L’agent 12 était au pied de l’immeuble où s’était déroulé le supposé incident. La bâtisse était tout ce qu’il y a de plus délabré : les murs étaient couverts de crasse sur trois étages, et la moisissure avancée de la moquette n’arrangeait rien à l’apparence chaotique des lieux.
S’avançant à l’intérieur, il se demanda comment les quelques rares locataires pouvaient encore réussir à vivre ici, au beau milieu du quartier le plus abandonné de la jungle urbaine.
Ultime relique d’une époque de modernité depuis longtemps révolue, un ascenseur flambant neuf trônait au beau milieu du rez-de-chaussée. L’homme préféra emprunter l’escalier jusqu’au troisième étage, où l’attendait le logement de celui qu’il était venu interroger.
« Monsieur Sorbet ? Je suis agent de police, on a dû vous prévenir de mon arrivée. »
Le vieillard ne soupçonna pas le mensonge, accueillant l’invité dans son salon poussiéreux. Il ne se fit pas attendre pour commencer les protestations, manquant de mettre le feu au canapé alors qu’il s’allumait un cigare.
« Vous v’nez pour les disparitions ? J’vous ai dit que j’en savais rien ! »
L’agent 12 tenta de clarifier la situation, expliquant qu’il n’accusait en rien le brave homme et était là dans l’unique but de collecter des informations. Ce dernier finit par céder, achevant son cigare d’une toux roque annonciatrice de problèmes pulmonaires imminents.
« Fichus gamins ! Voilà des années que j’les entends passer des soirs et d’autres. Jamais réussi à les attraper, ces ptits cons fuient des qu’sors la canne à la main ! »
Les visites nocturnes semblaient fréquentes. Le mode opératoire était toujours le même : une fois la nuit tombée, un groupe de collégiens investissait le troisième étage de l’immeuble, l’un d’entre eux empruntait l’ascenseur et n’en ressortait jamais. Le taux de disparition du quartier était douze fois supérieur à la moyenne : on déplorait plus d’une dizaine d’évaporations mystérieuses par année.
« C’est pas pour ça qu’vous venez n’est ce pas ? Vous voulez juste « l’indice ». C’est rien d’autre qu’un bout d’papier inutile si vous voulez mon avis. »
L’ancêtre sortit d’une de ses poches un morceau de feuillé froissé, qu’il avait d’après ses dires trouvé dans l’ascenseur un lendemain d’événement. Les lignes étaient hasardeuses et écrites à l’encre, l’œuvre d’un jeune adulte sans aucun doute.
« Rentrer dans l’ascenseur depuis le troisième étage. Descendre au premier étage. Une fois les portes ouvertes, rester à l’intérieur et monter au second étage. Une fois les portes ouvertes, rester à l’intérieur et descendre au premier étage. Une fois les portes ouvertes, rester à l’intérieur et monter au troisième étage. Une fois les portes ouvertes, rester à l’intérieur et descendre au second étage. Une fois arrivé au second étage, vous pouvez sortir : vous êtes arrivé. »
Arrivé où ? Au second étage ? Dans ce cas, toute la démarche présentée précédemment n’aurait aucun sens. Le papier insinuait au contraire qu’après avoir suivi les étapes, l’ascenseur aurait pu amener absolument n’importe où, sauf à l’étage tant désiré. Si le nombre de disparitions n’avait pas été si affolant, cela aurait ressemblé à une simple farce destinée à effrayer les crédules. Cependant, de par la véracité des faits, l’agent 12 se devait d’enquêter sur la situation.
« Merci Monsieur Sorbet. Je vois qu’il fait déjà nuit, je ne vais donc pas vous importuner plus longtemps. »
Saluant le vieillard, l’homme quitta l’appartement sans plus attendre. En face de lui résidait l’ascenseur, fier et immobile. Une pensée soudaine traversa l’esprit de l’agent. Il pénétra dans la cabine, tandis que les portes d’acier se refermaient derrière lui. L’endroit était tout ce qu’il y a de plus classique, mais on pouvait lui reconnaître une certaine propreté appréciable.
« Premier étage d’abord. »
Il s’exécuta, laissant la structure le descendre au palier inférieur tandis qu’il s’attendait à une quelconque réaction extraordinaire. Rien de particulier, et les étapes continuèrent donc de s’enchaîner : le moyen le plus rapide de découvrir si toutes ces superstitions étaient fondées restait encore de les expérimenter directement.
« Très bien, je suis remonté, puis redescendu. Cap pour le troisième étage. »
De l’extérieur, la scène semblait stupide, mais en plus de dix ans de carrière, l’agent 12 avait appris à ses propres dépens que la logique était parfois quelque chose de très relatif. Un sentiment d’appréhension s’empara de lui alors qu’il atteignait le troisième étage, les portes s’ouvrant sur le corridor qu’il avait quitté quelques minutes plus tôt.
« On arrive au bout n’est ce pas ? Le prochain trajet est supposé m’amener… quelque part. »
L’homme tapota hasardeusement sur le second bouton de la cabine, qui entama sa longue descente vers l’inconnu. La pression commençait à se faire ressentir tandis que la pièce mobile vrombissait, tremblant presque alors qu’elle s’arrêtait à ce qui était supposé être le second étage.
Les portes s’ouvrirent enfin, dévoilant quelque chose que dix ans de carrière ne suffisent pas à prévoir.
Ce début de récit provoque une curiosité exagéré chez le lecteur... Mais que trouvera-t-on au second étage ?
C'est très bien narré et agréable à la lecture!
Ton histoire m’a intrigué, je m’empresse d’aller voir ce qui se cache derrières les portes. .
Super bien écrit, on rentre directement dans ton écrit, j'ai hâte de savoir où la suite va nous mener.
La suite te donnera l'occasion d'en apprendre plus sur l'univers de l'Agence !
Bonne lecture !
Un mélange de Blade Runner (le nouveau) et The O.A. Saison 2, pour l'instant, au feeling.
Bigre, qu'est-ce qu'il va bien pouvoir découvrir ?
Zéro idée.
Trop bien.
Même remarque que les autres sur le mensonge. On a l'impression que le vieux sait qu'il s'agit d'un mensonge.
J'ai un peu tiqué sur cette phrase aussi : "Ultime relique d’une époque de modernité depuis longtemps révolue, un ascenseur flambant neuf trônait au beau milieu du rez-de-chaussée." Il y a une contradiction forte entre "relique" et "époque depuis longtemps révolue" d'un côté et "flambant neuf" de l'autre. Comment cet ascenseur peut-il être flambant neuf alors qu'il date d'une époque depuis longtemps révolue. Parce qu'il est spécial j'imagine puisqu'on découvre son rôle par la suite mais à ce moment-là de l'histoire, ça n'est pas clair.
Même chose avec ton 1er paragraphe : "L’agent 12 était au pied de l’immeuble où s’était déroulé le supposé incident. La bâtisse était tout ce qu’il y a de plus délabré : les murs étaient couverts de crasse sur trois étages, et la moisissure avancée de la moquette n’arrangeait rien à l’apparence chaotique des lieux." Comment peut-il savoir que la moquette est moisie alors qu'il n'est pas encore entré dans le bâtiment ?
Tu pourrais aussi alléger certaines structures. Par exemple, enlever le passif dans cette phrase : "La bâtisse était tout ce qu’il y a de plus délabréE : murs couverts de crasse sur trois étages et moisissure avancée de la moquette." Je force un peu le trait là.
Je me permets toutes ces remarques parce que je trouve ton texte très prometteur et, bien sûr, ça n'est que mon avis ;)
La tournure de phrase du mensonge était visiblement très maladroite, je vais la modifier afin d'éviter de futures confusions. Pour l'ascenseur, c'était volontaire : la contradiction présuppose son aspect surnaturel.
Vis à vis de la moquette, je ne pensais pas que le détail choquerait. Mais il est vrai que la narration n'est pas clairement établie : dans mon esprit l'agent 12 n'est pas le narrateur du chapitre. Je ferais attention à ce que ce soit plus explicite à l'avenir. Pour ce qui est des tournures de phrase lourdes, j'ai conscience que c'est un gros point noir de mon écriture. J'y travaille afin de gagner en fluidité !
En tout cas, merci pour tes remarques très constructives et tes encouragements. Tout avis est bon à prendre, surtout si il est argumenté :)
Bonne continuation !
Nouvelle sur le site, je me lance dans la lecture des textes et les commentaires qui vont avec.
Franchement, ton premier chapitre est très prenant et bien écrit. En plus l'idée est originale, ce qui ne gâche rien.
J'ai quand même quelques remarques :
Pourquoi la moquette moisie donne un aspect chaotique ? Je n'ai pas vu le désordre mais la crasse dans ta description.
Je m'interroge sur le fait qu'il ne s'arrête pas devant l'ascenseur avant d'aller voir le vieil homme car on ne voit que lui.
Comment le vieillard sait qu'il s'agit d'un mensonge quand il se présente en tant que policier?
Bref, ce dont des détails et je lirai avec plaisir la suite.
Concernant tes remarques; j'ai tendance à associer l'usure avec le désordre, mais il est vrai que la comparaison n'est pas forcément évidente. Si l'Agent ne s'arrête pas devant l'ascenseur, c'est parce qu'il compte interroger le vieil homme avant de commencer son investigation. Enfin, le vieillard ne sait pas qu'il s'agit d'un mensonge, ma tournure de phrase était peut-être maladroite.
Merci encore, et à bientôt :)
J'aime bien le début, ton écriture est fluide et arrivée au bout "Les portes s’ouvrirent enfin, dévoilant quelque chose que dix ans de carrière ne suffisent pas à prévoir." j'avais vraiment envie de lire la suite ! J'aime bien le peu qu'on voit pour l'instant du personnage, son côté un peu blasé. Et le personnage du vieux est bien campé, en peu de mots tu le fais bien passer.
Peut-être pour chipoter une ou deux tournures de phrases un peu bancales type "... où l’attendait le logement de celui qu’il était venu interroger."
Une ou deux coquilles type "...la scène aurait semblait stupide" (aurait semblé stupide)
Et ça je n'ai pas compris de quel mensonge il s'agissait ? "Le vieillard avala le mensonge sans rechigner ..."
C'est toujours rassurant de savoir que la narration est fluide et plaisante à lire. Je prends également note des remarques sur les tournures et les coquilles ! Pour le mensonge, il s'agit de l'agent qui se fait passer pour un policier.
Encore merci, et à une prochaine fois :)