S'il y à une chose que l'imaginaire collectif véhicule à propos des hôpitaux, c'est bien l'ambiance blanche, cotonneuse et silencieuse, qui est censée y régner. Les draps sont immaculés, le personnel soignant chuchotant, les familles ont le regard torve et tragique de ceux qui n'ont plus d'espérance... et il n'y a strictement personne dans les couloirs, en dehors des protagonistes.
Sachez le. C'est faux.
Enfin. Sauf en soins palliatifs.
Et encore.
L'aile dans laquelle était hospitalisé Eli possédant des draps de dessus verts céladon, des paravents de séparation de la même couleur, et des rideaux jaunes pâles. Il y avait une agitation permanente dans les couloirs, entre le passage des familles, des patients, les rires du personnel ou encore les potins racontés autour d'un café. Comme tous les endroits où l'on soigne et où l'on est habitués à la mort, il y avait une effervescence de vie absolument étourdissante, qui bizarrement n'était pas sans déplaire à la jeune femme qui avait tout le loisir d'écouter sans devoir parler à qui que ce soit.
Il faut dire que quand vous êtes clouée au lit, à cause d'une blessure par balle et d'une belle paire de menotte, vos loisirs sont assez vite limités. Surtout quand vous avez récemment pris la télévision en horreur. A vrai dire, Eli avait toujours eu une relation amour/haine cette dernière : incapable de détacher ses yeux de la moindre image en mouvement, il lui était déjà arrivé de rester coincée plusieurs heures devant des émissions débiles et des séries gnangan, mais depuis que le petit écran annonçait en boucle qu'elle était une tueuse en série psychopathe ayant monté et maquillé près de 666 meurtres pour finir par tenter d'assassiner toute sa famille proche, elle ne pouvait plus le voir en peinture. D'autant que son presque assassin de beau-frère passait pour le héros de l'histoire.
Ce qui la mettait dans un état de profonde indignation.
Après tout, c'était ELLE qui s'était faite maudire, enlevée par des gonades zombifiées, trimballée entre les réalités, et qui avait pris un temps infini à trouver des petits post-it fun pour trier les spécificités des assassinats !
Et c'était ELLE qui s'était faite tirer dessus ! Et par le soi-disant héros de l'histoire en plus !
Mais quelle que soit sa source d'information, il semblait que le monde entier pensa le contraire, que Yan Tersën, au lieu d'avoir manigancé pour s'approprier un ancien rituel, avait interrompu ce dernier, arrêté toute une secte de tarés persuadés que la fin du monde mayaztèque allait avoir lieu le 27 décembre, et abattu l'instigatrice de tout ça. Et ce, malgré toutes ses protestations véhémentes et ses tentatives d'explications.
Il y avait tout simplement trop de preuves contre elle.
Comment ? Elle n'en avait aucune idée. Mais la police lui avait dit avoir trouvé tout un tas d'éléments à charge chez elle, et le témoignage de Yan pesait plus lourd que le sien dans la balance.
C'était abominablement insupportable.
- Encore en train de ruminer ?
~ Va chier dans les orties ~
Seth esquissa un sourire amusé et déposa un bouquet de mini-saucissons entourés d'un ruban vert et argent sur la table de chevet d'Eli. Elle savait par les infirmières qu'il avait été son seul visiteur ces derniers jours, mais jusqu'à présent, elle avait toujours été trop dans le coaltar ou trop de mau- vaise humeur pour apprécier ses passages.
- Tu as l'air plus en forme que la dernière fois.
~ Pas dur ~
Il eut un petit rire sincère qui lui fit du bien et s'assit sur le rebord de son lit.
- C'est vrai.
Ils restèrent un moment en silence, elle, trop contrariée par les événements pour parler, lui, incapable de trouver comment aborder le sujet l'ayant amené à cette visite tardive.
- Eli...
La jeune femme lui jeta un regard de travers, puis leva sa main non menottée.
~ Saucisson d'abord. Explications après ~
Conciliant, le dieu préleva un saucisson du bouquet et le déposa dans la main tendue de son amie qui s'empressa de l'enfourner dans bouche. Par amitié pour Seth, elle attendit même qu'il ai finit de mâcher le sien pour commencer la discussion. Parce que si elle pouvait signer la bouche pleine, elle ne tenait pas à le voir parler en mangeant.
~ ? ~
- Je cherche par où commencer.
~ Par la raison pour laquelle c'est ce connard de Yan qui est célébré et moi qu'on attache ?~
- Ah. Ouais ça. C'est peut-être un peu ma faute. Et légèrement la tienne.
~ Genre ? ~
- Eh bien. Déjà pour commencer t'es morte.
- Hein ?
Seth se pris en plein museau la malheureuse petite limace expectorée par Eli. Par réflexe, il chassa la pauvre bête d'un revers de main, et la pauvrette acheva sa courte vie en tâche orange sur le mur.
~ Comment ça, morte ?! ~
- Ouais. Ça a été bien relou d'ailleurs ! Parce que normalement, les morts peuvent pas revenir à la vie. T'aurais pu attendre deux minutes de plus que je finisse mon sort !
- Ixputlequi.
Devant le regard noir de sa compagne et l'utilisation de son vrai nom, le dieu baissa un peu le nez, mal à l'aise.
- Bon. Si tout le monde pense que tu es une tueuse en série, c'est parce que j'ai un petit peu détourné le réel ? Ou plutôt... que je l'ai un poil réécris ? Par accident ?...
~ … … … … ~
- En même temps t'es morte au milieu ! Et normalement les morts restent morts ! Mais
Une voix surgie de nulle part, ou plutôt du fauteuil situé dans l'angle de la chambre, lui coupa la parole :
- Vous n'étiez pas obligée de mourir.
Alors qu'Elizabeth fixait, yeux écarquillés et bouche ouverte, le meuble sur lequel une silhouette androgyne se dessinait progressivement, Seth, lui, sauta tout bonnement en l'air de surprise avant d'aller plus ou moins se cacher de l'autre côté du lit, se servant de la convalescente comme armure anti-Yiel. Il fallait dire que la divinité, installée jambes et bras croisées dans le fauteuil, le visage sombre et le chapeau haut-de-forme posé parfaitement droit sur sa crinière, transpirait la menace à peine contenue.
- Mademoiselle Lin. Seth.
La voix de Yiel, glaciale, sembla figer l'air entre eux, incitant Elizabeth à se redresser autant que possible.
- Yiel.
Bizarrement, aucun gastéropodes ne profita de l'ouverture de sa bouche pour se sauver.
- Pourquoi...
- Je suis là pour Mr Noctris. Vous êtes en retard.
- Je voulais pouvoir discuter avec Eli avant...
- Nous avons un marché Monsieur Noctris.
- Une seconde (Eli leva la main pour les interrompre) de quoi on parle, là ?
- Lorsque vous avez disparu, Monsieur Noctris est venu solliciter mon aide, en échange de quelques années de servitudes. Il devait commencer hier.
- Quoi ? Seth !
Mais le jeune homme évita son regard préférant passer une main nerveuse dans ses cheveux qui, Eli ne le remarquait que maintenant, étaient bizarrement dépourvu de la moindre couche de gel. A vrai dire, ils tombaient plutôt joliment autour du visage pâle du barman. S'arrachant à cette pensée idiote, elle essaya de se re-concentrer sur la discussion en cours :
- … d'autant qu'avec glissement d'univers, vous avez mis une belle pagaille dans les univers Ixputlequi. Au point que le Bureau est venu exiger que vous répariez vos bêtises.
- Ce n'étaient pas des bêtises ! Yiel, vous savez aussi bien que moi que j'avais le droit de faire ça !
- Certes. Mais par votre faute, la loi selon laquelle les morts restent morts ne fonctionne plus. Vous devez donc avoir une petit idée d'à quel point cela peut être problématique dans certains cas.
Il y eu un silence durant lequel les deux divinités se dévisagèrent tandis que les yeux gris d'Eli allaient rapidement de l'un à l'autre, sa cervelle humaine fonctionnant à toute vitesse quant aux implications de ce qui venait d'être dis.
- Tu m'as ramenée à la vie.
- Oui.
- Alors que j'étais morte.
- C'est ça.
- Mais... pas... dans notre réel ?
- Non. Dans notre réel, Yan et toi êtes morts. Dans celui-ci... eh bien la Eli d'ici s'est vue remettre un rituel permettant de ramener sa sœur à la vie. Elle... c'était pas quelqu'un de très bien, désolé...
La jeune femme haussa les épaules, peu concernée par ce qu'une autre personne qu'elle avait fait. C'était peut-être ce corps qui avait tué des gens, mais pas elle. Enfin, ça expliquait pourquoi tout le monde la regardait de travers, et pourquoi c'était Yan qui récoltait tout les lauriers. Et puis ici au moins Brän et Camille n'étaient pas triplement orphelins.
Elle se sentit bizarrement soulagée à cette pensée.
- Bon. D'accord. Et maintenant ? On fait quoi ?
Elle vit les yeux de Yiel se mettre à pétiller sous le rebord de son haut-de-forme et su qu'elle avait posé la mauvaise question.
- Eh bien... Monsieur Noctris va venir avec moi, comme le stipulent les termes de notre contrat. Et vous, vous allez passer un sale moment, au procès, en prison, puis probablement lors de votre exécution. Sauf...
- Sauf si je signe aussi ?
- C'est ce que j'ai tout de suite aimé chez vous Mademoiselle Lin. Vous êtes factuelle. Et comprenez vite.
- Alors ?
- Voici les thermes : je vous sort d'ici, je lève la malédiction, et en échange, vous vous engagez pour le même nombre d'années de servitude qu'Ixputlequi.
- NON !
- J'accepte.
- ELI !
- J'ai dis « j'accepte ». Je signe. Seth, y'a rien que me retient ici d'accord ? Les seuls trucs cool que j'avais dans l'autre vie, je ne les ai pas ici. En dehors de toi. Ça me dérange pas de passer quelques années au service de Yiel.
- Siècles.
- Hein ?
- J'ai signé pour deux siècles.
- Oh. Merde. Bon.
L'androgyne, qui s'était levé durant leur échange, leur adressa un grand sourire :
- Y allons-nous ?
- … Je suppose que oui.
- Toujours si factuelle Mademoiselle Lin. Vraiment. Vous êtes un bonheur.
Tout en parlant, la divinité avait commencé à agiter les mains, ouvrant une faille aux pieds du lit d'hôpital. L'intérieur de cette dernière bouillonnait de la lumière caractéristique des porte dimensionnel, et l'être surnaturel y plongea sans la moindre hésitation. A la seconde même où la dernière esquisse de sa silhouette eu disparu, la faille s'élargit pour faire la largeur du lit et commença à l'engloutir.
Et alors que le portail créé par Yiel s'avançait vers eux, Seth pris doucement la main d'Elizabeth dans la sienne. Ses yeux noirs se posèrent avec douceur dans ses yeux gris, et il eut un pauvre sourire.
- Je suis désolé de t'entraîner dans tout ça Eli...
Mais la jeune femme lui retourna un sourire radieux, serrant fermement les doigts sur les siens. Et alors que le portail se refermait sur eux, elle murmura :
- T'inquiète Seth. Tout ça, c'est pas une fatalité.
Commençons par le commencement : j’ai adoré Eli et son univers si particulier. J’ai toujours une affection particulière pour les héroïnes à mauvais caractère et badass mais elle, elle explose tout :D Mais surtout, ce que j’aime dans cette histoire, ce sont les personnages secondaires et le fait qu’ils sont tous potentiellement les personnages principaux de leur propre histoire. Ils ont tous des caractéristiques et des caractères incroyablement vivants et attachants.
Pour continuer sur les compliments, merci pour l’humour noir et les détails glauques, c’est ce que j’ai le plus apprécié :D Bref, un cocktail détonnant, avec un ton qui change pas mal du classique récit fantastique habituel et un univers qui ouvre sur des possibilités étourdissantes.
Pour ce qui est de la fin et de l’épilogue en particulier, je dirais « un grand oui et un petit non ». Je suis un peu partagée sur le fait que Seth ait catapulté Eli dans un univers parallèle. D’un côté, je trouve l’idée intéressante et pleine de potentiel pour une éventuelle suite. Et que l’héroïne devienne la criminelle, c’est tout à fait dans le style humour noir de l’histoire :D
Là où je reste un peu sur ma faim, c’est que, du coup, tous les personnages qu’on a laissé dans l’autre univers, ils deviennent quoi? D’ailleurs, que devient cet univers? Rayé de la carte? Laissé en plan avec les cadavres de Yan et d’Eli? Là dessus, j’aurais aimé une réponse. Et Sugar??? C’est un personnage trop important pour disparaître sans la moindre explication.
C’est peut-être mon envie de prolonger l’aventure le plus possible qui parle (j’avoue) mais je suis donc restée un peu sur ma faim :)
En tout cas, c’est une histoire que je suis un peu triste de terminer. Et c’est le signe qu’elle est top parce que j’aurais aimé qu’elle dure deux fois plus ;)
À bientôt, j’espère, pour de prochaines aventures
Bises
Alice