait-elle être certaine qu’il s’agissait bien de lui, et non du Démon usurpant son identité depuis tant de millénaires ? Jusqu’à présent, Satan semblait n’avoir jamais entrepris d’action contre le Conseil, mais la religieuse n’arrivait pas à chasser l’idée qu’il ne tarderait pas à entrer en scène, s’il ne l’avait pas déjà fait, en les poussant à piller ce sanctuaire. Peut-être même qu’il était déjà là, quelque part, en train de les épier comme il avait observé l’horrible chute de la cité étrusque, après avoir l’avoir déclenchée, encouragée, aggravée. Au bout du compte, il ne semblait y avoir plus aucun espoir auquel se raccrocher, aucune perspective qui puisse offrir de garanties aux Quatre Disciples, désormais conscient de la terrible vérité : le LM était l’essence de ces Dieux Voilés, oubliés, rejetés…

Malgré tout, le Cœur Astral n’avait pas perdu sa foi inébranlable, au contraire, elle était plus vive que jamais. Et pour cause, son Dieu était averti de tout, il y avait même dépêché son fils, sans compter ses Anges, déjà vainqueur de toutes ces menaces par le passé. Mais pour l’instant, ils n’étaient pas intervenus, même s’ils étaient probablement là eux aussi, en train de guider le cours du Temps par petites touches, sans être jamais surpris. Après tout, peut-être que quelqu’un était venu agrandir le tunnel qui leur permit de surprendre le Vol de Jais, peut-être que Tisseuse avait reçu l’ordre de veiller sur la traversée souterraine de William et d’Alessia, peut-être que Jasper avait été attiré auprès de Yerri, ou que les mutants avaient été tenus à l’écart de leur chemin vers le Cœur ? Plus rien ne semblait impossible. D’autant plus qu’il restait un dernier personnage curieux, aux comportements étranges mêmes pour l’Italienne du Conseil : ce Maître des Secrets mentionnés par l’auteur du Code, l’ange gardien de la lignée de Marco-Aurelio, Raziel. Selon les traditions mystiques, il n’était rien de plus qu’un messager secondaire, destiné à révéler des grandeurs cachées à la place de l’Ange Gabriel. Cependant, Alessia sentait bien que ce n’était pas logique, que ce prétendu messager devait remplir une tâche différente, comme celle de conduire progressivement l’Humanité à sa destinée, ou à sa fin. Après tout, Dieu avait dû l’envoyer auprès des Pionniers pour une raison bien précise, il ne pouvait en être autrement…

En tout cas, elle comptait fermement le découvrir, ça aussi, comme tous les secrets renfermés par cette civilisation si glorieuse. Naturellement, ses trois amis entretenaient chacun toutes sortes de fantasmes à propos de ces trésors ou de ces savoirs, innombrables au point d’en donner le vertige. Les Anges savaient modeler la terre et la vie, tout comme ils pouvaient la ravager ou la bénir d’un simple geste de la main. Ils parvenaient même à octroyer leurs pouvoirs aux hommes, ou à l’enfermer dans des outils, des appareils dont ils seraient les seuls à user, pour l’instant. Aux yeux de chacun des Quatre, il y avait tant à apprendre du moindre vestige de ces êtres, même s’ils y cherchaient tous quelque chose de différent, s’ils y poursuivaient tous des rêves plus proches que jamais.

D’ailleurs, dès qu’ils auraient réchappé de ces tunnels obscurs, ils avaient une dernière tâche à accomplir, quelque chose qui ne pourrait attendre : le récit détaillé de leurs découvertes respectives et, surtout, le partage de leur butin…

À présent, la grande tempête promise par Raziel à Marco-Aurelio ne saurait tarder…

« L’amitié… c’est étrange, ce n’est ni comme la solidarité, ni comme l’amour… C’est un entre-deux. Ça n’a pas vraiment d’intérêt, mais il est douloureux de ne pas la connaître ; Cela cause parfois des ennuis, mais tout lui est pardonné… Elle n’était pas présente chez Adam, ni chez moi, ni chez notre Créateur, mais elle est venue de nous, elle est née comme est né le vide. D’ailleurs, je sais que l’amour se change en haine, que la solidarité se change en prédation, mais cette amitié… vers quoi pourrit elle ? Elle ne saurait virer à une simple indifférence dans nos cœurs contrefaits… Non, cet homme que tu as épargné, nous allons le tuer ce soir, nous le devons. »

 

Satan à Azaël, l’un de ses douze premiers fidèles, lorsque les Déchus commencèrent à éprouver de l’affection, près d’un campement humain aux portes des grandes forêts de Syrie, 800 000 av J-C.

 

 

Rebonjour,

D’abord, j’espère que la lecture de cet épilogue vous a plu, et vous a donné envie de lire la suite, car il y en aura bien une, rassurez-vous.

À l’origine, ce dernier chapitre était le tournant du Pavement des Enfers, mais quatre autres chapitres devaient suivre, chacun avec leur lot d’action et, surtout, de drame pour les héros. Mais ce premier tome aurait été trop conséquent pour un début, tout en étant trop dense pour être réduit, à moins de couper des intrigues du récit – ce que j’ai toujours évité pour le moment.

Pour des raisons pratiques, j’ai donc séparé le Pavement des Enfers en deux parties, à ce tournant du chapitre 6, même si ça n’a rien à voir avec la véritable fin. Et par la même occasion, ce redécoupage me permettra de mieux développer la seconde moitié du récit, de vous parler davantage du nouveau quotidien des héros après les évènements d’en Bas, de l’univers qui continuera d’évoluer sous l’influence du LM.

Enfin, quoi qu’il en soit, je compte envoyer le manuscrit à des éditeurs dans les prochains jours, MAIS, ça ne sera pas exactement celui que vous avez lu ! Vous l’avez peut-être remarqué, mon rythme de publication a été très chaotique pour les dernières parties, et ce n’est pas seulement pour des questions d’emplois. J’ai repris l’intégralité du texte afin de fluidifier la lecture, de limiter les répétitions ou les tournures similaires (les « que » ou les « qui », très présents dans la première version, ou l’usage des adverbes parfois un peu abusé), avec l’aide d’un logiciel dédié ; j’ai modifié légèrement la mise en page pour une apparence plus professionnelle, et j’ai aussi essayé de varier les débuts de phrases ou les mots, histoire de rompre un peu de monotonie. J’espère que cela rendra toutes les scènes plus agréables, cela a déjà permis de raccourcir le livre sans lui enlever de détails (j’ai dû enlever pour 50 pages depuis le début, juste en petits mots inutiles ou en mauvaises tournures, ça aère sacrément). Evidemment, le chapitre de la Forêt d'en Bas a été coupé en deux, entre la partie en surface avec le Vol de Jais et la partie souterraine (chacune faisant 90 pages environ).

De plus, Arcturus et, surtout, ses Springs disposeront d’une scène bien plus longue lors du chapitre 5, afin de mieux vous les présenter et leur donner la valeur qu’ils méritent dans cette histoire. J’espère que cette scène vous plaira, le Prophète y fera d’ailleurs sa première apparition (sans dévoiler son identité, bien sûr).

Bref, je suis certain que ses modifications amélioreront le récit, même s’il ne s’agira probablement pas des dernières.

En tout cas, le Pavement des Enfers sera mené à son terme et, qui sait, peut-être viendrai-je publier certaines scènes ou certains passages de la suite.

D’ailleurs, je reviendrai très probablement sur ce site afin d’y publier de nouvelles histoires, notamment un roman plus petit qui se déroule en parallèle de ce tome-ci, un livre plus classique avec moins de personnages ou de sous-intrigues. Celui-ci vous racontera beaucoup de choses sur le RFA, à travers les aventures d’un quatuor attachant dont la route viendra croiser celle de nos héros, dès la seconde partie du Pavement des Enfers.

D’ici-là, portez-vous bien et n’hésitez pas à commenter (je réponds assez vite en règle générale). Merci de m’avoir lu ou d’avoir commenté, en espérant vous revoir à nouveau, et pour longtemps.

Deslunes.

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